L'exposition à des substances chimiques chez les inhalothérapeutes enceintes : impact potentiel sur le déroulement et le résultat de la grossesse

Faire le point sur les substances chimiques auxquelles les inhalothérapeutes enceintes sont exposées et sur leur impact potentiel sur le déroulement et le résultat de la grossesse.

Dans un premier temps, les données de l'Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (OPIQ) ont été utilisées pour dresser le portrait de la profession d'inhalothérapeute. Par la suite, les demandes d'affectation faites par les inhalothérapeutes enceintes dans le cadre du programme Pour une maternité sans danger ont été analysées à partir des informations contenues dans le SMEST (Système de surveillance médico-environnementale de la santé des travailleurs) pour la période 1997-2004. Un regard particulier a été jeté sur les catégories de risques invoqués par les travailleuses et celles retenues par les médecins désignés, sur les produits chimiques retenus et sur les variations interrégionales dans les recommandations des médecins désignés. Enfin, le travail de l'inhalothérapeute et les conditions d'utilisation et d'exposition aux substances chimiques ont été documentés.

Le premier volet du document présente la caractérisation de l'exposition des inhalothérapeutes à des substances chimiques. Pour ce faire, nous avons procédé en quatre étapes :

  1. Dresser une liste des substances chimiques auxquelles les inhalothérapeutes enceintes sont susceptibles d'être exposées dans l'exercice de leurs fonctions. La liste a été validée par quatre inhalothérapeutes extérieurs au groupe de travail;
  2. Procéder à une recherche bibliographique dans la base Medline sur Pubmed pour identifier les études environnementales portant sur l'exposition professionnelle des inhalothérapeutes. Les études publiées en français ou en anglais entre janvier 1970 et juillet 2010, ont été retenues. Les bibliographies des articles ont permis de compléter la liste des publications à consulter;
  3. Effectuer une étude par simulation avec le chlorure de sodium (NaCl) dans le but d'apprécier, dans le contexte du travail de l'inhalothérapeute, au Québec, les niveaux d'exposition aux médicaments administrés en aérosolthérapie humide;
  4. Estimer mathématiquement les niveaux d'exposition des inhalothérapeutes à des médicaments administrés en aérosolthérapie humide.

Pour le second volet, c'est-à-dire la documentation des effets potentiels de l'exposition des inhalothérapeutes enceintes à des produits chimiques1 sur le déroulement et le résultat de la grossesse, deux recherches bibliographiques ont été effectuées, l'une dans la base de données Embase sur Dialog et l'autre dans la base de données Medline sur Pubmed, afin d'identifier les articles publiés entre janvier 1970 et juillet 2010. Deux sources d'information ont également été consultées soit le livre de Briggs et al., Drugs in pregnancy and lactation: a reference guide to fetal and neonatal risk et le site internet Safefetus.

Au Québec, l'inhalothérapie, une profession majoritairement féminine, s'exerce dans des champs de pratique et des milieux de soins diversifiés. Parmi les techniques de soins utilisées par l'inhalothérapeute, l'aérosolthérapie humide et l'anesthésie sont susceptibles d'entraîner une exposition à des substances chimiques. Dans un premier temps, notre attention s'est portée sur l'aérosolthérapie humide qui est spécifique au travail de l'inhalothérapeute.

Pendant la période 1997-2004, 1 038 demandes d'affectation provenant d'inhalothérapeutes enceintes ont été saisies dans le SMEST. Les risques ergonomiques viennent au premier rang des risques invoqués par les travailleuses enceintes tout comme ceux retenus par les médecins désignés. Dans l'ensemble, des risques chimiques ont été invoqués par 60 % des inhalothérapeutes enceintes alors que les médecins désignés ont retenu cette catégorie de risque pour 70 % des demandes. Lorsque l'exposition aux gaz anesthésiants a été retenue par les médecins désignés pour recommander l'affectation, seulement 64,4 % des travailleuses avaient invoqué la présence de tels risques. L'analyse des données du SMEST a par ailleurs révélé une grande variabilité interrégionale tant dans les risques invoqués par les inhalothérapeutes enceintes que dans ceux retenus par les médecins désignés.

En ce qui a trait à l'aérosolthérapie humide, les études environnementales effectuées pour documenter l'exposition à la ribavirine et à la pentamidine, et les études épidémiologiques portant sur l'asthme professionnel confirment que les inhalothérapeutes sont en contact avec des substances chimiques présentes dans l'air ambiant. L'étude de simulation que nous avons effectuée va dans le même sens et montre qu'il y a effectivement exposition respiratoire des inhalothérapeutes aux substances qu'elles administrent. Parmi les tâches simulées, le traitement d'aérosolthérapie avec enfant assis sur les genoux expose la travailleuse à des niveaux plus élevés.

Qu'en est-il de l'impact potentiel de l'exposition à des substances chimiques sur le déroulement et le résultat de la grossesse des inhalothérapeutes? Les inhalothérapeutes ont rapporté l'utilisation de trente-neuf substances chimiques différentes. De ce nombre, dix-neuf médicaments sont administrés en aérosolthérapie humide. En utilisant la catégorisation du risque foetal proposée par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis d'Amérique, dix-huit médicaments ont pu être classés quant au risque qui leur est associé lorsqu'ils sont administrés à des femmes enceintes, à des fins thérapeutiques. Six médicaments ont été classés dans la catégorie B (le médicament est jugé compatible avec la grossesse), dix dans la catégorie C (les médicaments de cette catégorie ne doivent être administrés à des fins thérapeutiques que si le bénéfice potentiel justifie le risque potentiel encouru par le foetus), quatre dans la catégorie D (les médicaments de cette catégorie peuvent être administrés en situation d'urgence ou si la sévérité de la maladie le requiert et qu'il n'y a pas d'autre alternative thérapeutique) et un dans la catégorie X (les médicaments de cette catégorie sont contrindiqués chez les femmes enceintes ou chez celles qui planifient une grossesse)2.

Il est difficile d'extrapoler aux inhalothérapeutes enceintes le résultat de l'évaluation du risque foetal faite pour les femmes enceintes car le niveau d'exposition des travailleuses, on le présume, se situe bien en deçà des niveaux thérapeutiques. L'étude de simulation, en raison de ses limites méthodologiques, n'a pas permis de quantifier l'exposition des inhalothérapeutes lorsque des techniques d'aérosolthérapie humide sont utilisées. Par conséquent, une recherche à deux volets est recommandée :

  1. Un volet exposition comprenant un protocole d'échantillonnage pour l'établissement d'une courbe de calibration de l'appareil de mesure, étape préalable à l'obtention d'une lecture quantitative fiable des niveaux d'exposition environnementaux aux substances chimiques utilisées;
  2. Un volet effets (réponse) dont l'objectif serait de mesurer les concentrations sanguines et urinaires de traceurs (ex. : le sulfate de morphine).

1À l'exception des produits nettoyants et désinfectants, des gaz anesthésiants et des fumées chirurgicales qui, n'étant pas spécifiques au travail d'inhalothérapeute, feront l'objet de publications ultérieures.

1Trois médicaments ont été classés dans deux catégories selon le trimestre de grossesse au cours duquel le médicament est administré, la posologie ou la durée de l'administration.

ISBN (électronique)
978-2-550-65700-2
ISBN (imprimé)
978-2-550-65699-9
Notice Santécom
Date de publication