Surveillance des incidents et accidents en retraitement des dispositifs médicaux au Québec 2015-2016

Le présent rapport de surveillance fait état des incidents et des accidents survenus entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2016 dans les établissements de santé du Québec et pour lesquels un rapport d’analyse des incidents et accidents en retraitement des dispositifs médicaux (RARDM) a été saisi dans le système d’information sur la sécurité des soins et des services (SISSS) en date du 16 juin 2016. Lorsque des situations d’incidents ou d’accidents en retraitement des dispositifs médicaux (RDM) surviennent, le formulaire de déclaration AH-223-1 doit être complété ainsi que le formulaire RARDM (AH‑223-2‑RDM) pour effectuer l’analyse. Dans ce dernier, le déclarant collige différentes informations, notamment quant à la gravité de l’événement et le type de dispositif médical en cause.

L’incident se définit par la dérogation du dispositif médical à une norme reconnue en matière de RDM sans toutefois qu’il n’ait été utilisé chez un usager. Pour sa part, l’accident représente toute utilisation auprès d’un usager d’un dispositif médical qui ne respecte pas une norme reconnue en matière de RDM, une telle utilisation pouvant entraîner une conséquence sur l’état de santé de cet usager (INSPQ, 2014). Ajoutons que dans le formulaire RARDM, les événements indésirables sont classés selon une échelle allant de A à I qui inclut également une catégorie « indéterminée ». Les catégories A et B correspondent à des incidents. Les accidents sont quant à eux classés en fonction de la présence ou non de conséquences chez l’usager et de la gravité de celles-ci (catégories C à I et « indéterminée »).

En 2015-2016, sur les 34 établissements québécois, 27 établissements de santé utilisant du matériel en provenance d’une unité de retraitement des dispositifs médicaux (URDM) ont complété un total de 3 595 formulaires RARDM. De ces déclarations, 83 % étaient des incidents (n = 2 985), tandis que 17 % (n = 610) étaient des accidents.

Parmi les 2 985 incidents ayant fait l’objet d’une analyse détaillée RARDM en 2015-2016 :

  • 43 % (n = 1 289) étaient des circonstances ou situations à risque de provoquer des événements indésirables ou d’avoir des conséquences pour l’usager (gravité A);
  • 57 % (n = 1 696) étaient des événements indésirables qui sont bel et bien survenus, mais sans que l’usager soit touché (gravité B).

Parmi les 610 accidents ayant fait l’objet d’une analyse détaillée RARDM en 2015-2016 :

  • la majorité (86 %, n = 522) se sont avérés sans conséquence pour l’usager et n’ont exigé aucune intervention particulière (gravité C);
  • 70 accidents (12 %) ont nécessité des vérifications additionnelles (ex. : test ou examen physique, modification au plan d’intervention, accompagnement de l’usager) afin d’évaluer la présence ou l’apparition de conséquences (gravité D);
  • 11 accidents (totalisant moins de 2 %) ont été rapportés avec des conséquences temporaires nécessitant une divulgation obligatoire à l’usager ou à leurs proches (gravité E1, E2 et F). Ces niveaux de gravité font référence à des conséquences telles que des premiers soins, une désinfection, une consultation, des examens de laboratoire ou le traitement d’une infection. Cependant, l’analyse approfondie du RARDM pour certains événements de gravité E1, E2 et F porte à croire que le dispositif médical impliqué n’aurait tout compte fait pas été utilisé chez l’usager. De tels éléments indiquent qu’il importe d’interpréter les données avec prudence;
  • aucun accident de gravité G, H ou I n’a été rapporté dans les établissements québécois en 2015‑2016;
  • 7 accidents (environ 1 %) n’ont pu être reliés à un niveau de gravité précis au moment de compléter le RARDM. Ils ont donc été rapportés comme à gravité « indéterminée ».

Par ailleurs, les données liées à ces incidents et accidents ont été analysées en vue de documenter les types de dispositifs médicaux (DM) les plus problématiques et de déterminer les causes à l’origine de ces événements indésirables.

En 2015-2016, les types de dispositifs médicaux impliqués dans la majorité des événements indésirables se sont avérés issus de la catégorie « ensemble de DM » (63 % des événements), suivi de ceux de la catégorie « instruments médicaux » (25 %). L’« ensemble de DM » fait référence à plusieurs DM contenus dans un type d’emballage. Les ensembles de DM les plus fréquemment rapportés dans les cas d’incidents et d’accidents sont les contenants rigides et les plateaux. Du côté des instruments médicaux, les pinces et les clamps sont les plus souvent en cause.

Le RDM est un processus détaillé et complexe qui comporte 12 étapes. En 2015-2016, la cause principale de 84 % des incidents et de 87 % des accidents a été une lacune lors de l’une de ces étapes ou un bris dans la chaîne de retraitement. Une part importante des incidents ont été causés par une non-conformité à l’étape d’assemblage (35 %) ou à celle du nettoyage (22 %). De leur côté, les accidents ont été majoritairement dus à un bris à l’étape de la stérilisation (40 %) ou à celle du nettoyage (22 %).

Prévenir les récidives

Plusieurs mesures ont été mises en place afin de prévenir la récidive des événements indésirables : rappel du DM mal retraité, formation du personnel, élaboration ou mise à jour de procédures et politiques, affectation de personnel qualifié, instauration d’un système de traçabilité fonctionnel du DM impliqué et amélioration de l’organisation du service. D’autres types de mesures pour contrer les conséquences chez l’usager ont également été prises à la suite d’environ 20 % des accidents déclarés, par exemple un suivi clinique auprès des usagers exposés.

Comparaison avec les données 2014-2015

Le présent document fait état pour une deuxième année des données déclarées au moyen du RARDM. En comparant les deux années, le nombre d’événements indésirables a augmenté de 3 360 en 2014-2015 (INSPQ, 2015b) à 3 595 pour la présente année. Par ailleurs, plus d’incidents (77 % vs 83 %) et moins d’accidents (23 % vs 17 %) ont été rapportés. Il est possible de supposer que l’augmentation des déclarations au RARDM reflète le renforcement d’une culture de sécurité des soins, la pertinence de la nomination des répondants d’établissements en RDM et la mobilisation des différents acteurs.

Limite des résultats

Il est primordial d’interpréter les résultats présentés dans ce rapport avec prudence, notamment à cause de la possible sous‑déclaration des incidents et accidents en RDM. La qualité de l’information colligée influence elle aussi les résultats. Une sensibilisation continue est donc à prévoir auprès de chaque utilisateur de DM. L’implication et la rigueur des déclarants dans le processus de signalement des événements indésirables liés au RDM sont essentielles. De plus, un changement de perception est à préconiser : la déclaration des incidents et accidents ne doit pas être considérée comme une charge de travail supplémentaire, mais doit plutôt être abordée comme un investissement en termes de temps et de financement afin d’optimiser la qualité et l’efficience.

La mise en place récente du comité des utilisateurs et répondants d’établissements en RDM, en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux et le Centre d’expertise en retraitement des dispositifs médicaux (CERDM) de l’INSPQ, contribue à une meilleure collecte de données d’année en année. Les lignes directrices, les formations, le soutien du CERDM appuient cette orientation afin de sensibiliser les utilisateurs et les gestionnaires aux bonnes pratiques. Ce rapport de surveillance assure un suivi quant aux déclarations et analyses des événements indésirables, mais également quant à la performance des URDM, des blocs opératoires et des milieux de soins. En conclusion, la poursuite des efforts pour alimenter la surveillance en RDM apparaît en effet nécessaire afin d’obtenir un portrait toujours plus complet et réaliste des événements indésirables liés au RDM au Québec.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-77736-6
ISSN (électronique)
2369-8020
Notice Santécom
Date de publication