Optimiser le dépistage du VIH avec la participation du communautaire
Afin d’atteindre l’objectif du 90-90-90 de l’ONUSIDA i, il est nécessaire de renforcer et diversifier les stratégies de dépistage du VIH au Québec où près de 20 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ignoreraient leur statut. Une des stratégies est la participation du milieu communautaire à l’intervention de dépistage du VIH.
Le dépistage du VIH par les pairs ou les intervenants communautaires (IC) permettrait de joindre les populations qui ne fréquentent pas les milieux cliniques ou qui seraient inconfortables à effectuer leur test auprès d’une personne représentant une institution médicale. Une revue des politiques de dépistage dans 50 pays confirme que les non-professionnels de la santé, pouvant être des IC, joueraient un grand rôle dans le dépistage à l’intérieur des communautés vulnérables n’ayant pas facilement accès à des services de dépistage en milieux cliniques 1.
Plusieurs expériences de dépistage effectuées par des IC montrent des résultats prometteurs en France 2. L’accès au dépistage s’en trouve augmenté et facilité pour les groupes à risque et les populations vulnérables. Certains auteurs affirment que les IC ont les compétences nécessaires pour effectuer le test de dépistage du VIH à l’aide de la trousse de dépistage rapide (TDR) 345 ou qu’il est possible de les acquérir 67. Par exemple, les auteurs d’une étude menée dans l’État de New York rapportent qu’il n’y aurait pas de différence entre les professionnels de la santé et les IC concernant leurs compétences et leur sentiment de confiance liés à l’utilisation de la TDR par ponction capillaire après une formation théorique et pratique 7.
Bien que les IC puissent procéder au dépistage du VIH avec la trousse de dépistage rapide en Colombie-Britannique et en Ontario, ils ne sont pas autorisés à le faire à l’heure actuelle au Québec. Néanmoins, ils jouent un rôle important à plusieurs niveaux que ce soit pour joindre les populations vulnérables, réaliser le counseling prétest et post-test, soutenir et aider dans la navigation dans le système de santé, accompagner les personnes dans leur vécu, ou faire de l’éducation et de la sensibilisation.
Les résultats du Projet SPOT ont rapporté une grande appréciation des HARSAH face à leur expérience de dépistage à Montréal. Le site communautaire offrait (2009-2015) un dépistage du VIH avec la trousse de dépistage rapide dans un lieu discret et accessible, dans un contexte calme et non médicalisé. L’intervention en tandem intervenant-infirmier a également démontré une plus-value dans l’intervention de dépistage. La proportion de personnes qui sont revenues passer un second dépistage est plus élevée chez ceux ayant reçu l’intervention en tandem par l’intervenant et l’infirmier comparativement à ceux ayant reçu l’intervention uniquement par l’infirmier 8. Ce projet a ainsi permis aux personnes qui ne fréquentent généralement pas les milieux cliniques de recourir à un test de routine ou à un premier test de dépistage du VIH.
Accorder une place particulière aux IC dans l’organisation des services et dans l’intervention de dépistage favoriserait une offre adaptée et diversifiée auprès des populations vulnérables, en particulier pour celles non jointes par les services cliniques traditionnels. Le milieu communautaire a ainsi un rôle important à jouer afin d’optimiser le dépistage du VIH au Québec
Note
i Cet objectif suggère qu’il y aurait 90 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qui connaitraient leur statut, 90 % des PVVIH dépistés qui seraient sous traitement et 90 % des PVVIH sous traitement qui auraient une charge virale indétectable. Chaque étape de la cascade de soins devrait être atteinte d’ici 2020 afin de permettre d’enrayer l’épidémie du VIH.
Références :
1 Flynn, D. E., Johnson, C., Sands, A., Wong, V., Figueroa, C. et Baggaley, R. (2017) Can trained lay providers perform HIV testing services? A review of national testing policies. BMC Research Notes, 10(20), 1-7. doi : 10.1186/s13104-016-2339-1
2 Haute autorité sanitaire de France. 2017. Réévaluation de la stratégie e dépistage de l’infection à VIH en France. Synthèse, conclusions et recommandations. Évaluation Économique et Santé publique. 40 pages. En ligne. www.has-sante.fr
3 Beckwith, C. G., Atunah-Jay, S., Cohen, J., Macalino, G., Poshkus, M., Rich, J. D., Flanigan, T. P. et Lally, M. A. (2007). Feasibility and acceptability of rapid HIV testing in jail. AIDS PATIENT CARE and STDs, 21(1), 41-47. doi : 10.1089/apc.2006.006
4 Champenois, K., Le Gall, J-M., Jacquemin, C., Jean, S., Martin, C., Rios, L., Benoit, O., Vermoesen, S., Lert, F., Spire, B. et Yazdanpanah, Y. (2012). ANRS – COM’TEST : description of a community-based HIV testing intervention in non-medical settings for men who have sex with men. BMJ Open, 2(2), 1-7. doi : 10.1136/bmjopen-2011-000693
5 Galli, R. A., Green, K. F., La Marca, A., Waldman, L. F., Powers, R. E., Daly, A. C. et Shackleton, C. R. (2013). Evaluation of the accuracy and ease of use of a rapid HIV-1 Antibody test performed by untrained operators at the point of care. Journal of Clinical Virology, 58(1), 65-69. doi : 10.1016/j.jcv.2013.08.024.
6 Broeckaert, L. et Challacombe, L. CATIE : La source canadienne de renseignements sur le VIH et l’hépatite C. Dépistage rapide du VIH au point de service : un examen des données probantes, Point de mire sur la prévention. Printemps 2015.
7 San Antonio-Gaddy, M., Richardson-Moore, A., Burstein, G. R., Newman, D. R., Branson, B. M. et Birkhead, G. S. (2006). Rapid HIV Antibody testing in the New York State anonymous HIV counseling and testing program : experience from the field. Journal of Acquired Immune Defiency Syndromes, 43(4), 446-450. doi : 10.1097/01.qai.0000243055.65698.51
8 Veillette-Bourbeau, L., Otis, J., Haig, T., Rousseau, R., Wainberg, M. A. et l’équipe du projet SPOT. L’évaluation pour optimiser le dépistage du VIH pour les hommes gais : le projet SPOT à Montréal. [26 diapositives]. Montréal : 36e Congrès d’évaluation.