Limites de l’échantillonnage de l’air

Plusieurs limites expliquent que l’échantillonnage de l’air ne soit habituellement pas recommandé dans un contexte d’investigation de la contamination fongique en milieu autre qu’industriel. Notamment, le temps requis pour procéder à l’échantillonnage de l’air et aux analyses peut être long et, conséquemment, retarder indûment la mise en place de mesures correctives (18,25). Par ailleurs, les coûts associés peuvent être très élevés, plusieurs échantillons étant nécessaires pour répondre aux hypothèses recherchées (échantillons à différents endroits et, au minimum, en double à chaque endroit).

Prolifération fongique sur un tuyau recouvert d’amiante.
Prolifération fongique sur un tuyau recouvert d’amiante. (Crédit photo : Michel Legris)

Par ailleurs, les résultats ne sont pas toujours représentatifs de la situation et sont souvent difficiles à interpréter (18,23). En effet, de nombreux facteurs peuvent faire varier les résultats, par exemple : 

  • les variabilités méthodologiques et analytiques (ex. : variabilité sur le volume d’air prélevé, sur les décomptes, variabilité selon le type de méthode utilisée, etc.);
  • les caractéristiques de l’environnement extérieur au moment du prélèvement d’échantillons comparatifs (voir Encadré 4), telles que les conditions météorologiques. Par exemple, la présence de vents peut influencer les concentrations de moisissures dans l’air. De la même manière, la pluie peut entraîner un effet de « lavage » de l’air extérieur ou remettre les particules déposées au sol en suspension dans l’air, ce qui aurait respectivement pour effet de sous-estimer ou de surestimer les concentrations réelles. Un échantillonnage dans de telles conditions devrait d’ailleurs être évité (13). Certaines activités en cours dans l’environnement immédiat peuvent également faire varier les résultats, notamment la tonte du gazon, le soufflage des feuilles et le balayage des rues;
  • les caractéristiques de l’environnement intérieur à proximité du site d’échantillonnage, comme la présence et le nombre d’occupants, leurs activités et leurs déplacements[1], les installations de ventilation en fonction, le délai depuis la fermeture des fenêtres[2] et la présence de sources potentielles de moisissures (corbeille de fruits, ordures ménagères, plantes en pot, bac à compost, poussières sur le sol, etc.).

Enfin, les échantillonnages de l’air ne fournissent pas d’information valable pour évaluer les risques pour la santé des occupants (12,27,49). Comme mentionné précédemment, les signes visibles (ou perceptibles) de contamination fongique ou de problèmes associés à l’humidité excessive (ex. : croissance visible de moisissures sur une surface, dommages causés par l’eau, odeur de moisissures, etc.) seraient de meilleurs indicateurs du risque à la santé associé aux moisissures que les mesures quantitatives réalisées à l’aide de l’échantillonnage (11,31).

Ces différentes limites rendent les résultats d’échantillonnage de l’air très difficiles à interpréter dans un contexte d’investigation fongique et peuvent ainsi ne pas répondre aux attentes sous-jacentes. Conséquemment, l’échantillonnage de l’air ne devrait être considéré qu’en dernier recours, lors de certaines circonstances spécifiques, par exemple lorsqu’une contamination est soupçonnée et que sa présence n’a pu être confirmée visuellement par une inspection rigoureuse (7,8,16,23). En effet, s’il existe des signes qui permettent d’identifier la localisation du problème (ex. : historique ou signe d’infiltration d’eau), la bonne pratique consiste normalement à commencer par une inspection intrusive à l’endroit soupçonné afin de caractériser visuellement la présence et l’étendue du problème.

Si, nonobstant ces difficultés et ces mises en garde, des échantillonnages de l’air ont tout de même été réalisés (ex. : à la demande d’un médecin traitant, d’un gestionnaire ou d’un propriétaire de bâtiments, d’un juge ou de parents), les différentes limites énumérées précédemment doivent en tout temps avoir été considérées dans la démarche. Dans le cas contraire, l’interprétation du rapport doit être très critique et faite avec une grande prudence. Il sera également nécessaire de tenir compte de l’ensemble des informations colligées lors de l’investigation (ex. : informations sur le bâtiment, observations issues de l’inspection visuelle) ainsi que des aspects décrits dans les prochaines sections afin de bien interpréter les résultats.

 

[1]     Une personne circulant dans une pièce pourrait entraîner un changement de particules dans l’air de 30 fois sa concentration, seulement par la remise en suspension de ces dernières (5).

[2]     Selon l’AIHA (2005), par exemple, les échantillons peuvent être prélevés environ une heure après la fermeture des fenêtres dans les bâtiments ventilés naturellement.