L’obésité demeure un problème de santé publique

Dans un rapport publié récemment, l’Institut Fraser met en doute l’ampleur du problème de l’obésité au Canada et l’intervention gouvernementale. L’Institut national de santé publique du Québec, qui effectue depuis plusieurs années des travaux sur les causes de l’obésité et sur les mesures de prévention, ne partage pas les mêmes constats.

Qu’en est-il d’abord de l’épidémie d’obésité? Le rapport de l’Institut Fraser présente un portrait partiel et réducteur de la situation. Les données statistiques démontrent clairement l’augmentation de l’excès de poids au cours des années 2000 jusqu’à 2012. C’est aujourd’hui plus de la moitié de la population qui présente un excès de poids.

Un problème devient un enjeu de santé publique quand il est associé à la maladie, à l’incapacité ou à la mortalité et qu’en plus, il est possible de le prévenir. Le tabagisme est un problème de santé publique. L’obésité en est un aussi. On y associe une augmentation des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2, de plusieurs cancers, de problèmes articulaires, de difficultés respiratoires, de troubles du sommeil, etc.

Au Québec, comme ailleurs au Canada et dans le monde, les experts des problèmes reliés au poids font consensus sur la nécessité d’une implication gouvernementale pour prévenir l’obésité. L’idée n’est pas de prétendre que les gens n’ont pas de responsabilité sur ce qu’ils mangent ou sur leur dépense d’énergie par l’activité physique. La contribution des gouvernements est de rendre les choix santé plus faciles à adopter. C’est pourquoi les pouvoirs publics font des efforts pour favoriser l’adoption d’un mode de vie actif, pour encourager la réduction du sucre, du sel et du gras dans les produits offerts aux consommateurs, et pour rendre les fruits et les légumes plus accessibles dans tous les quartiers. Par exemple, les écoles ont opéré un virage santé en offrant des aliments plus sains dans les cafétérias. Des villes améliorent leurs aménagements de manière à favoriser les déplacements actifs et sécuritaires pour se rendre au travail, à l’école, aux activités de loisirs ou pour faire les courses. Certaines municipalités expriment ouvertement que le zonage est un outil qu’elles peuvent utiliser pour limiter l’implantation de restaurants minute à proximité des écoles primaires et secondaires.

Les gouvernements, à tous les niveaux, doivent agir sur le problème de l’obésité comme ils le font pour contrer une éclosion de maladie infectieuse ou pour protéger la population d’une substance toxique dans l’environnement. Ils se devaient d’adopter des lois pour réduire l’usage du tabac comme ils ont eu raison de rendre obligatoire le port de la ceinture de sécurité. La situation actuelle d’excès de poids dans la population s’est développée pendant plusieurs décennies, notamment parce que notre environnement est devenu obésogène. Freiner l’augmentation du poids et renverser la tendance ne pourront pas se faire en quelques années. Les impacts de ces actions se feront sentir de façon graduelle. Une amélioration annuelle, aussi modeste soit-elle, entraînera des bénéfices de santé et économiques considérables à long terme pour l’ensemble de la société.

En prenant des mesures favorisant la santé de la population, les gouvernements jouent leur rôle, et pas seulement en soignant les gens devenus malades. Les maladies causées par le tabac sont en perte de vitesse, les décès causés par l’alcool au volant aussi. Ces succès sont largement dus aux politiques gouvernementales et, bien sûr, aux citoyens qui les ont appuyées. Il devra en être de même pour l’épidémie d’obésité.

Luc Boileau
Président-directeur général
Institut national de santé publique du Québec

Cette lettre a été publiée dans Le Soleil (9 mai 2014) et Le Devoir (12 mai 2014).

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12 mai 2014