11 octobre 2012

Que faut-il améliorer dans la surveillance des zoonoses au Québec?

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Florence Danner
Institut national de santé publique du Québec

Collaboratrice :
Florence Danner, Agente d'information Mon climat, ma santé à la Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, équipe des changements climatiques.

Virus du Nil occidental, maladie de Lyme, rage du raton laveur… durant la dernière décennie, plusieurs zoonoses ont émergé au Québec ou au Canada. Comment relever les défis posés par les zoonoses dans le contexte des changements climatiques?

La Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, dans le cadre d’un mandat de l’Institut national de santé publique du Québec, a effectué en 2011 une consultation auprès d’experts sur l’état de la surveillance des zoonoses au Québec dans ce contexte en mutation. Publié en octobre 2012, le rapport issu de la consultation dresse un portrait de la situation et met en exergue les points à améliorer dans le contexte des changements climatiques. Il repose principalement sur une approche qualitative avec un devis descriptif.

Qu’est-ce que les zoonoses?

Une zoonose est une maladie ou infection transmise naturellement entre les animaux et l’homme.

Les zoonoses sont divisées selon leur symptomatologie :

  • Les zoonoses entériques : la pénétration de l’agent pathogène dans l’organisme se fait généralement par ingestion d’eau ou d’aliment contaminé, ou contact entre des mains contaminées et la bouche. Exemples : salmonellose, campylobactériose, cryptosporidiose, giardiase ou infections par des Escherichia coli vérocytotoxinogènes.
  • Les zoonoses non entériques sont transmises de façon variée et multiple : par ingestion d’eau (leptospirose, tularémie) ou d’aliments (trichinose, tularémie), par inhalation (tularémie, fièvre Q, infection pulmonaire à hantavirus, influenza), par contact (tularémie), par inoculation (tularémie, rage, zoonoses vectorielles).

Mondialement, le fardeau des zoonoses est important en termes de fréquence, de morbidité et de mortalité. Ainsi, 61% des agents pathogènes humains et 75% des agents pathogènes humains émergents sont des zoonoses (Taylor et al., 2001).

Quel est le lien entre zoonoses et changement climatique?

Les changements climatiques actuels et anticipés contribueraient à l’augmentation des maladies à transmission vectorielle et zoonotique. Ils provoqueraient des conditions favorables à la prolifération des agents pathogènes, soit des organismes pouvant causer des maladies parasitaires ou microbiennes. Les facteurs favorisant l’émergence et la dissémination de zoonoses sont multiples et interreliés : facteurs biologiques, écologiques, politiques, économiques, climatiques, sociaux... On distingue les changements climatiques des changements écologiques (figure 1).

Mécanisme de lutte contre les zoonoses et experts consultés

Les activités nécessaires à l’identification et à la réponse à l’émergence des maladies infectieuses sont nombreuses et sont présentées à la figure 2. L’étude menée sur la surveillance a tenu compte de la complexité du modèle illustré ci-dessous.

Les trente-deux experts consultés dans l’étude reflètent la diversité et la structure de la surveillance des zoonoses :

  • Secteur de santé : santé publique, santé humaine, santé des animaux de compagnie et d'élevage, santé des animaux de la faune incluant les vecteurs,
  • Fonction en surveillance : gestionnaire, analyste, épidémiologiste, médecin-conseil, vétérinaire, professionnel de laboratoire, fournisseur de données du terrain,
  • Type d'employeur : fonction publique provinciale ou fédérale, secteur académique, secteur privé.

Points forts du Québec : une infrastructure de base en santé publique solide

Le Québec se distingue par une infrastructure de base en santé publique généralement forte, tant en santé humaine qu’en santé animale et par l’existence de certains programmes de surveillance intégrés. Ainsi, des partenariats existent déjà pour collaborer et échanger de l’information entre différents ministères et organisations. Selon les répondants, la capacité diagnostique en santé humaine et en santé animale est bonne et la capacité de réaction à l’émergence de nouveaux pathogènes s’est révélée adéquate dans le passé.

Cependant, des pistes d’amélioration existent et elles sont détaillées dans le rapport.

Point à améliorer : prise en compte des changements climatiques et surveillance des zoonoses au Québec

La majorité des répondants ont exprimé le besoin d’améliorer la surveillance des zoonoses, par :

  • Plus de collaboration et de réseautage entre les différentes disciplines et institutions de santé humaine,
  • De l’expertise pour les professionnels de santé publique et pour les cliniciens,
  • De la surveillance spécifique, notamment pour les maladies transmises par les moustiques,
  • L’intégration des données et de l’expertise pour avoir une vision globale de la situation. (Difficultés : propriété des données, obtention des résultats de laboratoires privés, transfert des données en temps réel vers une structure centralisée...),
  • Amélioration de la collecte des données et de la capacité diagnostique (par exemple, pour les cas individuels et les éclosions de zoonoses alimentaires),
  • Une meilleure surveillance des maladies de la faune (Difficultés : organisation de la collecte des spécimens, absence de financement à long terme du diagnostic, capacité diagnostique limitée pour les agents pathogènes émergents),
  • L’information, la formation et le développement de nouvelles connaissances,
  • La diffusion de l’information à l’intérieur du réseau de la santé humaine,
  • L’harmonisation des messages de communication du risque et une meilleure vulgarisation des situations épidémiologiques.

Pour atteindre une adéquation de la surveillance et de la recherche dans le contexte des changements climatiques et écologiques, il faut, nous disent ces experts, améliorer :

  • La prise en compte des changements climatiques et écologiques dans la surveillance et la recherche actuelle,
  • La détection précoce d’évènements dans le temps et dans l’espace,
  • La collaboration, l’intégration et l’analyse des données.

Ces points sont nécessaires à l’adaptation aux changements climatiques et écologiques, mais ne lui sont pas spécifiques.

Pistes d'action: Anticiper l'émergence de zoonoses et planifier la surveillance

Il est possible de détecter et de prévenir l’émergence de zoonoses chez l’homme en surveillant l’apparition ou l’évolution de la maladie chez les hôtes ou les vecteurs animaux. Dans ce cadre, les mesures suivantes devraient faire l’objet de discussion rapidement :

  • Mettre en place la surveillance des moustiques et de leurs agents pathogènes.
  • Maintenir la surveillance de l’émergence de maladies zoonotiques chez la faune.
  • Mettre en place un système de surveillance de la maladie de Lyme.

L’anticipation de l’émergence des zoonoses va de pair avec une détection précoce. Les mesures suivantes la faciliteraient :

  • Fournir l’expertise nécessaire sur les zoonoses aux professionnels de la santé humaine des DSP, ainsi qu’aux cliniciens de santé humaine pour détecter rapidement les évènements anormaux.
  • Mettre en place une source d’information centralisée sur le Web destinée aux professionnels de la santé sur l’aspect clinique, les tests diagnostiques, leur interprétation et leur traitement. Ce site inclurait des données sur l’épidémiologie (prévalence par régions, carte de risques, facteurs de risques) des zoonoses au Québec. Cette source d’information centralisée pourrait aider à la diffusion d’information vers le public.
  • Sensibiliser les médecins et les vétérinaires sur les zoonoses importantes en médecine humaine ainsi que sur leur rôle dans la détection, le signalement et la déclaration des maladies zoonotiques.

Il est nécessaire de planifier la surveillance en mettant en place les actions suivantes :

  • Favoriser les collaborations entre les agences gouvernementales de santé humaine, de santé des animaux d’élevage et de la faune et les institutions de recherche pour faciliter la mise en place de partenariats ainsi que d’outils génériques permettant de répondre rapidement à l’émergence d’une maladie.
  • Approfondir les besoins de collaboration et de réseautage entre les différentes disciplines.
  • Réaliser un exercice de priorisation des zoonoses en tenant compte entre autres des risques liés aux changements climatiques et écologiques pour des fins d’amélioration des outils diagnostiques en santé humaine.
  • Améliorer la nature de l’analyse des données en favorisant des rapports présentant une couverture spatiale provinciale, une couverture temporelle continue et une analyse conjointe de données de différentes origines (santé humaine, santé animale, environnement).
  • Mieux documenter l’importance des zoonoses liées aux animaux de compagnie et nouveaux animaux de compagnie

Conclusion

La totalité des experts ayant répondu pense que les changements climatiques ou écologiques ont un impact sur les différents acteurs du cycle épidémiologique des zoonoses. Cependant, selon eux, les systèmes de surveillance actuels ne prennent pas en compte les changements climatiques ou écologiques.

Pour prévoir et prévenir le risque de zoonoses chez l’humain, de nombreux répondants ont mentionné l’importance :

  • de la surveillance des agents pathogènes dans l’environnement, chez les hôtes animaux et chez les vecteurs et
  • de la détection précoce d’évènements.

Ces deux points sont en effet indispensables pour anticiper l’émergence des zoonoses et empêcher le développement d’épidémies. Ainsi ce rapport propose de mettre en place la surveillance des moustiques et de leurs agents pathogènes ainsi que la surveillance de la maladie de Lyme et de maintenir la surveillance de l’émergence de maladies zoonotiques chez la faune. La détection de situations anormales s’améliorerait avec la production d’information et d’outils adaptés pour les professionnels et les cliniciens de santé humaine ainsi qu’avec une sensibilisation des médecins et vétérinaires sur les zoonoses importantes en santé humaine.

Références

  1. « Consultation sur l’état actuel de la surveillance des zoonoses au Québec et son adéquation avec les changements climatiques et écologiques » (pdf), Ferrouillet C., Lambert L., Milord F., 2012 Institut national de santé publique du Québec. (Source de l’article et des illustrations)
  2. Ouranos (2010). Savoir s'adapter aux changements climatiques. Ouranos, Montréal (Québec), Canada