17 juin 2013

Étude sur l’exposition cumulative en phtalates chez les enfants dans les domiciles et les garderies

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Mise en contexte

Les phtalates constituent un groupe de produits chimiques composés d’un noyau benzénique et de deux groupements carboxylates. Dans un article paru récemment, Bekö et al (2013) précisent que les phtalates sont présents dans de nombreux produits de consommation tels les matériaux de construction, le mobilier, les vêtements, les peintures, les emballages alimentaires, les jouets, les produits de soins personnels et pharmaceutiques. Ils peuvent être libérés dans l'environnement par lixiviation, évaporation, migration, abrasion ou application des produits de soins personnels qui en contiennent. Compte tenu de leur utilisation répandue, notamment à titre d’agent plastifiant, l’ensemble de la population est donc exposée en permanence à ces substances.

Un grand nombre d'études réalisées sur l'homme et l'animal ont mis l'accent sur les effets sanitaires possibles que peut engendrer l'exposition aux phtalates. De façon générale, ces substances sont notamment connues pour leurs effets sur la croissance, le développement et la reproduction. De plus, il existe des indications à l’effet qu'elles pourraient avoir un impact sur le développement des organes génitaux, la qualité du sperme, le développement neurologique de l'enfant, la fonction thyroïdienne, l'apparition de la puberté chez les femmes ainsi que causer des problèmes respiratoires.

Les voies d'exposition potentielles sont l'ingestion, l’inhalation et l'absorption cutanée. Les auteurs précisent que l'ingestion de poussières et, dans une certaine mesure, les produits de soins personnels, ainsi que la mise en bouche par les enfants de jouets et autres articles, peuvent contribuer à l'exposition par ingestion. L'inhalation de l'air, de particules en suspension et d’aérosols provenant de pulvérisateurs peuvent aussi participer de façon significative à l’exposition. La voie cutanée associée au contact avec des phtalates lors de l’application de produits de soins personnels, divers objets en plastique, le sol et la poussière peuvent s’ajouter à l'apport total de certains phtalates. L'absorption, la distribution et l'élimination des substances chimiques dans le corps, et conséquemment les effets sur la santé, diffèrent selon les voies d'exposition.

La contribution relative de chacune de ces voies d’exposition à l’apport total varie selon le type de phtalates et l’âge de l’individu exposé. Les nourrissons et les enfants ont tendance à être plus exposés que les adultes, ce qui peut être en partie attribuable aux contacts plus fréquents avec des objets contenant ou contaminés par des phtalates. Le taux plus important d'ingestion de poussières et l’ingestion des phtalates présents dans le lait maternel, les préparations pour nourrissons, le lait de vache ou les emballages alimentaires peuvent en outre entraîner une hausse des expositions chez cette population.

Résultats de l’étude

Sur la base de ces prémisses, Bekö et al (2013) ont procédé à l’analyse critique des voies par lesquelles les enfants sont exposés à des phtalates dans l'environnement intérieur du domicile et de la garderie. Pour ce faire, ils ont calculé le total des apports quotidiens de diéthyl phtalate (DEP), de di (n-butyl) phtalate (DnBP), de di (isobutyle) phtalate (DiBP), de butyle benzyle phtalate (BBzP) et de di (2-ethylhexyl) phtalate (DEHP) à partir des concentrations de métabolites mesurés dans l’urine de 431 enfants danois âgés entre 3 et 6 ans. Pour chaque enfant, l'apport attribuable à l'exposition à l'environnement intérieur via l'ingestion de poussières, l’inhalation et l’absorption cutanée a été estimé à partir des concentrations de phtalates mesurées dans la poussière recueillie dans la maison de l'enfant et à la garderie.

À partir des échantillons d'urine analysés, les auteurs ont rapporté que le DEHP était la substance qui contribue le plus à l'apport total quotidien des enfants (médiane : 4,42 µg/j/kg de poids corporel –pc) tandis que le BBzP y contribuait le moins (médiane : 0,49 µg/j/kg-pc). Pour le DEP, le DnBP et le DiBP, l'exposition combinée à l'air et à la poussière de l'environnement intérieur représentait près de 100 %, 15 % et 50 % de leur apport total respectif, l'absorption cutanée des phtalates associés à la phase gazeuse étant la principale voie d'exposition. Quant aux BBzP et au DEHP, plus de 90 % de l'apport total provenait de sources autres que l'air intérieur et la poussière. L'apport quotidien de DnBP et de DiBP, toutes voies d'exposition confondues, basé sur les concentrations de métabolites dans les échantillons d'urine, a dépassé la dose journalière tolérable (DJT), établie à 10 µg/j/kg-pc, chez 22 et 23 enfants respectivement.

Dans les milieux intérieurs concernés, les expositions ont entraîné un apport de DiBP quotidien moyen ayant dépassé le DJT chez 14 enfants. En utilisant le concept de dose journalière tolérable cumulative (DJTcum), laquelle est applicable aux phtalates dont les DJT sont basées sur le même critère d'évaluation, les auteurs ont examiné l'exposition cumulative totale des DnBP, DiBP et DEHP à partir de l’ensemble des voies d’exposition ; celle-ci a excédé la dose tolérable chez 30 % des enfants. À partir des trois voies d’exposition intérieures seulement, soit l'ingestion de poussières, l’inhalation et l’absorption cutanée, plusieurs enfants ont présenté un apport cumulé excédant la DJTcum. Les résultats font donc notamment ressortir que l'exposition aux phtalates présents dans l'air et la poussière à l'intérieur du domicile et de la garderie contribue de façon significative à l'apport total de certains phtalates chez l’enfant.

Référence

Bekö G, Weschler CJ, Langer S, Callesen M, Toftum J, et al. (2013) Children’s Phthalate Intakes and Resultant Cumulative Exposures Estimated from Urine Compared with Estimates from Dust Ingestion, Inhalation and Dermal Absorption in Their Homes and Daycare Centers. PLoS ONE 8(4): e62442. doi:10.1371/journal.pone.0062442.