30 janvier 2014

Réduire le risque associé à l’exposition au rayonnement UV en insistant sur les effets négatifs des UV sur l’apparence plutôt que sur les effets négatifs sur la santé

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Marie-Christine Gervais
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Introduction

Dans le domaine de la prévention des cancers de la peau, la mise en place d’interventions mettant l’emphase sur les conséquences esthétiques négatives de l’exposition aux rayons ultraviolets (UV), principalement le photovieillissement, plutôt que sur les conséquences sur la santé dont le cancer de la peau, est une avenue de plus en plus suggérée. L’expression « centrée sur l’apparence » sera utilisée dans cet article pour faire référence à ce type d’interventions (en anglais, l’expression appearance-based est utilisée). Les deux photos ci-dessous illustrent bien ce concept et étaient à la base d’une campagne de sensibilisation québécoise axée sur l'apparence en lien avec le bronzage développée par la Société canadienne du cancer (SCC).

 

Pour plus d'information au sujet de cette campagne, veuillez communiquer à cet effet avec Madame Marie‑Michèle Voyer, de la SCC.

Dodd et Forshaw ont été, en 2010, les premiers à effectuer une revue systématique de la littérature scientifique portant sur ce type d’interventions en analysant 12 études (littérature disponible jusqu’en 2009). Des améliorations significatives sur les comportements de protection face aux rayons UV ont été notées dans le cadre de cette revue systématique, mais aucun schéma explicatif clair n’a pourtant été établi aux yeux des auteurs quant à l’efficacité associée à ce type d’intervention particulière. Dans le cadre cette publication (Dodd et Forshaw, 2010), les auteurs faisaient aussi état de leur incapacité à procéder à une méta-analyse des résultats, compte tenu d’une trop grande hétérogénicité entre les études disponibles à ce moment-là. Dans la recension qui fait l’objet du présent article, l’ajout de 9 études (publiées après 2009) a permis de procéder à des méta-analyses.

Méthode

L’article de Williams A.L., Grogan S., David Clark-Carter et E. Buckley (2013) (Appearance-based interventions to reduce ultraviolet exposure and/or increase sun protection intentions and behaviours: A systematic review and meta-analyses. British Journal of Health Psychology. 18: 182–217), est une revue systématique comprenant des méta-analyses. Cet article constitue l’état des connaissances le plus récent sur les interventions « centrées sur l’apparence » dans le domaine de la prévention des cancers de la peau. Cette revue avait pour objectif précis d’évaluer l’efficacité de ce type d’intervention à réduire l’exposition aux UV, et/ou à augmenter les intentions de se protéger du soleil et l’adoption de mesures de protection solaire chez une clientèle donnée. Treize bases de données ont été consultées et seuls les articles en anglais ont été retenus, pour un total de 21 articles.

Résultats

Le tableau 1 présente les données descriptives des études retenues dans la revue systématique. Les résultats des études individuelles, de même que des méta-analyses, seront présentées par la suite.

Tableau 1 Données descriptives des études retenues

Paramètres des interventions

Participants

6 344 participants au total dans les études retenues; ce nombre variant de 30 à 2 324 dans les études individuelles.

Genre

4 373 femmes et 1 797 hommes. Pour 174 participants, cette information n’était pas disponible.

Âge

De 11 à 67 ans. Majorité : 18–21 ans; une seule étude avec participants en deçà de 18 ans.

Lieu de l’intervention

Majorité des études : universités et collèges; les plages étant le deuxième lieu en importance après le milieu scolaire.

Type d’intervention

Plusieurs des interventions revues utilisaient la photographie UV : une technologie qui rend visible les dommages à la peau. Dans certaines interventions, en plus de la photographie UV, de l’information sur le photovieillissement
(guides, vidéocassettes, présentations PowerPoint et sessions éducatives) était transmise. D’autres études transmettaient uniquement de l’information sur le photovieillissement (voir le tableau 2).

Mesures

Dans toutes les études : mesures avant et après l’intervention.

Dans 14 études : mesure à la fois de l’exposition aux UV et de l’intention de se protéger.

Dans 4 études : mesure de l’exposition aux UV seulement.

Dans 3 études : mesure de la protection solaire seulement.

Dans 4 études : utilisation de mesures de la couleur de la peau avec un spectrophotomètre.

Attrition

3 études ont retenu 100 % de leurs participants. Sinon, la perte de participants dans les autres études variait entre 1 % et 45 % de l’échantillon initial.

Les auteurs ont procédé à quatre méta-analyses visant à évaluer les liens entre le type d’intervention réalisée et l’effet mesuré. Le tableau 2 fait état des résultats obtenus. Certains types d’interventions « centrées sur l’apparence » ont donc un effet significatif modéré sur les intentions de se protéger du soleil, un effet significatif faible sur la susceptibilité perçue en lien avec le photovieillissement et un effet significatif élevé sur l’utilisation d’appareils de bronzage artificiel. Par contre, bien qu’une diminution de l’exposition future aux UV ait été notée, celle-ci n’est pas significative.

Tableau 2 Résultats des méta-analyses

Caractéristiques de l’intervention

Effet mesuré

Résultat

Effet d’une intervention qui montre aux participants une photographie UV d’eux-mêmes, combinée à la transmission d’information sur le photovieillissement (8 études, 625 participants).

Intention de se protéger du soleil.

Ampleur de l’effet : modéré (r = 0,36).

Probabilité combinée de la méta-analyse de p < 0.001 : ce type d’intervention augmente de manière significative l’intention de se protéger du soleil.

Effet d’une intervention qui montre aux participants une photographie UV d’eux-mêmes, combinée à la transmission d’information sur le photovieillissement (7 études, 525 participants).

Perception de la susceptibilité au photovieillissement.

Ampleur de l’effet : faible (r = 0,22).

Probabilité combinée de la méta-analyse de p < 0.001 : ce type d’intervention augmente significativement la perception de susceptibilité au photovieillissement.

Transmission d’information sur le photovieillissement seulement (2 études, 412 participants).

Utilisation appareils de bronzage artificiel.

Ampleur de l’effet : élevé (r = -0,82).

Probabilité combinée de la méta-analyse de p < 0.0001 : ce type d’intervention a un effet significatif sur la réduction de l’utilisation d’appareils de bronzage artificiel.

Effet d’une intervention qui montre aux participants une photographie UV d’eux-mêmes, combinée à la transmission d’information sur le photovieillissement (2 études, 350 participants).

Exposition future au rayonnement UV.

Ampleur de l’effet : (r = -0,13).

Probabilité combinée de la méta-analyse de p = 0.35 : ce type d’intervention n’a pas eu un effet significatif sur une future exposition aux UV.

Discussion

Concernant le devis évaluatif, certains paramètres viennent renforcer, selon les auteurs, la confiance que l’on peut avoir envers les résultats : soit que 20 des 21 étaient randomisées et que 4 études ont utilisé un spectrophotomètre pour avoir une mesure objective de l’exposition au soleil par rapport à des comportements auto-rapportés plus subjectifs. Par ailleurs, l’une des limites majeures reliées aux études revues est la très courte durée du suivi (souvent 1 mois). Par exemple, pour 3 études, qui ne comprenaient qu’une évaluation immédiatement après l’intervention, il n’était pas possible d’évaluer le maintien de l’effet obtenu. La majeure partie des études n’ont pas donné de renseignements sur le calcul de la taille d’échantillon. L’existence d’un biais de participation est aussi possible dans une forte proportion des études revues, du fait que des mesures incitatives ont été proposées aux participants dont des compensations financières (7 études). Finalement, les auteurs constatent que la majeure partie des interventions s’est déroulée dans des endroits très ensoleillés. Des recherches évaluatives portant sur l’efficacité de ce type d’interventions dans des climats plus froids devraient être menées. Les répercusions sur des clientèles différentes de la clientèle étudiante, qui a été à ce jour la plus fortement étudiée, devraient aussi être évaluées.

Conclusion

Cette revue systématique, de même que les méta-analyses présentées, permettent de mieux évaluer l’impact d’interventions « centrées sur l’apparence » sur l’intention de se protéger des rayons UV, l’utilisation d’appareils de bronzage artificiel, l’utilisation de mesures de protection solaire et sur l’exposition à ces rayons. De l’avis des auteurs, le nombre d’études publiées sur ce type d’intervention demeure limité, ce qui renforce l’idée de poursuivre la recherche dans ce domaine.

Bibliographie

  1. Dodd L.J. & M.J. Forshaw (2010). Assessing the efficacy of appearance-focused interventions to prevent skin cancer: A systematic review of the literature. Health Psychology Review. 4: 93–111.
  2. Williams AL, Grogan S, David Clark-Carter et E Buckley (2013). Appearance-based interventions to reduce ultraviolet exposure and/or increase sun protection intentions and behaviours: A systematic review and meta-analyses. British Journal of Health Psychology. 18: 182–217.

Merci à Marjolaine Dubé pour sa contribution à l’article