Enjeux éthiques liés à la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé : évaluation du Comité d’éthique de santé publique

Enjeux éthiques liés à la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé

Le Comité d’éthique de santé publique (CESP) est formé par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et rattaché à son conseil d’administration. Il exerce une fonction conseil auprès des instances de santé publique. Ses avis ne sont pas prescriptifs. Le CESP est un comité autonome. Tel qu’il lui est possible, c’est à sa propre initiative qu’il a choisi de se pencher sur le thème de cet avis.

Le gouvernement du Québec a récemment annoncé son intention de rendre obligatoire la vaccination contre la COVID-19 pour tous les travailleurs du réseau de la santé qui sont en contact avec des patients pour plus de 15 minutes. Dans le cadre de cette annonce, le Comité d’éthique de santé publique (CESP) procède à une mise à jour de son avis émis sur la question plus tôt cette année.

Dans le précédent avis diffusé en janvier 2021, alors que la question de la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé n’était encore qu’hypothétique, le CESP avait estimé qu’une telle mesure n’était pas encore justifiable. L’absence de démonstration de la vaccination des travailleurs de la santé comme un moyen de protection des usagers était l’une des principales raisons soutenant sa position. Il avait néanmoins laissé entendre que sa posture pourrait être révisée en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques ou du contexte social en lien avec la pandémie.   

Perspective nouvelle sur des enjeux délicats

Avec la disponibilité de nouvelles connaissances sur les vaccins ainsi que l’évolution de la campagne de vaccination et du contexte social qui l’accompagne, mais aussi de la situation épidémiologique marquée par la progression du variant Delta, le CESP estime le moment opportun pour réévaluer la question.

Selon le CESP la question de la justification éthique de la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé repose sur la démonstration que cette mesure est non seulement proportionnelle aux risques qu’elle vise à prévenir, mais qu’elle tient aussi compte des inconvénients qui en découlent. Autrement dit, la prépondérance des bénéfices de l’application de cette mesure sur les inconvénients qu’elles posent tant pour les travailleurs de la santé que pour les usagers doit faire l’objet d’une évaluation rigoureuse.

Évaluation de la mesure

Au terme des discussions, le CESP considère que la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé pourrait se justifier au nom de l’application du principe de précaution, dans la mesure où la vaccination demeure l’une des mesures les plus efficaces pour contrer l’infection à la COVID-19. La précaution va de pair avec la responsabilité professionnelle de ces individus de ne pas nuire à la santé des usagers auxquels ils prodiguent des soins.

Cela dit, le Comité reconnaît qu’une telle mesure vient limiter la liberté de choix des travailleurs de la santé, dans un contexte où l’efficacité attendue de la vaccination obligatoire comparativement à d’autres mesures reste à déterminer. Sans compter que la vaccination obligatoire soulève des enjeux d’équité pour les catégories de travailleurs où les taux de vaccination sont les plus faibles. Ces travailleurs occupent souvent des postes caractérisés par des conditions de travail plus difficiles, notamment en termes de revenus, et sont souvent issus de groupes moins favorisés.

Par ailleurs, il est crucial de se demander à quoi pourrait ressembler un éventuel retour à la normale dans le contexte où le SRAS-CoV-2 deviendrait un virus endémique. Car si ces mesures paraissent justifiables en raison de leur caractère temporaire et exceptionnel elles seraient peut-être moins envisageables si elles devaient perdurer dans le temps.

Proposition du CESP


En tenant compte des inconvénients qu’elle comporte en regard de ses bénéfices, le CESP estime que la mise en application de la mesure visant à obliger les travailleurs de la santé à se faire vacciner est justifiable au nom du principe de précaution, mais elle pourrait être modulée ou retardée à la lumière de l’évolution de l’efficacité des nouvelles mesures visant à favoriser la vaccination. En considérant l’entrée en vigueur récente du passeport vaccinal, il est raisonnable d’anticiper des effets positifs sur les taux de vaccination de l’ensemble de la population, incluant chez les travailleurs de la santé. De plus, l’éventuelle vaccination des enfants contribuera aussi à une meilleure immunité de groupe dans l’ensemble de la population québécoise, ce qui pourrait aider à limiter la propagation du virus dans les différents milieux de vie, incluant les milieux de soins. 

Il faut se rappeler que la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé et le passeport vaccinal sont des mesures exceptionnelles qui peuvent être justifiables de par leur caractère temporaire. D’où l’importance pour les autorités de partager leur vision de ce que serait une vie normale où la COVID-19 resterait présente et où l’urgence sanitaire prendrait fin.

7 septembre 2021