29 novembre 2012

La Cote Air Santé comme indicateur de la morbidité de l’asthme associée à la pollution de l’air extérieur?

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Stéphane Buteau
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

La Cote Air Santé est un outil d’information pancanadien élaboré par Santé Canada et Environnement Canada concernant la qualité de l’air extérieur et les risques à court terme pour la santé qui y sont associés. À l’heure actuelle, elle fait l’objet d’une implantation graduelle à travers le Canada. Au Québec, cet outil en projet pilote est disponible seulement pour les zones urbaines de l'Île de Montréal, de Gatineau-Ottawa et de Québec.

Présentée comme une valeur numérique sur une échelle graduée de 1 à 10+, la Cote Air Santé informe le public sur le niveau de risque pour la santé que représente la pollution atmosphérique dans une région ou une ville donnée. Ainsi, une valeur de 1 traduit le plus faible risque; plus le chiffre augmente, plus le risque pour la santé s’accroît. Les différentes valeurs de la Cote Air Santé sont associées à des messages visant à sensibiliser les individus sur l'impact sanitaire de la qualité de l'air et à les conseiller sur des comportements spécifiques à adopter afin, notamment, de réduire leur exposition (exemple : en évitant les endroits plus pollués) ou leur risque (exemple : en diminuant l’intensité de leurs activités physiques).

La Cote Air Santé est basée sur l’impact combiné de 3 polluants atmosphériques, soit les particules fines de diamètre inférieur à 2,5 microns (PM 2,5), le dioxyde d’azote ainsi que l’ozone au sol (troposphérique). Sa valeur est déterminée par un algorithme basé sur la variation quotidienne du risque de mortalité enregistré dans 10 villes canadiennes pendant la période de 1998 à 2000.

La Cote Air Santé et la morbidité de l'asthme : une étude basée sur la population ontarienne

Alors qu’il a été démontré que la Cote Air Santé est un bon indice prédictif de la mortalité en région urbaine au Canada[i], sa capacité à représenter la morbidité n’a pas encore été démontrée. Dans une récente étude publiée en octobre 2012 dans la revue Environmental Health Perspectives, To et collaborateurs[ii] ont utilisé la Cote Air Santé afin d’estimer l’association entre la qualité de l’air en Ontario et la morbidité associée à l’asthme.

Pour se faire, ils ont utilisé les données de 22 stations de surveillance de la qualité de l’air réparties dans 14 régions sanitaires en Ontario. Les individus habitant une même région se sont vus attribuer une exposition similaire basée sur les mesures de polluants de l’air effectuées aux stations localisées dans leur région. Les indicateurs de morbidité associés à l’asthme qui ont été utilisés sont les hospitalisations, les visites à l’urgence et les visites en consultation externe attribuables à l'asthme. Ces données ont été obtenues à partir d’un registre provincial compilant les informations concernant 1,5 million d’asthmatiques entre 2003 et 2006.

L’association entre la Cote Air Santé et la morbidité de l’asthme a été étudiée à partir de régressions de Poisson, notamment ajustées pour l’âge, le sexe, la saison, l’année et le lieu de résidence. La valeur de la Cote Air Santé le jour même ainsi qu’un et deux jours avant l’utilisation du service de santé ont été considérés pour les analyses.

Selon les résultats de l’étude menée en Ontario, la valeur maximale de la Cote Air Santé dans une journée était associée à une augmentation positive et significative de l’utilisation de service de santé le jour même, mais aussi dans les deux jours suivants l’exposition. Plus précisément, l’augmentation d’une unité de la valeur de la Cote Air Santé a été associée, le jour même, à une augmentation de 5,6 % du rapport de taux (rate ratio), donc du nombre de visites en consultation externe liées à l’asthme. Pour les admissions à l’hôpital, l’augmentation d’une unité de la Cote Air Santé était associée, le jour même ainsi qu’un jour après l’exposition, à une augmentation du rapport de taux de 2,1 %. Pour les visites à l’urgence, notamment une augmentation de 1,3 % du nombre de visites était associée à une augmentation d’une unité de la Cote Air Santé pour un délai de deux jours.

Conclusion

Il s’agissait d’une première étude populationnelle permettant d’évaluer l’association entre la morbidité de l’asthme et la Cote Air Santé. Les résultats suggèrent une augmentation significative de l’utilisation des soins de santé liée à l’asthme par augmentation d’une unité de la Cote Air Santé. Cette étude, à elle seule, ne permet toutefois pas de valider la Cote Air Santé comme indicateur de la morbidité chronique. D’autres études seraient ainsi souhaitables afin de confirmer l’utilité potentielle de la Cote Air Santé pour prédire la morbidité de l’asthme, mais aussi due à d’autres maladies.


[i] Stieb DM, Burnett RT, Smith-Doiron M, Brion O, Shin HH, Economou V. 2008. A new multipollutant, no-threshold air quality health index based on short-term associations observed in daily time-series analyses. J Air Waste Manag Assoc.; 58(3):435-50.

[ii] Teresa To, Shen S, Atenafu EG, Guan J, McLimont S, Stocks B, Licskai C. 2012. The Air Quality Health Index and Asthma Morbidity: A Population-Based Study. Environ Health Perspect: http://dx.doi.org/10.1289/ehp.1104816