Projet optimisation du programme Pour une maternité sans danger : évaluation organisationnelle et économique des processus de traitement des demandes des travailleuses enceintes

Le programme Pour une maternité sans danger (PMSD), dispositif de protection de la maternité vis-à-vis des risques professionnels, a été implanté en 1981 au Québec et a connu une période de croissance progressive puis une stabilisation depuis 2005. Entre 46 et 47 % des travailleuses ont recours au programme chaque année. Une évaluation de ce programme a été commanditée par la Table de coordination nationale en santé publique (TCNSP) et la Table de coordination nationale de santé publique et la Table de concertation nationale en santé au travail (TCNSAT).

Le projet s'articule autour de 4 objectifs : (1) décrire et comparer les différents processus organisationnels de traitement des demandes PMSD dans l'ensemble des équipes de la province; (2) évaluer le coût des processus, analyser les écarts de coûts entre les processus et entre les équipes; (3) identifier les critères de qualité tels que perçus par les équipes et la façon dont les équipes hiérarchisent ces critères; (4) formuler des recommandations visant à améliorer le fonctionnement du PMSD en tenant compte du coût des processus.

Méthodologie

Une enquête a été menée au sein de l'ensemble des 29 équipes en charge du PMSD, issues des 15 régions responsables de la mise en œuvre du programme. Une enquête exploratoire qualitative a permis de valider deux questionnaires (données quantitatives) qui ont été créés pour les besoins de l'étude, l'un sur les processus organisationnels et l'autre sur les coûts du traitement des demandes. Le questionnaire sur les coûts a permis de produire deux indicateurs de coûts, l'un basé sur le chronométrage des tâches lié à la réalisation de la P1, P2, P3 dans le Système d'information en santé et sécurité au travail (SISAT), l'autre basé sur les équivalents temps complet par fonction dans chaque équipe. L'estimation est centrée sur les coûts de traitement des demandes et ne tient pas compte des coûts d'indemnisation versés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

Résultats sur les processus

Les résultats sur l'analyse des processus organisationnels montrent que 7 processus différents sont utilisés par les équipes pour traiter une demande : poste de référence avec ou sans appel, étude comparable avec ou sans appel, demande sans modèle, demande avec visite avec ou sans mesure ou échantillonnage. Les équipes en charge du PMSD utilisent différentes combinaisons de ces 7 processus. Le rôle des intervenants et la répartition des tâches dans les équipes varient beaucoup. L'utilisation du SISAT est systématique pour la P1, quasi-systématique pour la P2 et très répandu pour la P3. Environ les 2/3 des demandes sont traitées en passant un appel à la travailleuse et/ou à l'employeur. L'usage d'une banque de recommandations locale (propre à l'équipe en charge du PMSD) et personnelle (propre à un médecin) en plus de la banque de recommandations régionale varie selon les équipes. Dans 6 équipes, le contenu des recommandations pour un même facteur de risque est différent soit entre deux banques personnelles au niveau local, soit entre la banque régionale et les banques personnelles ou locales. Lors de leurs communications avec les employeurs, environ les ¾ des équipes répondent à des questions sur les possibilités de réaffectation ou d'aménagement de poste des travailleuses. Les ¾ des équipes perçoivent que c'est une attente de la part des employeurs de recevoir des recommandations rédigées de façon à donner des pistes pour la réaffectation. Pour les équipes qui utilisent des postes de référence, le temps nécessaire pour la création et l'actualisation de ces postes est difficile à estimer. Par ailleurs, l'actualisation de ces postes n'est pas automatique. Enfin, l'enquête montre que la perception des équipes sur les critères de qualité des processus de traitement est variable. Les deux critères choisis en premier le plus fréquemment sont l'adéquation entre la liste des facteurs de risque retenus et les facteurs effectivement présents au poste de travail, et le délai de traitement des demandes. 25 équipes sur 28 citent le critère de cohérence des recommandations entre les travailleuses en 1re, 2e ou 3e position, ce qui traduit un consensus sur ce point entre les équipes. Mais le consensus n'est que partiel. Par exemple, les 5 équipes qui citent le critère de l'adéquation entre la liste des facteurs de risque retenus et les facteurs effectivement présents au poste de travail en 7e ou 8e position utilisent toutes des postes de référence et représentent 36 % des demandes de la province.

Résultats sur les temps passés et les coûts

Le temps moyen par demande est de 1,3 h basé sur le chronométrage de la P1, P2, P3, et de 3,4 h si on se base sur les équivalents temps complet. Le coût moyen par demande est de 60,10 $ basé sur le chronométrage de la P1, P2, P3, et de 144,90 $ basé sur les équivalents temps complet. Les écarts de temps passé et de coûts entre équipes sont importants, y compris pour un même type de processus de traitement. L'ordre des équipes par temps moyen par demande est similaire à l'ordre des équipes par coût moyen par demande. Les écarts de coûts entre les équipes sont dus pour une grande partie à des différences de temps passé par demande. Des hypothèses peuvent être formulées pour expliquer les différences entre équipes des temps chronométrés pour un même type de processus. Les intervenants sont plus ou moins rapides pour réaliser les mêmes tâches selon leur degré d'expérience. De ce point de vue, certains intervenants ont une très longue expérience du PMSD et connaissent parfaitement les milieux de travail de leur région, alors que d'autres équipes se heurtent à un fort taux de roulement du personnel et ont des difficultés à transmettre aux nouvelles recrues les connaissances accumulées. Ces différences d'expérience pourraient jouer un rôle important dans l'explication des écarts de temps entre équipes, notamment pour les valeurs extrêmes. Ensuite, les méthodes utilisées diffèrent entre les équipes, notamment pour le temps passé par appel téléphonique. La nature de ces appels varie également.

Recommandations

L'analyse des résultats de cette étude permet de formuler 6 recommandations visant à améliorer la performance du programme.

  1. Élaborer par la concertation une vision commune sur les critères de qualité des processus de traitement et prioriser ces critères.
  2. Améliorer la cohérence entre les recommandations au niveau local et régional.
  3. Répondre aux attentes des employeurs en matière de conseils pour l'aménagement du poste de travail ou pour la réaffectation.
  4. Mener une réflexion sur les coûts des processus en adoptant une vision globale, c'est-à-dire en tenant compte à la fois des coûts de traitement et d'indemnisation.
  5. Faciliter le travail des équipes en limitant le nombre d'appels reçus pour raisons administratives.
  6. L'évolution des processus de traitement des demandes devrait tenir compte de la hiérarchie des critères de qualité adoptée au niveau provincial, et des hypothèses sur les avantages et inconvénients de chaque type de processus (tableau 16).
Auteur(-trice)s
Maurice Poulin
Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-66604-2
Notice Santécom
Date de publication