7 mai 2014

Évaluation des risques liés à l’exposition des Canadiens aux cancérogènes environnementaux

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Fabien Gagnon
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec

MISE EN CONTEXTE

CAREX Canada a récemment publié des estimations d’exposition aux cancérogènes reconnus chez l’humain et les évaluations de risque associé pour la population canadienne (voir référence). Ce résumé vise à en présenter les faits saillants, mais également à profiter de l’occasion pour faire connaître ce regroupement peu connu au Québec.

CAREX (CARcinogen Exposure) est un projet de recherche multiinstitutionnel canadien qui combine l’expertise de chercheurs universitaires et des ressources au niveau gouvernemental pour générer un programme de surveillance pragmatique et factuel des cancérogènes. Ses origines remontent au constat qu’avant la fin des années 90, le Canada n’avait aucun registre centralisant les informations sur l’exposition aux agents cancérogènes. Des informations telles que le type de cancérogènes auxquels les populations étaient exposées, le nombre d’individus exposés, et les lieux de ces expositions étaient inconnues. En réponse à cette importante lacune, un groupe de chercheurs de l’université de la Colombie-Britannique a mené une étude pilote pour estimer l’exposition aux agents cancérogènes en milieu de travail dans leur province. En 2003, grâce à l’appui de WorkSafe BC, le projet s’est étendu pour inclure les agents cancérogènes présents dans les collectivités. En estimant le nombre de Canadiens exposés aux substances associées au cancer, CAREX Canada offre un support important pour cibler les stratégies de réduction des expositions et les programmes de prévention du cancer.

MÉTHODE

Une évaluation de risque a été réalisée afin de calculer les excès de risque de cancer à vie (ou LECR [lifetime excess cancer risk]) liés aux 109 substances (ou mélanges) classées, à ce moment, cancérogènes pour l’homme (Groupe 1 de l’IARC) pour chacune des voies d’exposition d’intérêt. On a d’abord estimé des apports quotidiens moyens à vie à partir des concentrations mesurées dans les différents médias environnementaux par les systèmes de surveillance, ou tels que rapportés dans des rapports gouvernementaux ou diverses études. Ces estimations ont ensuite été multipliées par des coefficients de cancérogénicité. À des fins de priorisation d’intervention ou de recherche, les LECR obtenus ont finalement été comparés au seuil d’un excès de cas de cancer à vie pour 1 million d’habitants. La particularité de cette approche classique est cependant d’avoir qualifié le résultat selon la disponibilité et la représentativité des données d’exposition; par exemple, un LECR ≥ à 1 par million pouvant inviter soit à des évaluations plus détaillées, dans le cas des données les plus probantes, soit à une meilleure surveillance des expositions, dans le cas de données de moindre qualité.

RÉSULTATS

Un LECR plus grand que 1 par million a été obtenu pour 18 substances-voies d’exposition. Les résultats reposaient alors sur des données de qualité élevée ou modérée dans le cas du benzène, du 1,3-butadiène et du radon dans l’air ambiant; du benzène et du radon dans l’air intérieur; et de l’arsenic et du chrome hexavalent dans l’eau de consommation. Des besoins importants de données ont été identifiés au sujet de l’amiante, du chrome hexavalent et de la fumée de diesel dans l’air extérieur et intérieur alors qu’en général, la disponibilité des données n’était pas suffisante pour évaluer le risque lié aux substances dans les poussières, les aliments et les boissons. Fait à noter, les 5 LECR les plus élevés (radon domestique, formaldéhyde, radon ambiant, fumées de diesel dans l’air intérieur et arsenic dans l’eau) représentaient 99 % du LECR total estimé pour l’ensemble des substances-voies d’exposition.

CONCLUSION

Malgré toutes les sources d’incertitudes inhérentes à une telle approche (précision des systèmes de surveillance, limites analytiques, représentativité des scénarios d’exposition, etc.), une approche systématique comme celle employée présente l’avantage d’assurer une consistance interne et de permettre des comparaisons entre les substances et les voies d’exposition. Il en résultera, toute autre chose étant égale, une meilleure priorisation des besoins d’information et, à terme, des programmes de prévention et de contrôle basés sur des données probantes.

Pour explorer la variabilité de divers scénarios reposant sur d’éventuelles données spécifiques à une problématique particulière, il est possible, sur demande, d’accéder à la base de données (eRISK) disponible sur le site web de CAREX Canada.

RÉFÉRENCE

Setton E, Hystad P, Poplawski K, Cheasley R, Cervantes-Larios A, Keller CP, Demers PA. Risk-based indicators of Canadians’ exposures to environmental carcinogens. (2013). Environmental Health. Feb 12;12:15. doi: 10.1186/1476-069X-12-15.