26 janvier 2016

Utilisation des appareils de bronzage artificiel chez les adolescents de sexe masculin : l’influence du poids perçu et de l’intimidation

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Marie-Christine Gervais
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Introduction

Des préoccupations à l’égard du poids et de l’image corporelle ont été associées à l’utilisation des appareils de bronzage artificiel dans certaines études (O’Riordan et coll. 2006; Yoo et coll. 2012). Celles visant à établir le lien entre l’indice de masse corporelle et l’utilisation des appareils de bronzage chez les hommes ont donné des résultats contradictoires (Lostritto et coll. 2012; Yoo et coll. 2012; Demko et coll. 2003). Dans l’une de ces études, le désir de gagner du poids ou d’en perdre était plus commun chez les adeptes du bronzage (Demko et coll. 2003). Une autre étude a montré que l’utilisation de stéroïdes ou de stratégies de perte de poids malsaines étaient respectivement 4 et 2,5 fois plus prévalentes chez les utilisateurs d’appareils de bronzage artificiels que chez les non-utilisateurs (Miyamoto et coll. 2012).

La plupart des études visant à documenter ces relations ayant été menées auprès de filles, les auteurs de l’étude « Indoor tanning use among adolescent males : The role of perceived weight and bullying » (Blashill et Traeger 2013) ont cette fois souhaité valider comment l’intimidation pourrait influencer les comportements de bronzage artificiel chez les adolescents de sexe masculin ayant une perception extrême de leur poids.

Méthodologie

Collecte de données

Les données utilisées dans cette étude sont issues d’une enquête nationale représentative des jeunes du secondaire de 14 à 18 ans aux États-Unis (Youth Risk Behavior Survey) réalisée en 2009 par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). La participation des élèves était anonyme et volontaire. Le taux de participation obtenu chez les élèves était de 88 %. Seuls les participants de sexe masculin ont été inclus à l’étude totalisant 7521 élèves.

Variables mesurées

Le poids perçu était mesuré par la question : Comment décririez-vous votre poids (très en deçà de la moyenne, un peu en dessous de la moyenne, dans la moyenne, un peu plus que la moyenne, en surpoids)? Deux catégories ont par la suite été créées : l’une regroupant les deux choix extrêmes et une autre regroupant les trois autres choix.

Le fait d’avoir été victime d’intimidation a été mesuré par la question suivante : Durant les 12 derniers mois, as-tu été victime d’intimidation à l’école? L’intimidation était décrite comme suit : un ou plusieurs élèves taquinent, menacent, répandent des rumeurs, frappent, poussent, blessent un autre élève à répétition. Le fait que deux élèves de même force argumentent, se battent ou se taquinent de manière amicale ne devait pas être considéré comme de l’intimidation.

La fréquence d’utilisation des appareils de bronzage artificiel a été mesurée de la façon suivante : Durant les 12 derniers mois, combien de fois as-tu utilisé un appareil de bronzage artificiel tels une lampe, un lit ou une cabine (cela n’inclut pas le bronzage sans UV)? Les options étaient : aucune, une à 2 fois, 3 à 9 fois, 10 à 19 fois, 20 à 39 fois et 40 fois ou plus. Le bronzage fréquent consistait en 10 séances ou plus et le bronzage minimal de 1 à 9 séances. Une catégorie a aussi été créée pour ceux qui ne s’étaient pas fait bronzer.

Analyses statistiques

La variable d’intérêt étant la fréquence d’utilisation des appareils de bronzage, une analyse de régression multivariée a été faite. Les variables suivantes ont été incluses dans le modèle soit le statut d’intimidation (oui/non), le statut pondéral perçu (dans la moyenne/poids extrême), le produit du statut d’intimidation X le statut pondéral perçu de même que l’âge et la race/origine ethnique. Pour déterminer si le poids perçu était relié à l’intimidation, un test du khi-carré de Pearson a été réalisé.

Résultats

Parmi les participants, la majorité (59 %) était des élèves blancs non hispaniques. Les élèves étaient pratiquement répartis en part égale entre les quatre niveaux de scolarité. Il est à noter que 93 % de l’échantillon n’avait pas utilisé les appareils de bronzage artificiel dans la dernière année et 94 % de l’échantillon se considérait comme étant dans la moyenne quant à leur poids.

L’intimidation était plus prévalente chez les participants qui percevaient leur poids comme étant extrême (32,4 %) comparativement à ceux qui se percevaient dans la moyenne (17,7 %). Les analyses ont révélé que l’effet du poids extrême perçu sur l’utilisation des appareils de bronzage artificiel était plus fort chez les adolescents victimes d’intimidation (RC = 2,0, 95 % CI 1,6-2,5, p<.0001) en comparaison avec ceux qui ne le sont pas (RC = 1,5, 95 % CI 1,3-1,8, p<.0001).

Discussion

Les résultats de cette étude montrent que ceux qui se perçoivent comme ayant un poids extrême utilisent davantage les appareils de bronzage artificiel comparativement à ceux qui se perçoivent comme étant dans la moyenne. Cette association est encore plus forte lorsqu’on y combine l’intimidation au cours de la même année.

Identifier les facteurs qui peuvent prédire l’utilisation des appareils de bronzage artificiel, un comportement associé au développement de cancers de la peau, est très important pour le développement de stratégies de prévention et d’intervention. Cette étude vient combler des lacunes dans les connaissances, les adolescents de sexe masculin étant sous-représentés dans les recherches sur l’utilisation des appareils de bronzage. Des interventions en prévention des cancers de la peau auprès des hommes sont importantes sachant que ces derniers se protègent moins du soleil que les femmes (Cardinez et coll. 2005) et qu’ils sont de 1,5 à 2 fois plus susceptibles d’être diagnostiqués de mélanome et d’en mourir (American Cancer Society, 2012).

Ces résultats proviennent d’un échantillon représentatif des élèves masculins du secondaire aux États-Unis et sont donc généralisables à ce pays. Parmi les limites énoncées par les auteurs, notons d’abord la formulation de la question visant à mesurer l’intimidation qui ne permet pas de discriminer la source de cette intimidation à savoir si elle est reliée au poids/apparence ou à d’autres facteurs. De plus, les élèves dans les deux situations de poids extrêmes ont été regroupés pour des raisons de puissance statistique bien que les résultats montrent une prévalence d’utilisation fréquente des appareils de bronzage différente (9 % chez les élèves se jugeant trop maigres et 14 % chez les élèves en surpoids). Les recherches futures devraient distinguer ces deux groupes lors des analyses.

Conclusion

L’image corporelle et la pression qui lui est associée par les pairs devraient faire partie des réflexions entourant les efforts de prévention des cancers de la peau chez les adolescents de sexe masculin.

Article principal

Blashill AJ et L Traeger (2013). Indoor tanning use among adolescent males : The role of perceived weight and bullying. Ann Beh Med; 46(2) : 232-6.

Bibliographie 

  1. American Cancer Society. [July 19, 2012] Melanoma Skin Cancer. from http://www.cancer.org/Cancer/SkinCancer-Melanoma/DetailedGuide/melanoma-skin-cancer-key-statistics, consulté le 7 janvier 2016.
  2. Cardinez CJ, Cokkinides VE, Weinstock MA, O’Connell MC (2005). Sun protective behaviors and sunburn experiences in parents of youth ages 11 to 18. Prev Med.; 41 : 108–17.
  3. Demko CA, Borawski EA, Debanne SM, Cooper KD, Stange KC (2003). Use of indoor tanning facilities by white adolescents in the United States. Arch Pediatr Adolesc Med.; 157 : 854–60.
  4. Lostritto K, Ferrucci LM, Cartmel B Leffell DJ, Molinaro AM, Bale AE, Mayne ST. (2012). Lifetime history of indoor tanning in young people: A retrospective assessment of initiation, persistence, and correlates. BMC Public Health.; 12 : 118.
  5. Miyamoto J, Berkowitz Z, Jones SE, Saraiya M (2012). Indoor tanning device use among male high school students in the United States. J Adolesc Health.; 50 : 308–10.
  6. O’Riordan DL, Field AE, Geller AC, Brooks DR, Aweh G, Colditz GA, Frazier AL (2006). Frequent tanning bed use, weight concerns, and other health risk behaviors in adolescent females (United States). Cancer Causes Control.; 17 : 679–86.
  7. Yoo JJ et H-Y Kim (2012). Adolescents’ body tanning behaviors : Influences of gender, body mass index, socio-cultural attitudes towards apperance and body satisfaction. Int J Consum Stud.; 36 : 360-6.

Références complémentaires sur le même thème

  1. Darlow SD, Heckman CJ et T Munshi (2015). Tan and thin? Associations between attitudes toward thinness, motives to tan and tanning behaviors in adolescent girls. Psychol Health Med; 8 : 1-7.
  2. Gillen MM et CN Markey (2012). The role of body image and depression in tanning behaviors and attitudes. Behav Med; 38(3) : 74-82.
  3. Schwebel DC (2014). Adolescent tanning, disordered eating, and risk taking. J Dev Behav Pediatr; 35(3) : 225-7.
  4. Yoo JJ et WM Hur (2014). Body-tanning attitudes among female college students. Psychol Rep; 114(2) : 585-96.