Principales étapes de la démarche

Afin d’identifier et de caractériser la cause, la localisation et l’étendue du problème, la démarche d’évaluation de la contamination fongique suit généralement les étapes globales présentées dans la figure ci-dessous.

 

Approche collaborative interdisciplinaire

Selon la situation et le type de milieu concerné (ex. : cas complexes, milieux mixtes), une démarche d’évaluation de la contamination fongique peut faire intervenir divers types de professionnels et de spécialistes, notamment des médecins ou des professionnels de santé publique, des microbiologistes, des hygiénistes du travail ou de l’environnement, des ingénieurs, des architectes, des techniciens en bâtiment, des inspecteurs municipaux, etc. Il est important de respecter en tout temps les champs de compétences des professionnels détenant l’expertise requise, tant lors du partage des tâches que pour l’interprétation des données issues de l’investigation fongique (5).

Par exemple, certaines investigations plus poussées (ex. : inspection d’un système de ventilation et de ses conduits, d’un toit ou d’un comble) exigent des compétences spécifiques. Il peut alors être nécessaire d’avoir recours à certains types d’expertises (ex. : spécialiste en ventilation, technicien en bâtiment) afin d’obtenir le service requis et de prévenir tout risque additionnel pour la santé des occupants, et tout dommage fortuit au bâtiment. Dans d’autres contextes, l’expertise d’un hygiéniste du travail ou de l’environnement, qui possède des connaissances plus spécifiques sur les contaminants potentiellement présents dans les bâtiments et sur les méthodes pour les mesurer, peut être requise pour procéder à l’interprétation d’échantillons environnementaux. Il en va de même pour un microbiologiste expérimenté dans l’analyse fongique et l’écologie des moisissures (voir les fiches sur l'échantillonnage de surface et l'échantillonnage de l'air). Similairement, l’évaluation des risques potentiels pour la santé des occupants (le cas échéant) doit être effectuée par des professionnels de la santé (ex. : médecins traitants, équipes de santé environnementale et de santé au travail des DSP).

Il peut donc être de mise de privilégier une approche favorisant la collaboration entre les différents experts potentiellement impliqués. Par exemple, les données recueillies par un hygiéniste du travail ou de l’environnement[1] sur l’exposition potentielle des occupants aux moisissures ou autres contaminants pourront être utilisées par un professionnel de la santé pour établir son diagnostic. De la même manière, l’information fournie par le professionnel de la santé sur l’état de santé d’un ou de plusieurs occupants pourra aider un hygiéniste à préciser sa démarche d’investigation (en l’orientant notamment sur les secteurs du bâtiment à investiguer) (13,15). Ce travail conjoint favorise également une meilleure communication des risques aux personnes potentiellement exposées.

Pour en savoir plus sur les rôles et responsabilités des divers intervenants impliqués dans la gestion de la contamination fongique :

Le Guide de la prolifération des moisissures en milieu scolaire – Responsabilités et bonnes pratiques présente les rôles et responsabilités des principaux intervenants en milieu scolaire (MEES, 2014, chapitre 8, p. 63-64).

Communication efficace

Une communication adéquate est un aspect important à ne jamais négliger tout au long de la démarche. Pour ce faire, les personnes concernées doivent être informées des résultats de l’investigation et des actions en cours ou à venir, et ce, aux moments appropriés. Cette considération est particulièrement importante pour les bâtiments publics, où la communication peut être plus complexe compte tenu des différents groupes de personnes possiblement impliquées (par exemple, les travailleurs, les étudiants, les parents, les gestionnaires du bâtiment).

La communication interne – qui consiste à informer les personnes concernées – devrait, dans un premier temps, être assurée auprès de ces groupes, afin qu’ils aient une bonne compréhension de la situation. Leur implication dans la démarche peut s’avérer utile dans la résolution du problème. Quant à la communication externe, réalisée dans un deuxième temps, elle visera – si elle s’avère nécessaire – à informer la communauté et les médias locaux, entre autres. Une telle transparence permet d’éviter la circulation d’information erronée. 

Pour en savoir plus sur la communication lors de la gestion de la contamination fongique :

Le guide Creating healthy indoor air quality in schools offre des conseils sur la façon de communiquer efficacement lors d’un événement en lien avec la qualité de l’air intérieur dans les écoles (EPA, 2003).

Le Guide de la prolifération des moisissures en milieu scolaire – Responsabilités et bonnes pratiques présente des aspects de communication à considérer en milieu scolaire (MEES, 2014, chapitre 7, p. 59-62).

Le manuel Recognition, evaluation, and control of indoor mold consacre des sections à la communication entre les occupants et les autres personnes impliquées lors de l’investigation et des activités de remédiation (AIHA, 2008, sections  6.1 et 14.4).

Regroupement des informations disponibles

Au début de la démarche d’investigation, un maximum d’information devrait généralement avoir été recueilli auprès d’un ou de plusieurs informateurs clés (13). Ces informateurs sont des personnes qui possèdent une bonne connaissance du bâtiment et, idéalement, de l’événement ayant conduit à l’investigation. Ce peut être le propriétaire, le gestionnaire du bâtiment, le responsable de l’entretien ou même un locataire.

Définition des objectifs

Sur la base des informations réunies et en collaboration avec les acteurs concernés (ex. : propriétaire, gestionnaire du bâtiment, investigateur, etc.), les objectifs de l’investigation doivent avoir été bien définis. Ces derniers permettront d’élaborer le plan d’investigation, notamment sa portée et ses limites (en d’autres termes, ce que la démarche inclut et exclut) (14), les endroits qui nécessiteront davantage d’attention lors de l’inspection des lieux ainsi que la méthodologie à employer pour confirmer la présence d’un problème d’humidité excessive et/ou de contamination fongique, sans oublier sa cause, sa localisation et son étendue.

Inspection des lieux

La recherche de la cause, de la localisation et de l’étendue du problème lors de l’inspection des lieux exige une observation minutieuse et une bonne compréhension des conditions favorisant la prolifération des moisissures. Elle nécessite également une bonne connaissance de la science du bâtiment (5,13) et des aspects liés à son architecture et à son opération (ex. : systèmes mécaniques). Bien que la démarche préconisée puisse différer selon la situation, les mêmes étapes générales énoncées ci-dessous devraient avoir été réalisées, peu importe le type de bâtiment (13,15) :

  • Examen visuel de l’extérieur et de l’intérieur du bâtiment (ex. : murs, plafonds, fondations, revêtements extérieurs, etc.) ainsi que de ses équipements (ex. : installations de chauffage, de ventilation et de climatisation, installations sanitaires, réservoirs d’eau chaude, etc.).

Cette étape vise à repérer tout signe de dommages (ex. : fuite de plomberie, fissure au mortier), défaut d’entretien ou problème de conception pouvant être la cause d’un problème d’eau ou d’humidité excessive.

  • Recherche et caractérisation de la présence de problèmes (actuels ou passés) d’humidité excessive (ex. : infiltration ou fuite d’eau) et de contamination fongique.

Cette étape consiste d’abord à repérer visuellement la présence de tous signes visibles ou perceptibles associés (ex. : présence visible de croissance de moisissures sur les surfaces, présence de taches ou de cernes témoignant de la présence passée ou actuelle d’eau, gondolements ou écaillements de peinture, odeurs de moisi, de terre ou de cave, etc.). En complément, des mesures telles que l’humidité relative et la moiteur sont souvent réalisées pour mieux caractériser le problème, c’est-à-dire pour aider à identifier la cause, la localisation et l’étendue (13–15).

  • Identification des sources potentielles de contaminants autres que les moisissures dans l’air intérieur (ex. : présence d’appareils de combustion, de matériaux avec présence soupçonnée d’amiante, de sources d’allergènes (chats, chiens, blattes, etc.).

Qu’une contamination fongique soit observée ou non, l’ensemble des facteurs qui peuvent altérer la qualité de l’air intérieur doit avoir été considéré lors de l’investigation du bâtiment (16). En effet, il n’est pas inhabituel qu’un bâtiment présente plus d’un problème qui affecte la qualité de l’air intérieur ou la perception que les occupants en ont (16). D’autres contaminants que les moisissures peuvent être responsables d’une mauvaise qualité de l’air intérieur. L’excès d’humidité dans un bâtiment favorise non seulement la prolifération des moisissures, mais également la présence d’autres organismes (ex. : bactéries, acariens), en plus de favoriser l’émission de certains contaminants gazeux (ex. : formaldéhyde), qui peuvent eux aussi être la cause des problèmes de santé observés chez les occupants, ou y contribuer (11,16). Les problèmes de qualité de l’air intérieur peuvent également être causés ou amplifiés par d’autres facteurs, par exemple un taux d’échange d’air avec l’extérieur déficient ou une température inadéquate.

L’annexe 3 présente un résumé des autres contaminants de l’air intérieur potentiellement présents dans les bâtiments ainsi que quelques références à consulter pour obtenir plus d’information.

L’observation de contamination fongique ou d’humidité excessive lors de l’inspection des lieux est généralement suffisante pour réaliser une caractérisation adéquate du problème et justifier la mise en place de mesures correctives (4,15,23). Le choix de la stratégie de remédiation peut donc généralement être déterminé à la suite d’une inspection visuelle rigoureuse (23), accompagnée, au besoin, de mesures de l’humidité relative et de la moiteur. Ainsi, en absence de contamination fongique visible, d’odeur, de plaintes des occupants ou de tout autre signe laissant croire à un problème de contamination fongique ou d’humidité excessive, il n’est habituellement pas pertinent de prolonger la démarche d’investigation plus loin.

Dans certains cas, l’investigation peut être poursuivie si la cause, l’étendue et la localisation du problème, nécessaires pour déterminer l’ampleur des mesures correctives à apporter, n’ont pu être bien caractérisées (13). Dans tous les cas, ces étapes supplémentaires ne doivent pas reporter indûment la prise en charge des personnes affectées ainsi que la mise en place des mesures correctives qu’il convient d’apporter au bâtiment (4).

Inspection approfondie des lieux

Une inspection approfondie des lieux peut avoir été réalisée afin d’identifier et de caractériser la présence d’un problème d’humidité excessive ou d’une contamination fongique cachée (ex. : présence d’eau ou de prolifération de moisissures dans un mur, fuite non apparente de plomberie).

Inspection intrusive du plénum.
Inspection intrusive du plénum. (Crédit photo : Michel Legris)

Cette étape peut simplement consister à retirer une partie du papier peint ou à accéder aux espaces confinés par des ouvertures existantes (ex. : conduit de ventilation, tuile ou carreau de plafond, prise de courant). Lorsqu’aucun autre moyen n’est disponible, des percées peuvent être pratiquées aux endroits suspectés (24).

Ces opérations plus invasives (ou destructives) peuvent toutefois libérer certains contaminants potentiellement présents (ex. : fragments et spores de moisissures, fibres d’amiante, poussière de plomb dans la peinture) et représenter un risque additionnel pour la santé des occupants, des travailleurs et des investigateurs (13,14,16). C’est pourquoi il importe que les précautions nécessaires aient été prises (ex. : isolation du secteur concerné, ventilation, équipements de protection individuelle).

Mesures additionnelles

Échantillonnage environnemental

Des mesures additionnelles telles que l’échantillonnage environnemental (ex. : surface, air) peuvent également avoir été réalisées dans un contexte d’investigation approfondie.

Dans la plupart des cas, l’échantillonnage environnemental n’est pas nécessaire pour identifier et caractériser le problème ainsi que pour procéder à l’application des mesures correctives appropriées (12,23,25,26). En effet, lorsque les dommages causés par l’eau ou la contamination fongique sont visibles (après inspection intrusive ou non) et que la cause, la localisation et l’étendue du problème sont bien caractérisées, il est inutile de procéder à un échantillonnage environnemental; il faut corriger la situation, peu importe la ou les espèces fongiques en cause (7,12,25,27).

Si toutefois des échantillons environnementaux (de surface ou de l’air) ont été prélevés, cela doit avoir été fait dans le but de répondre à un objectif précis, et la stratégie d’échantillonnage doit avoir été bien définie. Il est également important de noter que la fiabilité des résultats obtenus dépend de la rigueur et du respect des bonnes pratiques, autant à l’égard des méthodes d’échantillonnage sur le terrain que des analyses en laboratoire.

Les analyses devraient avoir été confiées à des laboratoires accrédités afin de s’assurer qu’elles ont été effectuées adéquatement (7,23,25). Les laboratoires accrédités sont soumis périodiquement (tous les deux ans pour les accréditations offertes par des organismes québécois et l’AIHA) à un audit qui évalue le maintien des bonnes procédures d’analyse. Ces laboratoires doivent également se soumettre à des essais d’aptitude (proficiency testing); en cas de non-performance pour un domaine donné, l’analyse doit être confiée en sous-traitance à un laboratoire certifié pour ce domaine.

L’accréditation couvre uniquement l’analyse des échantillons en laboratoire, c’est-à-dire qu’elle ne comprend pas les aspects liés à l’échantillonnage sur le terrain (ex. : méthode de prélèvement, transport et conservation des échantillons, etc.). Elle ne peut donc pas garantir la qualité de l’échantillonnage effectué, les pratiques à cet égard n’étant toujours pas standardisées (4,23). Il existe toutefois de bonnes pratiques qui sont énoncées dans plusieurs guides tels que ceux publiés par l’AIHA, l’IRSST et l’INSPQ (4,5,13,28). Par ailleurs, tout échantillonnage devrait être effectué par un professionnel qualifié et ayant reçu une formation appropriée (ex. : hygiéniste du travail ou de l’environnement) (4,7,16,23).

Soulignons ici que les trousses « maison » d’analyse de l’air (ou « kit d’analyse »), offertes au consommateur – et parfois disponibles en quincaillerie – sont à proscrire, notamment en raison de l’expertise nécessaire pour une utilisation appropriée (par exemple, à l’égard de l’emplacement et du nombre d’échantillonnages à effectuer, de même que de la gestion sécuritaire des géloses qui peuvent contenir une grande diversité et quantité de microorganismes, etc.), et parce qu’elles ne permettent aucune évaluation quantitative ni qualitative fiable des résultats.

Pour en savoir plus sur l’accréditation des laboratoires et le choix d’un professionnel qualifié :

Au Québec, le CEAEQ et l’IRSST, organismes québécois reconnus, offrent une accréditation pour les laboratoires œuvrant en microbiologie de l’air. La liste des Laboratoires accrédités offrant des services d’analyse en microbiologie de l’air (domaines 603 à 605 pour les moisissures) est disponible sur le site Internet du CEAEQ, conformément aux normes et exigences du Programme d’accréditation des laboratoires d’analyse (PALA) et selon la norme internationale ISO/CEI 17025.

Le site Des clés pour améliorer la qualité de l’air de votre demeure fournit des conseils pratiques pour identifier un professionnel qualifié (sous l’onglet À propos de votre domicile/Bien choisir un expert ou une entreprise spécialisée).

La présence soupçonnée de mérule pleureuse, un champignon lignivore pouvant croître à l’intérieur des bâtiments, peut s’avérer problématique (entre autres pour l’intégrité du bâtiment). Celle-ci exige des considérations particulières lors de l’investigation, notamment à l’égard de l’échantillonnage environnemental (voir Encadré 2).

Encadré 2: Cas particulier de la mérule pleureuse

La mérule pleureuse (Serpula lacrymans) n’est pas une moisissure, mais plutôt un champignon macroscopique. Elle n’est pas considérée comme ayant des effets pathogènes ou infectieux pour les humains, cependant, les conditions d’humidité excessive nécessaires à sa prolifération peuvent favoriser également celle des moisissures. Par ailleurs, il est reconnu que la mérule peut affecter de manière très importante les composants structuraux des bâtiments; c’est pourquoi sa présence exige des considérations très particulières à l’égard des travaux de décontamination. Compte tenu des conséquences et des implications importantes, il est fortement recommandé (contrairement aux moisissures) que la présence soupçonnée de mérule pleureuse dans un bâtiment soit confirmée par un laboratoire accrédité. Pour ce faire, il suffit d’effectuer un prélèvement sur la surface soupçonnée d’en être atteinte (voir la fiche sur l'échantillonnage de surface).

Pour plus d’information sur la mérule pleureuse (notamment les conditions de croissance et les moyens de l’éliminer) :

Le Compendium sur les moisissures, spécifiquement la fiche de la Serpula lacrymans (INSPQ).

L’avis scientifique La mérule pleureuse (Serpula lacrymans) dans l’environnement intérieur et risque à la santé (INSPQ, 2015).

Autres types de mesures additionnelles

La démarche d’investigation peut parfois avoir impliqué la vérification, par un ou des professionnels de la santé, de l’existence de problèmes de santé compatibles avec une exposition aux moisissures (4) (ex. : par une évaluation clinique sur une base individuelle ou par l’intermédiaire d’une enquête chez un ensemble d’individus).

La démarche d’investigation n’exige cependant pas toujours une telle enquête, ce type d’évaluation pouvant d’ailleurs comporter certaines limites. Conséquemment, la pertinence de procéder à cette étape est évaluée par les équipes de santé publique, et la procédure à suivre est adaptée selon le contexte et l’analyse de la situation. Dans tous les cas, seul un médecin est habilité à diagnostiquer un problème de santé.

De plus amples informations sur ce type d’évaluation sont disponibles dans les références suivantes :

Le document Évaluation par des experts internationaux des pratiques de la Direction de santé publique concernant les problèmes de santé associés aux infiltrations d’eau dans les bâtiments – Actes de l’audit tenu en avril 2013 (DSP de Montréal, 2015, p. 19-22).

Le rapport scientifique Les risques à la santé associés à la présence de moisissures en milieu intérieur (INSPQ, 2002, chapitre 3.3, p. 63-67).

Enfin, d’autres types de mesures plus poussées (ex. : détermination de la pénétration de l’eau à travers les surfaces de maçonnerie) peuvent avoir été réalisées dans le cadre d’une démarche d’investigation de la contamination fongique. Celles-ci ne sont toutefois pas abordées dans cet outil.  

 

[1]     Dans un contexte québécois, d’autres types de professionnels peuvent être appelés à faire ce genre d’investigation, notamment les inspecteurs municipaux.