2 Septiembre 2010

Communication du risque et observance

Publication

L’article « Do not eat fish more than twice a week ». Rational choice regulation and risk communication: Uncertainty transfer from risk assessment to public (Blanchemanche et al. 2010, Health, Risk & Society, 12(3):271-292) vérifie de manière originale l’hypothèse selon laquelle les individus ne sont pas en mesure de prendre des décisions rationnelles s’ils ont une connaissance imparfaite du risque auquel ils sont exposés. En revanche, si l’on fournit à la population le document scientifique disponible afin qu’elle soit mieux informée, cette dernière sera en mesure de réduire son risque; hypothèse sur laquelle s’appuient de nombreux messages de sensibilisation et avis de santé.

L’étude a pour but de vérifier empiriquement les conséquences d’un avis de santé portant sur la consommation de poisson, sur le comportement alimentaire immédiat et à plus long terme. La recommandation vise à prévenir les risques d’exposition au méthylmercure tout en conservant les avantages nutritionnels associés au poisson. La complexité du message tient au fait que les connaissances scientifiques sur les risques de contamination par le méthylmercure ne font pas consensus au sein de la communauté scientifique, que les recommandations alimentaires tiennent compte de plusieurs facteurs (taille et espèces de poisson consommées, provenance, fréquence de consommation, etc.) et finalement, que les messages intègrent la dimension des bienfaits pour la santé en raison de la présence d’acides gras oméga-3.

L’étude a été menée dans la région de Nantes pendant 5 mois au cours de l’année 2005, auprès d’un échantillon de 201 ménages (représentant 803 individus). Deux groupes égaux ont été formés : l’un recevant l’avis de santé et l’autre non. La consommation de poisson à la maison ou à l’extérieur devait être notée dans un journal quotidien. Afin de mesurer la rétention et l’observance des recommandations alimentaires, une première entrevue avec les femmes représentantes du ménage a permis d’établir un portrait des connaissances de base sur les risques et les bénéfices de la consommation de poisson et d’autres recommandations touchant l’alimentation (pré-test). Par la suite, les participantes du groupe « exposé » recevaient l’information sur les risques associés à la consommation de poisson, la consommation en fonction des espèces de poisson, les groupes plus vulnérables et enfin, sur les bénéfices des acides gras oméga-3 dans la diminution des effets cardiovasculaires et l’effet positif sur le développement du cerveau des enfants.

Les résultats montrent qu’à la fin de l’expérimentation, environ 16 % des ménages avaient changé leurs habitudes de consommation afin de se conformer à la recommandation de deux repas de poisson par semaine. Aucune différence n’était observée entre le groupe exposé et non exposé. Les raisons invoquées sont que les participants ne se sentent pas concernés par les avis car ils ne consomment pas les espèces mentionnées, ou ont une attitude fataliste (« tout est contaminé de toute façon »). Mentionnons que les participants retiennent difficilement certaines informations, par exemple la classification des espèces et la quantité (sauf en ce qui a trait au thon). Ils notent également les contradictions dans les messages sur les groupes vulnérables au mercure et les bienfaits des oméga-3 auprès de ces mêmes groupes.

Selon les auteurs, plusieurs raisons expliquent le fait que les participants ne changent pas leurs habitudes après avoir été exposés à l’information. Le fait que l’information soit conflictuelle et contradictoire; qu’elle soit extrêmement précise sur certains points (tel que l’espèce et la quantité acceptable à ingérer), donc difficile à mémoriser; qu’ils sont incapables d’anticiper les conséquences d’un changement de comportement; qu’ils sont influencés par une perception positive bien ancrée à propos des bénéfices liés au poisson (faible teneur en gras, bon pour la santé, pour la mémoire, risque réduit de maladies cardiovasculaires). En fait, une fois l’information enregistrée, ils ont tendance à retourner à leurs croyances et à leurs vieilles habitudes. En fait, les participants préfèrent le statu quo plutôt que de s’arrêter à un message qui leur semble empreint d’incertitudes sur les risques (mais non sur les bénéfices).

D’après la littérature scientifique présentée en conclusion, on s’accorde à dire que si les avis de santé ont un effet sur le comportement, il est faible et temporaire. Le concept de risque n’a pas du tout le même sens chez les experts (probabilité) que pour le public (une expérience, un sentiment), ceci n’est pas pris en compte dans les messages. Ces derniers incorporent un trop grand nombre d’éléments, selon les auteurs de l’expérience, pour qu’on s’attende à ce que les individus réagissent tous de la même façon. [CL]