Benzène

Définition

Le benzène (CAS 71-43-2; C6H6) est un hydrocarbure aromatique simple qui, à température ambiante, est sous forme de liquide incolore, volatil et très inflammable. Il a une odeur aromatique caractéristique ayant un seuil olfactif variant entre 4,7 à 100 ppm dans l’air et de 2 mg/l dans l’eau et un seuil de goût entre 0,5 et 4,5 mg/l (ATSDR, 2007). Le benzène est relativement soluble dans l’eau et dans la majorité des solvants organiques. Il se concentre peu dans les organismes aquatiques (coefficient de bioconcentration de 1 à 20) (HSDB, 2005). Sa demi-vie dans l’eau varie entre 1 heure et 720 jours selon qu’il s’agit d’eau de surface ou d’eau souterraine ou encore selon certaines conditions environnementales (ex. : saisons) (HSDB, 2005; Santé Canada, 2009).

Sources et niveaux environnementaux

Sources

Le benzène peut provenir de sources naturelles, mais elles sont négligeables. Le benzène est un composant naturel du pétrole brut et peut se retrouver dans l’eau par l’infiltration du pétrole dans le sol ou par l’écoulement de l’eau à travers le minerai pétrolifère (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). Du benzène peut aussi être libéré dans l’air par les émissions gazeuses provenant des volcans et des feux de forêts (ATSDR, 2007).

La majorité du benzène présent dans l’environnement provient de sources industrielles. Le benzène est utilisé comme solvant ou comme ingrédient dans la production de composés chimiques industriels, de médicaments, de détergents, de colorants, d’insecticides et de plastiques (HSDB, 2005; Santé Canada, 2009). Le benzène peut être rejeté dans l’environnement à n’importe quelle étape de la production, de l’entreposage, de l’utilisation ou du transport du benzène purifié, du pétrole brut ou de l’essence (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). Actuellement, la majorité des rejets atmosphériques totaux de benzène provient des gaz d’échappement des véhicules carburant à l’essence et au diesel (76 %). D’autres rejets proviennent des gaz libérés lors de la production du benzène ou d’autres produits chimiques dérivés (6-8 %) et de la combustion de bois de chauffage (4 %) (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). Le benzène dans le sol peut provenir de déversements d’essence ou d’hydrocarbures, de fuites de réservoirs d’entreposage, ou de percolation provenant de sites d’entreposage et d’élimination de déchets (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). Ces rejets peuvent aussi mener à la contamination des eaux souterraines. Le benzène contaminant les eaux de surface peut provenir de déversements de produits chimiques ou pétroliers, ou encore d’effluents industriels ou municipaux (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). La contamination de l’environnement par le benzène peut être associée à la présence conjointe de toluène, d’éthylbenzène et de xylène, mélange communément nommé BTEX.

Concentrations dans l’eau potable

Du fait de son fort potentiel de volatilisation, le benzène présent dans les eaux de surface se volatilise facilement dans l’atmosphère au contact de l’air, ce qui n’est pas le cas dans les eaux souterraines (Santé Canada, 2009). Au Québec, entre 2007 et 2012, un total de 3 568 échantillons d’eau potable, provenant de 209 réseaux de distribution distincts, s'approvisionnant le plus souvent en eau de surface, ont été analysés dans le cadre du suivi réglementaire afin de mesurer les concentrations de benzène présentes dans l’eau potable. Parmi ces échantillons, 99,7 % présentaient des concentrations de benzène inférieures à la limite de détection qui variait, selon les laboratoires et les méthodes d’analyse, entre 0,1 et 0,3 μg/l. La majorité des échantillons positifs avaient des concentrations inférieures à la norme québécoise de 0,5 μg/l (moyenne de 0,2 μg/l et médiane de 0,2 μg/l) (Bolduc, 2012).

Des concentrations de benzène dépassant la norme québécoise ont été mesurées dans 2 réseaux; l'un approvisionné en eau souterraine et l'autre en eau de surface. Pour le réseau approvisionné en eau souterraine, dont la source d'approvisionnement a été remplacée depuis, une concentration de 82 μg/l a été mesurée. Pour le réseau s'alimentant en eau de surface, une concentration ponctuelle de 1,87 μg/l a été mesurée, alors que tous les autres résultats d'analyse du benzène de ce réseau (21 échantillons) étaient sous la limite de détection (Bolduc, 2012).

Ainsi, les données québécoises recueillies indiquent que les concentrations de benzène dans l’eau potable au Québec se situent généralement en deçà de la norme québécoise de 0,5 μg/l. Il faut néanmoins souligner que le Règlement sur la qualité de l’eau potable n’exige aucun contrôle obligatoire des composés organiques (dont le benzène) pour les réseaux alimentant 5 000 personnes ou moins (Gouvernement du Québec, 2012). Le portrait de la contamination de l’eau par le benzène pour ces types de réseaux est donc limité. Au niveau canadien, les concentrations de benzène retrouvées dans l’eau potable des réseaux de distribution municipaux se situent généralement aussi en deçà de 1 μg/l (Santé Canada, 2009).

Exposition de la population

La principale source d’exposition au benzène pour les Canadiens non-fumeurs est l’air ambiant (Santé Canada, 2009). Le tabagisme primaire peut contribuer à augmenter l’exposition au benzène d’un facteur supplémentaire de 10 comparativement aux non-fumeurs (Santé Canada, 2009). En milieu urbain, les fumeurs passifs absorberaient une dose quotidienne de benzène entre 116 et 122 μg/jour, tandis que les fumeurs absorberaient plutôt entre 516 et 522 μg/jour (Santé Canada, 2009). Lors de leur évaluation sur le benzène, Environnement Canada et Santé Canada (1993) ont estimé qu’un adulte canadien absorbe quotidiennement une dose moyenne de 2,4 μg/kg p.c. de benzène, dont 54% proviendrait de l’air ambiant, 1 % proviendrait de l’eau potable, et 1 % proviendrait des aliments (viandes, produits laitiers, pâtisseries, fruits et légumes, boissons gazeuses). L’exposition supplémentaire proviendrait des gaz dégagés lors de l’utilisation de l’automobile (29 %) ou de produits domestiques (17 %). Lorsque l’eau est contaminée par du benzène, la prise de bain ou de douche peut accroître l’exposition totale d’environ 50 % par l’absorption percutanée et l’inhalation (Cal EPA, 2001; Santé Canada, 2009).

Voies d'absorption

Chez l’humain, la principale voie d’absorption du benzène est l’inhalation, considérant l’exposition par l’air ambiant et les activités domestiques (ATSDR, 2007). Lorsqu’inhalé, le benzène est absorbé rapidement et son absorption chez l’humain est approximativement de 50% à des concentrations inférieures à 70 ppm (ATSDR, 2007; U.S.EPA, 1998; U.S.EPA, 2002). Chez les animaux, l’absorption gastro-intestinale du benzène est complète à des doses en-deçà de 100 mg/kg. Chez l’humain, cette absorption est mal caractérisée, mais est tout de même estimée être complète (Santé Canada, 2009; ATSDR, 2007; Santé Canada, 2009; U.S.EPA, 1998; U.S.EPA, 2002). L’absorption du benzène par la peau est faible et varie en fonction du temps d’exposition, de la concentration ainsi que de l’état (liquide < aqueux < gazeux) du benzène (ATSDR, 2007). Selon Santé Canada, on peut estimer que l’exposition d’un adulte par l’eau potable provient à 43 % de la consommation d’eau potable (lorsqu’estimée à 1,5 L/jour), à 23 % par contact percutané (0,8 Leq/j) et à 34 % par inhalation (1,2 Leq/j); ces 2 dernières expositions pouvant subvenir lors de la prise de douche ou de bain (Santé Canada, 2009).

Pharmacocinétique et métabolisme

Le benzène absorbé est distribué rapidement par le sang à travers l’organisme, dont la moelle osseuse, tissus dans lequel la toxicité du benzène se manifeste (ATSDR, 2007; Santé Canada, 2009).

La voie métabolique du benzène est similaire chez l’humain et l’animal et ne semble pas influencée par la voie d’absorption. Le benzène est principalement métabolisé au foie en phénol par la voie oxydative du cytochrome p-450 (CYP) 2E1 (ATSDR, 2007; Santé Canada, 2009). Il peut être par la suite converti en catéchol, en hydroquinone, ou en benzoquinone. Ces métabolites seraient en partie responsables de la toxicité du benzène (Santé Canada, 2009; U.S.EPA, 1998). Le benzène peut aussi être métabolisé en acide trans, trans-muconique ou en acide S-phénylmercapturique (ATSDR, 2007).

L’expiration est la voie d’élimination préférentielle pour le benzène non métabolisé (principalement le benzène inhalé), tandis que l’urine est la voie d’excrétion principale pour les métabolites du benzène, malgré que l’on retrouve aussi du benzène non métabolisé dans l’urine (Santé Canada, 2009). Chez l’humain, le phénol est le principal métabolite urinaire, suivit du catéchol, de l’hydroquinone, de l’acide trans, trans-muconique et de l’acide S-phénylmercapturique (Santé Canada, 2009). Généralement, la majorité des métabolites urinaires du benzène sont éliminés à l’intérieur de 48 heures (ATSDR, 2007).

Données toxicologiques et épidémiologiques

Intoxication aiguë

Chez l’homme, l’intoxication à de fortes concentrations de benzène dans l’air (> 50 ppm) affecte le système nerveux central et provoque notamment des étourdissements, des nausées, des vomissements, des céphalées et de la somnolence (Santé Canada, 2009). L’intoxication aiguë (> 1000 pm) peut même causer la mort dans certains cas d’hémorragie sévère, d’inflammation pulmonaire, de congestion rénale ou d’oedème cérébral (OMS, 2003; Santé Canada, 2009). La dose orale létale chez l’humain est estimée à environ 125 mg/kg pour un adulte de 70 kg (ATSDR, 2007).

Effets sur la reproduction et le développement

L’exposition professionnelle au benzène a parfois été associée à des désordres reproductifs et développementaux chez l’humain (menstruations anormales, perte excessive de sang pendant l’accouchement, avortement spontané, mortinaissance) (Cal EPA, 1997; Santé Canada, 2009). De plus, l’exposition paternelle par inhalation en milieu de travail a été associée à des effets néfastes sur sa descendance (retard de croissance foetale, avortement spontané, hypotrophie foetale, mortinaissance) (Cal EPA, 1997). Ces associations sont par contre équivoques, compte tenu de la faiblesse méthodologique des études effectuées et du manque de lien de causalité à de faibles niveaux d’exposition (Cal EPA, 2001; Santé Canada, 2009; U.S.EPA, 2002).

Des effets négatifs du benzène sur le système reproductif et le développement sont aussi observés chez l’animal (retard de développement, dommages aux testicules et aux spermatozoïdes incluant des lésions chromosomiques et réduction des précurseurs érythroïdes) (Cal EPA, 1997; Santé Canada, 2009). De plus, le benzène induit chez les animaux des dommages à l’ADN des spermatozoïdes ainsi qu’une génotoxicité transplacentaire pouvant appuyer l’hypothèse d’un effet transgénérationnel du benzène chez l’humain (Cal EPA, 2001).

Intoxication chronique

L’exposition prolongée au benzène provoque une immunotoxicité et une hématotoxicité, quelle que soit la voie d’absorption. La toxicité du benzène cible particulièrement les organes hématopoïétiques, en particulier la moelle osseuse. Ainsi, l’exposition au benzène entraîne chez l’humain une diminution du nombre absolu de lymphocytes (affectation la plus sensible) et cause divers désordres hématologiques : anémie aplasique, pancytopénie, thrombopénie, granulopénie ou lymphopénie (Santé Canada, 2009; U.S.EPA, 2002). Les effets hématotoxiques du benzène sur les granulocytes, les lymphocytes et les plaquettes sont détectables, même suivant des concentrations d’exposition aussi faibles que 1 ppm (Lan et al., 2004). Le benzène affecte aussi l’immunité humorale (niveaux d’anticorps) et cellulaire (leucopénie) (ATSDR, 2007).

Chez les animaux de laboratoire, les effets sont similaires à ceux de l’humain, quoiqu’on observe principalement les effets suivants : lymphopénie, leucopénie, anémie, diminution des lymphocytes B dans les tissus hématopoïétiques, diminution de l’activation des lymphocytes B et T ainsi que modification de la morphologie et de la cellularité de la moelle osseuse (Cal EPA, 2001; Santé Canada, 2009).

Effets cancérigènes

Le benzène est considéré comme un cancérigène prouvé chez l’humain par Santé Canada (groupe I - « substance cancérogène pour l'homme »), par le premier Centre international de recherches sur le cancer (CIRC) (catégorie 1 - « cancérogène chez l’humain ») et par l’US EPA (« cancérogène reconnu chez l’homme par toutes les voies d’exposition ») (Environnement Canada et Santé Canada, 1993; CIRC, 1987; U.S.EPA, 1998).

Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence une relation entre l’exposition professionnelle au benzène et le cancer. Parmi celles-ci, 2 cohortes ont retenu davantage l’attention des organismes de règlementation, soit la cohorte Pliofilm en Ohio (748 travailleurs de 3 usines d’hydrocarbures de caoutchouc) et la cohorte de travailleurs chinois (28 460 travailleurs de 233 usines) (Dosemeci et al., 1994; Rinsky et al., 1981; Rinsky et al., 1987; Yin et al., 1987; Yin et al., 1994; Yin et al., 1996). Ces cohortes ont permis de relier l’exposition au benzène via l’air contaminé à un risque accru de tumeurs lymphatiques et hématopoïétiques, dont particulièrement la leucémie myéloïde aigüe (non lymphatique), la leucémie myéloïde chronique et la leucémie lymphoblastique (Cal EPA, 2001; Santé Canada, 2009; U.S.EPA, 1998). De plus, l’exposition au benzène pourrait aussi être associée au lymphome hodgkinien, au lymphome non hodgkinien, au lymphome malin et au cancer du poumon (Santé Canada, 2009; Steinmaus et al., 2008; U.S.EPA, 1998). L’exposition au benzène par l’air ambiant pendant l’enfance a été associée à la leucémie de l’enfant (tant myéloïde que lymphatique) (Whitworth et al., 2008).

L’exposition professionnelle des parents, in utero chez la mère ou préconception chez le père, a été suspectée d’être un facteur de risque pour le développement de la leucémie de l’enfant; par contre, une telle association n’a pas été confirmée (Cal EPA, 1997).

Chez les animaux, l’exposition au benzène par voie orale a été associée à une augmentation des cancers de la glande de Zymbal (chez les rongeurs), de la cavité orale (rats), de la peau (souris), du poumon (souris), de l’utérus (rats), de l’ovaire (souris) et de la glande mammaire (souris) ainsi qu’à une augmentation de lymphomes malins (rongeurs) et de leucémie (rongeurs) (NTP, 1986; Santé Canada, 2009). Le benzène s’avère génotoxique chez les animaux ainsi que dans plusieurs tests in vitro sur des cellules de mammifères, dont des cellules humaines (Cal EPA, 2001; CIRC, 1987; Santé Canada, 2009).

Groupes vulnérables

Les données sur la toxicité hémato-développementale du benzène chez les animaux suggèrent que les enfants pourraient être plus susceptibles aux effets toxiques du benzène que les adultes, malgré que cette hypothèse n’ait pas été confirmée chez l’humain (U.S.EPA, 2002). Outre le fait que les enfants aient un taux de ventilation plus élevé que les adultes, ils peuvent être plus vulnérables à la leucémogénèse, puisque leurs cellules hématopoïétiques sont en cours de développement et de maturation (U.S.EPA, 1998). La littérature chez l’humain ne fait pas mention non plus d’une sensibilité accrue au benzène selon le sexe (U.S.EPA, 2002). Chez la souris, le mâle est plus sensible aux effets du benzène, tandis que chez le rat, la femelle a une sensibilité accrue aux effets du benzène (U.S.EPA, 2002).

Toutefois, les effets du benzène peuvent différer entre les individus ou les sous-groupes populationnels en fonction de divers facteurs de variabilité et de susceptibilité (ATSDR, 2007) :

  • polymorphismes génétiques associés aux enzymes impliqués dans le métabolisme du benzène (NAD(P)H :quinone oxydoréductase (NQ01); CYP2E1; glutathion -s-transférase);
  • sources alimentaires et endogènes des métabolites du benzène;
  • associations avec un historique de certaines infections (tuberculose, maladies coronariennes, néphrites, rougeole, varicelle).

Interactions avec d'autres substances

La consommation d’alcool augmente la sévérité de la toxicité du benzène, tant chez l’humain que chez les animaux puisque l’alcool induit l’enzyme de la première étape du métabolisme du benzène (médiée par le CYP2E1), lequel favorise la production des métabolites toxiques du benzène (ATSDR, 2007). D’autres substances, telles que le toluène, le phénobarbital et l’acétone, peuvent aussi altérer le métabolisme ou la toxicité du benzène (ATSDR, 2007). Certaines sources alimentaires et endogènes des métabolites du benzène (catéchol, hydroquinone, phénol) peuvent aussi modifier (à la hausse ou à la baisse) la toxicité ou le métabolisme du benzène, telles que la fumée de cigarette ou de bois, le miel, les canneberges, les bleuets, les poires, certaines tisanes et le café (Cal EPA, 2001).

Dosage biologique et signes cliniques

Dosage biologique

L’exposition récente (< 48 heures) au benzène peut être estimée à partir du dosage du benzène non métabolisé dans l’air expiré ou dans l’urine, ou du dosage des métabolites du benzène dans l’urine (phénol, catéchol, hydroquinone, 1,2,4-trihydroxybenzène, acide trans,trans-muconique, acide phénylmercapturique) (ATSDR, 2007). De plus, l’utilisation de certains biomarqueurs d’exposition, tels que des adduits d’oxyde de benzène à l’ADN ou à certaines protéines, pourrait aider à mieux estimer l’exposition au benzène proprement dit, puisqu’ils sont davantage reliés à son effet mutagène (Cal EPA, 2001).

Signes cliniques

Les principaux signes cliniques d’une exposition au benzène sont reliés à une atteinte des systèmes hématologique ou neurologique (Tableau 1). L’intoxication aigüe au benzène peut entraîner des maux de tête, de la nausée, des vertiges, des étourdissements et de la fatigue (ATSDR, 2007). Il existe peu de données sur les effets consécutifs à l’ingestion de benzène chez l’homme, mais les effets résultant de l’inhalation sont connus et varient selon l’exposition (ATSDR, 2007; Khan, 2007). Les principaux biomarqueurs d’exposition à de faibles concentrations de benzène incluent des diminutions du nombre d’un ou plusieurs types de cellules sanguines circulantes (érythrocytes, leucocytes, lymphocytes, plaquettes, hématocrites) (ATSDR, 2007).

Tableau 1 - Effets hématologiques selon le niveau d’exposition au benzène

Concentration dans l’air (durée) Effets
1 ppm (> 1 mois) Déficits dans le nombre relatif de cellules sanguines circulantes ou pancytopénie.
5 ppm (> 1 an) Baisse du niveau d’hémoglobine et des concentrations d’hémoglobine corpusculaire.
10-20 ppm (> 1 an) Anémie aplasique : 1 cas/10 000.
> 60 ppm (> 2 jours) Leucopénie, anémie, thrombopénie.
> 100 ppm (> 1 an) Anémie aplasique 1 cas/100.

Source : ATSDR, 2007; Khan, 2007

Méthode analytique, limite de détection et seuil de quantification

La méthode utilisée par le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ) pour quantifier le benzène dans l’eau potable est le dosage par purge and trap, couplé à la chromatographie en phase gazeuse et à la spectrométrie de masse. En 2012, la limite de détection pour le benzène selon cette méthode était de 0,08 μg/l (CEAEQ, 2011).

Mesures de contrôle disponibles

Mesures communautaires

Divers techniques de traitement peuvent abaisser les concentrations de benzène dans l’eau potable. Les techniques de traitement les plus efficaces sont l’adsorption sur charbon actif en grains (CAG) et le stripage à l’air, qui peuvent réduire les concentrations de benzène dans l’eau de façon très importante (réduction de 99 %) (Santé Canada, 2009). D’autres procédés peuvent aussi aider à diminuer les niveaux de benzène dans l’eau, tels que l’oxydation (réduction de 75-90 %) et la filtration membranaire par osmose inverse (réduction de 94 %), mais le taux d’enlèvement dépend de divers caractéristiques du système, dont le type de membrane, le flux, la récupération, la solubilité chimique, la charge et le poids moléculaire (Santé Canada, 2009).

Mesures individuelles

Seuls 2 types de dispositifs de traitement résidentiels certifiés comme étant conformes aux normes NSF/ANSI peuvent réduire les concentrations de benzène à moins de 1 μg/l lorsque l’eau brute contient au maximum 81 μg/l de benzène (Santé Canada, 2009). Installés au point d’entrée d’eau de la résidence, les dispositifs conformes à la norme NSF/ANSI 53 pour l’élimination des composés organiques volatils (Drinking Water Treatment Units – Health Effects) utilisent généralement la technique d’adsorption sur charbon actif. L’installation de dispositifs de traitement au point d’entrée d’eau de la résidence devrait être priorisée puisque la nature volatile du benzène facilite son absorption par la peau et son inhalation, notamment lors de la prise de bain ou de douche (Santé Canada, 2009). Les dispositifs de traitement par osmose inverse conformes à la norme NSF/ANSI 58 (Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) sont tout aussi efficaces pour la réduction des concentrations de benzène, mais ne visent que les dispositifs installés au niveau des robinets (plutôt qu’au point d’entrée d’eau de la résidence), ce qui ne permet pas une protection contre l’exposition lors des bains ou des douches, à moins que des dispositifs y soient installés aussi (Santé Canada, 2009). Ces dispositifs doivent être entretenus de façon adéquate, sinon leur efficacité est considérablement réduite. De plus, il est obligatoire, au Québec, en vertu du Chapitre III – Plomberie du Code de construction, que de tels dispositifs de traitement de l’eau installés dans un bâtiment soient certifiés (Gouvernement du Québec, 2008).

Normes et recommandations

Norme québécoise

La concentration maximale de benzène permise en vertu du Règlement sur la qualité de l’eau potable est de 0,5 μg/l, basé sur le risque cancérogène du benzène (Gouvernement du Québec, 2012). À cette concentration, le risque d’excès de cancer estimé par l’INSPQ se situe entre 1,2 et 2,4 x 10-6. Pour les réseaux qui alimentent plus de 5 000 personnes, le règlement prévoit le prélèvement annuel d’au moins un échantillon des eaux distribuées pour chacun des trimestres commençant respectivement les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1eroctobre, avec un intervalle d’au moins 2 mois entre chacun des prélèvements (article 19).

Objectif santé du groupe scientifique sur l’eau de l’INSPQ

Le groupe scientifique sur l’eau potable de l’INSPQ recommande que les concentrations du benzène dans l’eau potable doivent être maintenues au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre avec un objectif de zéro, comme pour tous les composés classés cancérigènes chez l’humain (GSE, 2009). Toutefois, pour soutenir la gestion du risque à la santé publique, le groupe a entériné la démarche d’évaluation de risque proposée par Santé Canada (2009), basée sur une étude de cancérogénicité chez la souris (lymphomes malins et hyperplasie hématopoïétique) (NTP, 1986). À partir de l’évaluation du risque de Santé Canada, le groupe a ajusté la consommation quotidienne d’eau potable chez l’adulte à 2 l/jour au lieu de 1,5 l/jour, menant à une exposition totale provenant de l’eau potable de 4,0 Litres-équivalent par jour. Ainsi, les concentrations de benzène correspondant à un excès de risque de cancer à vie jugé négligeable (1 x 10-6) sont de 0,21 à 0,43 μg/l (GSE, 2009).

Recommandation canadienne

Dans sa recommandation, Santé Canada fixe la concentration maximale acceptable (CMA) de benzène dans l’eau potable à 5 μg/l, correspondant à un risque de cancer à vie associé à l’ingestion d’eau se situant entre 1,02 et 2,08 x 10-5. L’organisme a jugé que cet estimé se situe en partie dans la plage généralement considérée comme « essentiellement négligeable », bien que la limite supérieure de la plage de risque à la CMA dépasse cette plage (Santé Canada, 2009). Cette recommandation est basée sur une étude de cancérogénicité chez la souris (lymphomes malins et hyperplasie hématopoïétique) (NTP, 1986). Lors de son évaluation, l’organisme a considéré une consommation d’eau potable de 3,5 Leq/jour chez l’adulte afin de tenir compte de l’exposition par voie orale (1,5 l/j), par contact percutané (0,8 Leq/j) et par inhalation (1,2 Leq/j), pouvant subvenir lors de la prise de douche ou de bain (Santé Canada, 2009).

Critère de l’OMS

L’OMS a établi une valeur guide de 10 μg/l pour le benzène présent dans l’eau potable, correspondant à un excès de risque de cancer à vie de 10-5 (OMS, 2003; OMS, 2011). Cette valeur est basée sur des études épidémiologiques effectuées chez des travailleurs d’une usine de caoutchouc atteints de leucémie à la suite d’une exposition par inhalation au benzène (cohorte Pliofilm) (Rinsky et al., 1981; Rinsky et al., 1987), ainsi que sur une étude de cancérogénicité chez la souris et le rat (leucémie et lymphomes chez les souris femelles et carcinomes malpighiens de la cavité buccale chez les rats mâles) (NTP, 1986).

Norme américaine

La U.S. EPA a fixé son maximum contaminant level goal (MCLG; valeur à atteindre) pour le benzène dans l’eau potable à 0 μg/l et son maximum contaminant level (MCL) à 5 μg/l, correspondant à un risque de leucémie à vie associé à l’ingestion d’eau se situant entre 2,2 et 8,0 x 10-6 (U.S.EPA, 1987). Cette dernière valeur est basée sur deux études épidémiologiques effectuées chez des travailleurs d’une usine de caoutchouc atteints de leucémie à la suite d’une exposition par inhalation au benzène (cohorte Pliofilm) (Rinsky et al., 1981; Rinsky et al., 1987). Le MCL américain a aussi été fixé en tenant compte des limites de traitements et de méthodes analytiques disponibles.

Public health goal de l’État de la Californie

L’agence de protection de l’environnement de la Californie propose un objectif de santé publique (Public health goal ; PHG) pour le benzène présent dans l’eau potable de 0,15 μg/l (Cal EPA, 2001). Cette valeur équivaut à un risque d’excès de cancer à vie de 10-6, et est basée sur des études épidémiologiques effectuées chez des travailleurs d’une usine de caoutchouc atteints de leucémie à la suite d’une exposition par inhalation au benzène (cohorte Pliofilm) (Rinsky et al., 1981; Rinsky et al., 1987). Lors de son calcul, l’organisme a considéré une consommation d’eau potable de 4,7 Leq/jour chez l’adulte afin de tenir compte de l’exposition par voie orale (2 l/j), par contact percutané (1 Leq/j) et par inhalation (1,7 Leq/j).

Tableau 2 - Résumé des normes et recommandations

Norme québécoise* Recommandation canadienne Norme américaine Critère de l’OMS Objectif santé INSPQ
2012 2009 1987 2003 2009
0,5 μg/l1 5 μg/l 5 μg/l 10 μg/l le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre avec un objectif de 0

1 Norme en vigueur à compter du 8 mars 2013.

Références

  1. ATSDR (2007) Toxicological profile for Benzene, U.S.Department of Health and Human Services, Public Health Service, Agency for Toxic Substances and Disease Registry, Atlanta, GA, (PB2008-100004), Accessible au : www.atsdr.cdc.gov/toxprofiles/tp.asp?id=40&tid=14. Consulté le 11 juin 2015.
  2. Bolduc, A. (2012) Concentration en benzène dans l'eau potable au Québec - 2007 à 2012, Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Québec. Communication personnelle. 5 juillet 2012.
  3. Cal EPA (1997) Draft hazard identification of the developmental and reproductive toxic effects of benzene, Reproductive and Cancer Hazard Assessment Section (RCHAS), Office of Environmental Health Hazard Assessment (OEHHA), California Environmental Protection Agency, Sacramento, Californie, 100.
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Fiche rédigée par Céline Campagna et les membres du Groupe scientifique sur l’eau de l'Institut national de santé publique du Québec.

Mise à jour : mars 2013