Le risque de la maladie de Lyme au Canada en relation avec les changements climatiques : évaluation des systèmes de surveillance - Données du Québec

La maladie de Lyme est la maladie transmise par les arthropodes la plus commune dans l’hémisphère nord. Le vecteur est une tique, Ixodes scapularis, et l’agent causal, une bactérie, Borrelia burgdorferi. Au Canada, un premier site où une population d’I. scapularis s’est établie a été identifié à Long Point en Ontario en 1991. Depuis 1997, une dizaine d’autres sites ont été ajoutés à la liste.

Dans le but éventuel de développer un système d’alerte quant au risque de maladie de Lyme, l’objectif de cette étude est d’évaluer la validité (sensibilité et spécificité) de quatre méthodes de surveillance.

Au Québec, le Laboratoire de santé publique du Québec de l’Institut national de santé publique du Québec gère un programme de surveillance passive du vecteur depuis 1990. En 2007 et 2008, des études sur le terrain pour rechercher l’établissement du vecteur ont été menées en Montérégie, Estrie et Montréal. Deux méthodes principales ont été employées : 1) la capture et l’examen de petits mammifères et 2) la technique de la flanelle. Ces mêmes années, une autre méthode a aussi été explorée, soit l’examen de cerfs de Virginie abattus par des chasseurs. Enfin, depuis janvier 2008, des cliniques vétérinaires utilisent des tests de dépistage de la maladie de Lyme chez les chiens (SNAPMD 4DxMD de la compagnie IDEXX). Le risque considéré dans cette étude est défini par la présence d’une population indigène d’I. scapularis.

Les quatre méthodes mentionnées ci-dessus (flanelle, surveillance passive, examen de cerfs de Virginie et dépistage de la maladie de Lyme chez les chiens) ont été comparées à la méthode étalon, aussi appelée méthode de référence (capture/examen de petits mammifères et flanelle), à l’échelle des subdivisions de recensement (SDR). Un total de 68 SDR ont été classées selon leur statut de présence ou non d’au moins une population d’I. scapularis établie selon la méthode de référence. Pour chacune des quatre méthodes, des indicateurs de possibilité de présence d’une telle population ont été évalués en comparaison avec la méthode de référence.

Flanelle : Les données obtenues par cette méthode ont été classées selon trois périodes de l’année. Il y a trois catégories d’indicateurs : 1) indicateurs basés sur le nombre d’I. scapularis; 2) indicateurs basés sur la présence d’un stade donné; et 3) indicateurs basés sur l’index de certitude d’établissement de population de tiques calculé à partir des données de flanelle. Les indicateurs ont été évalués séparément pour chacune des périodes, ainsi que les périodes 1 et 2 combinées, comptabilisant un total de 32 indicateurs. L’évaluation de cette méthode s’est faite à l’aide de tableaux de contingence entre les données de la flanelle et celles de la méthode de référence, d’un test exact de Fisher testant l’association entre les deux méthodes et de calculs de sensibilité et de spécificité.

Surveillance passive : Les données obtenues par cette méthode ont été évaluées selon deux périodes de temps (2004-2006 et 2007-2008) et la combinaison de ces deux périodes. Il y a deux catégories d’indicateurs : 1) indicateurs basés sur le nombre d’I. scapularis; et 2) indicateurs basés sur le nombre de soumissions. Les indicateurs ont été évalués pour chacune des périodes, comptabilisant un total de 12 indicateurs. La corrélation entre ces indicateurs et la méthode de référence a été calculée par le coefficient de corrélation de Spearman.

Examen des cerfs de Virginie abattus par les chasseurs : Trois indicateurs ont été évalués par le coefficient de corrélation de Spearman comme pour la surveillance passive.

Dépistage de la maladie de Lyme chez les chiens : Deux indicateurs ont été évalués par le coefficient de corrélation de Spearman comme pour la surveillance passive.

Comparaison entre les méthodes : Pour les fins de comparaison, un indicateur a été sélectionné pour chacune des méthodes. Dans l’optique de développer un système d’alerte, l’indicateur ayant la sensibilité la plus élevée parmi les indicateurs de la flanelle a été sélectionné. Pour la méthode de la surveillance passive et l’examen des cerfs de Virginie, les indicateurs ayant le coefficient de corrélation le plus élevé ont été sélectionnés. Un seuil a ensuite été déterminé de façon à obtenir une sensibilité semblable à celle de l’indicateur sélectionné pour la flanelle. La spécificité, les valeurs prédictives et la proportion de SDR faussement positives de chacun des indicateurs retenus ont été calculées. La comparaison des méthodes s’est faite sur les valeurs de ces caractéristiques pour un niveau de sensibilité semblable, en plus des critères de faisabilité.

Parmi les 68 SDR, 13 SDR sont classées positives (19 %) et 55, négatives (81 %) selon la méthode de référence.

Flanelle : Certains indicateurs de la flanelle se démarquent par une sensibilité supérieure à 85 % (nombre d’I. scapularis d’au moins 1 à la période 1) et une spécificité supérieure à 95 % (index de certitude d’au moins 3 pour toutes les périodes).

Surveillance passive : La période 2007-2008 présente les coefficients de corrélation les plus élevés alors que l’association n’est jamais significative pour la période 2004-2006. L’indicateur présentant la corrélation la plus forte est le taux d’incidence d’I. scapularis en 2007-2008 (rho = 0,41189, p = 0,0005).

Examen des cerfs de Virginie abattus par les chasseurs : Seul l’indicateur de la proportion de cerfs parasités est corrélée à la méthode de référence (rho = 0,38793, p = 0,0234).

Dépistage de la maladie de Lyme chez les chiens : Dans l’ensemble, seulement 0,6 % des chiens testés sont positifs. Parmi les 68 SDR à l’étude, seulement cinq présentaient des données concernant cette méthode.

Comparaison entre les méthodes : Les indicateurs, seuils et méthodes retenus pour la comparaison sont : 1) nombre d’I. scapularis à la période 1 > = 1 [flanelle]; 2) taux d’incidence d’I. scapularis soumis par 100 000 personnes-années, 2007-2008 > = 80 [surveillance passive]; 3) proportion de cerfs parasités par I. scapularis > = 10 [cerfs de Virginie].

La flanelle présente la sensibilité (87,5 %) et la spécificité (72,7 %) les plus élevées. La sensibilité de la surveillance passive est semblable à celle de la flanelle (84,6 %), mais sa spécificité, plus basse (66,7 %). L’examen des cerfs de Virginie présente une sensibilité (77,8 %) et spécificité (64,0 %) légèrement plus faibles que la surveillance passive.

Le dépistage de la maladie de Lyme chez les chiens n’est présentement pas une méthode de surveillance valide. La méthode de la flanelle, quant à elle, ne peut être utilisée comme première et unique méthode à cause de sa faisabilité limitée. Pour un système d’alerte dont le but est de détecter la présence potentielle de populations établies d’I. scapularis comme marqueur de risque de la maladie de Lyme, une approche en plusieurs étapes est recommandée. Dans un premier temps, des données recueillies passivement comme le taux d’incidence d’I. scapularis obtenus par la surveillance passive devraient permettre d’identifier une zone où les populations de tiques sont en voie d’établissement. Par la suite, l’utilisation de méthodes plus discriminantes, comme la flanelle au début de la saison des tiques, serait nécessaire pour caractériser le risque à l’échelle des SDR. La proportion de cerfs de Virginie parasités pourrait apporter de l’information complémentaire utile. De futures études devraient explorer l’influence d’autres variables explicatives sur le risque d’établissement d’I. scapularis, ainsi que l’amélioration des indicateurs évalués.

Auteur(-trice)s
Soulyvane Nguon
Ministère de la Santé et des Services sociaux
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-59539-7
ISBN (imprimé)
978-2-550-59538-0
Notice Santécom
Date de publication