17 avril 2015

Expositions dans l’environnement intérieur et exacerbation de l’asthme : mise à jour de la revue de l’Institute of Medicine (IOM) publiée en 2000

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Vicky Huppé
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Pierre Lajoie
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec

Considérant que les gens passent la majeure partie de leur temps à l’intérieur, la relation entre l’exposition aux différents contaminants retrouvés dans cet environnement et la santé respiratoire, notamment les symptômes associés à l’asthme, fait depuis de nombreuses années l’objet d’une attention particulière. Une revue des articles scientifiques publiés entre 2000 et 2013 traitant de la relation entre diverses expositions dans l’environnement intérieur et l’exacerbation de l’asthme a été réalisée récemment par Kanchongkittiphon et coll. (2015). L’objectif poursuivi était de mettre à jour les conclusions publiées en 2000 par le Committee on the Assessment of Asthma and Indoor Air de l’Institute of Medicine (IOM, 2000).

Les auteurs ont exclu de cette revue les expositions aux agents infectieux et aux contaminants intérieurs en provenance de l’extérieur. La force de la preuve (evidence) scientifique à l’égard de la relation entre l’exacerbation de l’asthme et chacune des expositions a été classée en cinq catégories. La classification utilisée par les auteurs est essentiellement la même que celle employée par l’IOM en 2000 :

  • Les preuves sont suffisantes pour conclure qu’il existe une relation causale entre l’exposition et l’exacerbation de l’asthme;
  • Les preuves sont suffisantes pour conclure qu’il existe une association entre l’exposition et l’exacerbation de l’asthme;
  • Les preuves sont limitées ou suggèrent une association entre l’exposition et l’exacerbation de l’asthme;
  • Les preuves sont inadéquates ou insuffisantes pour déterminer s’il existe ou non une association entre l’exposition et l’exacerbation de l’asthme;
  • Les preuves sont limitées ou suggèrent l’absence d’une association entre l’exposition et l’exacerbation de l’asthme.

Les résultats découlant de cette revue sont présentés dans l’article sous forme de tableaux résumés qui permettent de comparer les conclusions actuelles avec celles de l’IOM en 2000. Pour résumer les principaux changements constatés par les auteurs, il existe désormais des preuves suffisantes d’une relation causale entre l’exposition aux problèmes ou agents (ex. : moisissures, bactéries) associés à l’humidité excessive (dampness or dampness-related agents), et l’exacerbation de l’asthme chez les enfants.

Les auteurs concluent également à la présence de preuves suffisantes d’une association entre l’exposition aux problèmes ou agents associés à l’humidité excessive chez les adultes, à la fumée de tabac dans l’environnement (FTE) chez les enfants d’âge préscolaire, aux endotoxines1, et l’exacerbation de l’asthme.

Parmi les autres constats, les preuves sont actuellement limitées, ou suggèrent une association, entre l’exposition aux moisissures (cultivables), aux rongeurs (dans un environnement non occupationnel), au dioxyde d’azote (NO2), et l’exacerbation de l’asthme. Les auteurs concluent que la même force de preuve scientifique existe en ce qui concerne l’association entre l’exposition aux oreillers de plumes et de duvet et un effet potentiellement protecteur pour une variété d’effets respiratoires, en comparaison avec la literie synthétique (les connaissances ne sont toutefois pas disponibles pour l’exacerbation de l’asthme plus spécifiquement). Les résultats de la revue de la littérature révèlent également que les preuves sont limitées, ou suggèrent une association, entre l’exposition aux allergènes d’acariens, de blattes (coquerelles), et de chiens, aux moisissures (cultivables), aux problèmes ou agents associés à l’humidité excessive, et l’exacerbation de l’asthme chez les individus non sensibilisés, suggérant ainsi, selon les auteurs, un effet pro-inflammatoire2.

Cette mise à jour des connaissances a ainsi rehaussé, pour certaines expositions, la force de la preuve scientifique. Le tableau ci-dessous compare les principales conclusions de la présente revue avec celles publiées en 2000 par l’IOM.

Tableau 1 - Résumé des principales conclusions sur la relation entre diverses expositions dans l’environnement intérieur et l’exacerbation de l’asthme, selon la revue précédente de l’IOM (2000) et la récente mise à jour (2015)

Force de la preuve scientifique Conclusions précédentes de l’IOM (2000)* Conclusions actuelles (2015)

Preuves suffisantes d’une relation causale

Allergènes d’acariens
Allergènes de chats
Allergènes de coquerelles
FTE (chez les enfants d’âge préscolaire)

Allergènes d’acariens
Allergènes de chats
Allergènes de coquerelles
Problèmes ou agents associés à l’humidité excessive (chez les enfants)

Preuves suffisantes d’une association

Allergènes de chiens
Moisissures
Problèmes ou agents associés à l’humidité excessive

Allergènes de chiens
Moisissures cultivables (exposition extérieure)
Problèmes ou agents associés à l’humidité excessive (chez les adultes)
FTE (chez les enfants d’âge préscolaire)
Endotoxines

Preuves limitées ou suggèrent une association

Oiseaux de compagnie
FTE (chez les enfants plus âgés et les adultes)
Formaldéhyde (en lien avec sifflements respiratoires et autres symptômes respiratoires)
Certaines fragrances

Oiseaux de compagnie
FTE (chez les enfants plus âgés et les adultes)
Formaldéhyde
Certaines fragrances
Moisissures cultivables (exposition intérieure)
Rongeurs (rats ou souris)
NO2

Preuves inadéquate ou insuffisantes pour déterminer s’il existe ou non une association

Allergènes de vaches ou de chevaux
Plantes intérieures
Pesticides
Agents plastifiants (ex. : phtalates)
Composés organiques volatils (COVs) autres que le formaldéhyde
Faibles taux de ventilation
Rongeurs (sauvage ou domestique)
Endotoxines
Oreillers de duvets (présumés facteur de risque en raison de la présence d’acariens)

Allergènes de vaches ou de chevaux
Plantes intérieures
Pesticides
Agents plastifiants (ex. : phtalates)
COVs autres que le formaldéhyde
Faibles taux de ventilation

* Sont exclus du tableau les agents infectieux et les contaminants intérieurs en provenance de l’extérieur.

Références

Committee on the assessment of asthma and indoor air of the Institute of Medecine (IOM). (2000). Clearing the air: asthma and indoor air exposures. Washington, DC: National Academies Press.

Kanchongkittiphon W, Mendell MJ, Gaffin JM, Wang G, Phipatanakul W. (2015). Indoor environmental exposures and exacerbation of asthma: an update to the 2000 review by the Institute of Medecine. Environ Health Perspect 123:6-20.

1Composés retrouvés dans la membrane externe des bactéries Gram négatives.

2 Qui favorise le développement de la réponse inflammatoire.