Principe de précaution - Pour une maternité sans danger

L’INSPQ a publié en 2003 le « Cadre de référence en gestion des risques en santé publique ». Ce document a été entériné par les directeurs de santé publique ainsi que par le directeur national de santé publique pour être utilisé dans l’évaluation et la gestion des risques.

Définition de la prudence

Ce document définit sept principes de gestion des risques, dont la prudence qui se lit ainsi :
La gestion des risques par la santé publique doit prôner la réduction ou l’élimination des risques chaque fois qu’il est possible de le faire et l’adoption d’une attitude vigilante afin d’agir de manière à éviter tout risque inutile. Cette attitude s’exerce tant dans un contexte de relative certitude (prévention) que d’incertitude scientifique (précaution). (Page 33)
Par conséquent, l’application du principe de prudence n’est pas réservée seulement â la gestion du PMSD.

Prévention versus précaution

La prévention et la précaution se distinguent par le niveau de certitude qui entoure les risques considérés. Ainsi, la prévention cherche à éviter des risques avérés, soit des risques connus, éprouvés et associés à un danger établi dont l’existence est certaine et reconnue comme étant authentique. Quant à la précaution, elle vise à éviter des risques potentiels, soit des risques mal connus, objets d’incertitude et associés à un danger hypothétique, mais plausible.

Le fait de privilégier une approche préventive (proactive plutôt que réactive) face aux risques est entièrement cohérent avec les valeurs fondamentales de la santé publique. L’application de la précaution est justifiée dans un contexte d’incertitude scientifique, lorsque des preuves raisonnables indiquent que la situation pourrait générer des effets nocifs importants sur la santé, même lorsque les mécanismes causaux et les effets n’ont pas été démontrés scientifiquement à cause d’informations incomplètes, peu concluantes ou incertaines.

La précaution fournit donc des indications sur la voie à suivre lorsque la science ne peut apporter de réponses suffisantes et précises. Toutefois, la précaution n’offre pas une alternative à la science; elle exige, au contraire, beaucoup de rigueur dans son application.

Niveau de preuve nécessaire

L’application de la prudence dans un contexte d’incertitude (précaution) peut se traduire par une réduction du niveau de preuve requis pour qu’une intervention soit justifiée; les décisions ne peuvent alors s’appuyer aussi fermement sur l’évidence scientifique de la présence d’un risque ou de sa gravité. L’adoption d’un processus formel par les parties intéressées ainsi que le développement de critères stricts basés sur des principes scientifiques reconnus permettent d’éviter l’abus du pouvoir discrétionnaire ainsi que l’arbitraire et garantissent le maintien de l’harmonisation des bonnes pratiques de gestion des risques. Le principe de précaution ne se pose donc pas comme une alternative à la rigueur scientifique ou à l’évaluation des risques.

Dans le dossier PMSD, l’application du principe de précaution est favorisée par le cadre légal dans lequel le programme s’inscrit c’est-à-dire la Loi sur la santé et la sécurité du travail qui confère aux travailleuses enceintes ou qui allaitent le droit d’être affectées à d’autres tâches si les conditions de son travail comportent des dangers pour l’enfant allaité, pour l'enfant à naître ou, à cause de leur état de grossesse, pour elles-mêmes.  En adhérant au principe de prudence, le Groupe scientifique maternité et travail s’est doté d’une classification du niveau de preuve qui prend en compte l’incertitude et qui propose une réduction du niveau de preuve par l’ajout d’une catégorie « suspicion d’un risque ». 

Ce principe de précaution doit par conséquent être invoqué avec discernement et en tenant compte de la gravité du risque potentiel. Il faut également se rappeler que l’absence de risque est difficile à prouver hors de tout doute. L’exigence d’un risque parfaitement contrôlé par la science et les techniques c’est ce que l’on appelle le risque zéro. Le principe de précaution ne vise pas le risque zéro.

Obligations liées au principe de précaution

Plus le danger est grand ou les risques élevés ou sévères, plus il faut promouvoir la recherche qui permettra de réduire l’incertitude entourant ce risque. Les résultats de ces efforts de recherche doivent être assujettis à une validation par des pairs et être divulgués d’une manière transparente. Lorsque les nouvelles connaissances confirment qu’il s’agit d’un risque réel ou avéré, les comportements prudents passent dans le registre de la prévention plutôt que de la précaution; si ces connaissances tendent à démontrer que les risques appréhendés n’existent pas, les mesures de précaution sont levées.

Deux exemples du principe de précaution appliqué au PMSD

La précaution a été levée

Au fil des ans, certaines organisations, dont Santé Canada, ont mené des études dans le but d'évaluer les risques possibles pour la santé associés aux champs électriques et magnétiques (CEM) qu'émettent les terminaux à écran. Une large part des recherches s'est imposée à la suite de la découverte, à la fin des années 1970, de ce qui semblait être un taux supérieur à la normale  de résultats défavorables de grossesse chez certains groupes de travailleuses utilisant des terminaux à écran. Les femmes enceintes ont donc été retirées de leur milieu de travail ou réaffectées à d’autres tâches suite à ces constats. Plusieurs études ont par la suite été menées sur le sujet, la plupart n'ayant révélé aucun accroissement du risque d’accouchement prématuré ou de malformation congénitale lorsque des employées de bureau sont exposées aux CEM des terminaux à écran. Les résultats d'expériences faites chez  des animaux vont dans le même sens et ne démontrent pas, dans l'ensemble, de lien entre les CEM provenant des terminaux à écran et des effets nocifs sur la reproduction. Les données scientifiques actuelles ne soutiennent donc pas les allégations selon lesquelles les CEM émis par les terminaux à écran peuvent avoir des effets néfastes sur la grossesse. Il n’y avait donc plus de raison de suggérer le retrait préventif des travailleuses enceintes exposées à ce type de rayonnements.

La précaution est devenue prévention

Certains médecins québécois avaient appliqué le principe de précaution en soustrayant les travailleuses enceintes a des charges de travail qu'ils estimaient dangereuses. Des résultats d’études épidémiologiques québécoises et européennes ont par la suite démontré que l’hypothèse que le retrait préventif ou l’affectation (aussi nommée réaffectation) de la travailleuse enceinte étaient des mesures de prévention efficaces. La réduction d’effets défavorables sur la grossesse a été observée chez des travailleuses qui n’étaient plus exposées à des conditions de travail jugées dangereuses. Ces résultats démontrent qu’une attitude de précaution est devenue une mesure de prévention.