Écrans et hyperconnectivité - Veille analytique, hiver 2023

Dans ce numéro


Effet des appareils sans fil sur la santé mentale des enfants et des adolescents : une revue systématique

Contexte

L’utilisation d’appareils mobiles tels que les cellulaires, les téléphones intelligents et les tablettes électroniques chez les jeunes est un phénomène préoccupant en raison de son association potentielle avec la santé mentale des jeunes. À cet effet, on constate que l’étude de la relation entre l’utilisation des appareils mobiles et la santé mentale des jeunes révèle des résultats inégaux. Dans ce contexte, une meilleure compréhension des effets de l’utilisation des appareils mobiles sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des adolescents est nécessaire afin d’évaluer et d’appréhender les conséquences de la hausse des usages de ces technologies par ces groupes.

Objectifs et méthode

Le principal objectif de cette revue systématique est de réaliser une évaluation critique de la relation entre la durée et la fréquence d’utilisation des appareils mobiles, spécifiquement le cellulaire, le téléphone intelligent et la tablette électronique, et l’état de santé mentale des enfants et des adolescents.

Plus précisément, les auteurs visent à déterminer si :

  • le moment d’utilisation (ex. : l’heure du coucher) et le type d’usage (ex. : fréquence, durée) des appareils mobiles influencent leur effet sur la santé mentale des jeunes ;
  • les différentes modalités d’utilisation ont des effets différents sur la santé mentale (ex. : appels, médias sociaux, messageries instantanées) ;
  • les résultats diffèrent pour des conditions spécifiques : symptômes internalisés (ex. : anxiété, dépression, idéations suicidaires) ; symptômes externalisés (ex. : difficultés d’attention, trouble de comportement) ; bien-être (ex. : satisfaction face à la vie, sentiment d’efficacité).

Pour ce faire, vingt-cinq études quantitatives observationnelles ont été sélectionnées et analysées en fonction des critères d’inclusion et d’exclusion, soit 10 études longitudinales et 15 études transversales.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’hétérogénéité entre les devis des études, les mesures de l’utilisation des appareils mobiles et celles de l’état de santé mentale ont limité la possibilité de tirer des conclusions générales et de mener une méta-analyse. De même, le petit nombre d’études longitudinales incluses dans cette revue a limité la capacité à inférer des relations causales.

Cela dit, les résultats indiquent que les effets observés chez les enfants et les adolescents différaient selon le moment et le type d’utilisation des appareils mobiles. De plus, des preuves limitées suggèrent qu’une plus grande utilisation de ce type d’appareil puisse être associée à de moins bons résultats concernant les symptômes externalisés chez les enfants et les adolescents. Quant aux symptômes internalisés, les études analysées présentent des résultats contradictoires. Enfin, les résultats suggèrent également que les perturbations du sommeil pourraient agir comme variable modératrice ou médiatrice dans la relation entre l’utilisation des appareils mobiles et les états de santé mentale.

Conclusion

En conclusion, les résultats de cette revue systématique suggèrent une relation entre l’utilisation d’appareils mobiles et l’état de santé mentale des jeunes et des adolescents. Toutefois, en raison de la grande hétérogénéité des devis et des outils utilisés, l’interprétation de cette relation est complexe. À cet effet, les auteurs suggèrent de travailler au développement de mesures standardisées et robustes, notamment en ce qui concerne l’évaluation du temps d’écran, ce qui permettrait de faire avancer ce champ de recherche.

Girela-Serrano, B. M., Spiers, A. D. V., Ruotong, L., Gangadia, S., Toledano, M. B. et Di Simplicio, M. (2022). Impact of mobile phones and wireless devices use on children and adolescents’ mental health: a systematic review. European Child & Adolescent Psychiatry.

La satisfaction de l’apparence joue un rôle dans la relation entre le temps d’écran récréatif et les symptômes dépressifs chez les adolescents

Contexte

Les adolescents et les adolescentes dépassent en général largement le temps d’écran recommandé par jour. Or, plusieurs recherches démontrent que le temps d’écran récréatif excessif est associé aux symptômes dépressifs. Cette relation semble médiée par une augmentation de l’isolement social, de la comparaison sociale et par le remplacement du temps dédié aux activités physiques, au sommeil et aux loisirs. D’autres facteurs peuvent également jouer un rôle médiateur entre le temps d’écran récréatif et les symptômes dépressifs. Dans le cadre de cette étude, on s’intéresse au rôle médiateur ou explicatif que peuvent jouer la perception de l’image corporelle et les comportements alimentaires à risque tels que l’alimentation restrictive ou émotionnelle.

Objectifs et méthode

Une étude de type longitudinal a été réalisée. Elle a comme objectif de vérifier si la satisfaction à l’égard de l’apparence et du poids de même que l’alimentation restrictive ou émotionnelle agissent comme variables médiatrices dans la relation entre le temps d’écran récréatif et les symptômes dépressifs chez les personnes adolescentes.

Un total de 304 personnes adolescentes (dont 194 femmes) de la région d’Ottawa ont participé à la recherche entre 2006 et 2013. La collecte de données a inclus les mesures suivantes : le temps d’écran récréatif, les symptômes dépressifs, la satisfaction à l’égard de l’apparence et du poids, et les comportements alimentaires à risque. Elle a été réalisée à trois moments au moyen de questionnaires autoadministrés et d’une mesure objective de l’indice de masse corporelle. Notons que les écrans récréatifs incluent la télévision, l’ordinateur et les jeux vidéo; le téléphone intelligent n’était pas suffisamment répandu au moment de la collecte de données, ce qui constitue une limite de l’étude.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’association à long terme entre le temps d’écran et les symptômes dépressifs est expliquée par l’insatisfaction à l’égard de l’apparence, mais pas à l’égard du poids ni par l’alimentation restrictive ou émotionnelle. Plus spécifiquement, les résultats indiquent deux associations à long terme. Premièrement, les personnes adolescentes ayant déclaré plus de temps d’écran récréatif au départ ont signalé une satisfaction moindre à l’égard de leur apparence au temps T2 – sachant que la satisfaction à l’égard de l’apparence au départ n’a pas été prise en compte dans le modèle, ce qui constitue une limite de l’étude. Deuxièmement, les personnes ayant rapporté une satisfaction moindre de leur apparence au temps T2 ont rapporté des symptômes dépressifs plus importants à la fin de la recherche. La comparaison sociale défavorable et/ou la cyberintimidation lors de l’usage des écrans pourraient expliquer ce phénomène.

Conclusion

En résumé, les résultats indiquent que la satisfaction de l’apparence médiatise l’effet direct du temps d’écran récréatif sur les symptômes dépressifs. Ce constat invite à évaluer le temps d’écran chez les personnes adolescentes et à les engager dans des conversations afin de fixer des limites réalistes, en vue d’un meilleur équilibre au quotidien. Il s’agit également d’évaluer les niveaux d’insatisfaction corporelle afin d’identifier les jeunes à risque de développer des symptômes dépressifs.

Murray, M. A., Obeid, N., Gunnell, K. E., Buchholz, A., Flament, M. F., & Goldfield, G. S. (2023). Appearance satisfaction mediates the relationship between recreational screen time and depressive symptoms in adolescents. Child and Adolescent Mental Health, 28(1), 12 21.

L’utilisation inadaptée du téléphone mobile et la sécurité sur la route : revue systématique

Contexte

L’usage du cellulaire sur la route est un enjeu majeur de sécurité. Il augmente le risque de collisions de 3,6 fois lors de la conduite d’un véhicule motorisé et, chez les piétons et des cyclistes, il mène à négliger la signalisation. L’utilisation inadaptée du téléphone mobile (Maladaptive mobile phone use, MMPU) est un concept qui inclut, dans cette étude, des symptômes de dépendance et d’anxiété à l’idée d’être séparé ou de ne pouvoir se servir de son cellulaire (nomophobie) ou encore de rater une nouvelle ou un événement social (fear of missing out : FOMO). Le MMPU est un déterminant possible de l’usage du cellulaire sur la route d’où l’intérêt d’étudier sa relation avec ce comportement à risque.

Méthode

Afin d’améliorer les interventions de prévention en sécurité routière, cette revue systématique narrative examine le lien entre le MMPU et les perceptions, attitudes et comportements liés à l’usage du cellulaire en conduisant, pédalant ou marchant. Elle inclut 44 études issues de différents devis de recherche (observationnel, corrélationnel et expérimental), dont la majorité évalue les conducteurs (autos, motos et scooters). Une minorité des études concerne les piétons et les cyclistes.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

La majorité des études recensées indiquent un lien entre le MMPU et l’utilisation du cellulaire sur la route par les conducteurs de véhicules motorisés, les cyclistes et les marcheurs. Les résultats suggèrent de surcroît que les personnes présentant un score élevé aux tests évaluant le MMPU tendent à minimiser les risques de collisions et de blessures causées par l’utilisation du cellulaire sur la route. Elles sont aussi plus nombreuses à avoir été impliquées dans un plus grand nombre de collisions bénignes ou graves et d’autres incidents potentiellement dangereux liés à la distraction (ex. : tomber, glisser). Toutefois, la variabilité des questionnaires utilisés pour évaluer le MMPU empêche de rendre compte clairement de ce concept dans l’optique de l’opérationnaliser. L’hétérogénéité de la mesure a en outre empêché la réalisation d’une méta-analyse de laquelle auraient découlé des résultats plus solides.

Conclusion

Cette étude conclut que le MMPU est un facteur de risque lié à la sécurité routière. Les auteurs mettent de l’avant la pertinence de développer de nouvelles pistes d’intervention pour réduire l’usage général du cellulaire sur la route qui incluent des mesures pour soutenir les personnes présentant des symptômes liés au MMPU. Pour ce faire, les auteurs suggèrent que les professionnels des transports et en prévention de la sécurité routière travaillent de concert avec les experts en santé et l’industrie du numérique.

Rahmillah, F. I., Tariq, A., King, M. et Oviedo-Trespalacios, O. (2023). Is distraction on the road associated with maladaptive mobile phone use? A systematic review. Accident Analysis & Prevention, 181, 106900.

Lignes directrices sur l’activité physique et le temps d’écran en milieu scolaire

Contexte

Le milieu scolaire représente un milieu de vie où les jeunes peuvent cumuler de longues périodes de comportements sédentaires au cours d’une journée. De plus, depuis les dernières années, l’entrée massive de multiples outils numériques à l’école semble être associée à une exacerbation de cette tendance. Malgré ces constats, aucune ligne directrice encadrant l’usage des écrans en milieu scolaire et basée sur une analyse des données probantes n’a été publiée à ce jour.

Objectifs et méthode

Cet article vise à décrire la démarche ayant été utilisée afin d’élaborer les premières lignes directrices sur les comportements sédentaires et le temps d’écran en milieu scolaire par le Sedentary Behaviour Research Network (SBRN). Pour ce faire, les auteurs ont misé sur quatre sources de données :

  • Une analyse des lignes directrices nationales et internationales publiées dans les dernières années ;
  • Une revue systématique portant sur les liens entre les comportements sédentaires et la santé des enfants et des jeunes d’âge scolaire ;
  • Une revue systématique portant sur les liens entre les comportements sédentaires à l’école, les différents indicateurs de santé et les indicateurs de réussite scolaire ;
  • Les résultats d’un repérage des lignes directrices existantes en matière de comportements sédentaires à l’école.

Les résultats tirés des différentes sources de données ont été présentés à un comité d’experts afin d’élaborer une première version des lignes directrices. Celle-ci a par la suite été présentée à un groupe constitué de différentes parties prenantes (personnel professionnel de la santé ou de l’éducation, parents, chercheurs) intéressées par le sujet des comportements sédentaires et la santé des jeunes. Les lignes directrices finales ont ensuite été révisées à la lumière des commentaires des différentes personnes consultées.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

De façon générale, les auteurs énoncent que remplacer les activités d’apprentissage sédentaire par des activités d’apprentissage actives, notamment en position debout, et remplacer les activités d’apprentissage sur écran par des activités d’apprentissage non basées sur un écran (ex. : des leçons en plein air) peuvent renforcer la santé et le bien-être des élèves.
Plus spécifiquement, les recommandations élaborées concernant l’utilisation des écrans en contexte scolaire indiquent que :

  • le temps passé devant un écran devrait être mentalement significatif ou physiquement actif et devrait servir un objectif pédagogique précis qui améliore l’apprentissage par rapport aux autres méthodes éducatives ;
  • le temps passé devant un écran devrait être limité, en particulier pour les élèves de 5 à 11 ans, et être ponctué de pauses minimalement toutes les 30 minutes ;
  • le multitâche numérique devrait être découragé dans la salle de la classe ou lors des devoirs.

Conclusion

En résumé, ces lignes directrices représentent un outil utile et pertinent pour le personnel du réseau de l’éducation qui souhaite encadrer l’utilisation des écrans ainsi que réduire les comportements sédentaires en contexte scolaire. Toutefois, bien que ces lignes directrices soient basées sur les meilleures données disponibles, les auteurs reconnaissent le besoin de données de meilleure qualité pour le développement de la pratique basée sur les données probantes.

Saunders, T. J., Rollo, S., Kuzik, N., Demchenko, I., Belanger, S., Brisson-Boivin, K., Carson, V., da Costa, B. G. G., Davis, M., Hornby, S., Huang, W. Y., Law, B., Ponti, M., Markham, C., Salmon, J., Tomasone, J. R., Van Rooij, A. J., Wachira, L.-J., Wijndaele, K. et Tremblay, M. S. (2022). International school-related sedentary behaviour recommendations for children and youth. The international journal of behavioral nutrition and physical activity, 19(1), 39.

Les lignes directrices en version intégrale sont disponibles ici.


Rédaction

Yan Ferguson, conseiller scientifique
Félix Lebrun-Paré, conseillère scientifique
Émilie Lépine, conseillère scientifique
Tania Tremblay, conseillère scientifique

Sous la coordination de

Julie Laforest, cheffe d’unité scientifique

Révision

Sophie Michel, agente administrative

Équipe Écrans et hyperconnectivité
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés

Pour toute question, vous pouvez contacter notre équipe à l’adresse courriel suivante : [email protected]

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de cette veille scientifique.

 

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