4 septembre 2012

Plombémie chez les enfants et proximité des aéroports

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Mathieu Valcke
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec

Mise en contexte

Alors que le plomb a été retiré de l’essence au Canada et aux États-Unis depuis plusieurs années, le carburant destiné aux petits avions à pistons, le AVGAZ, fait l’objet d’une exception, et peut contenir jusqu’à 0,56 gramme par litre de plomb. En raison de la toxicité connue du plomb, cette situation soulève des préoccupations de santé publique pour les populations avoisinant les aéroports qui accueillent ce type d’appareils. C’est sur cette question que s’est penchée une équipe de chercheurs de l’Université Duke, en Caroline du Nord (Miranda et al. 2011).

Plus spécifiquement, ces chercheurs ont cherché à savoir si le fait de vivre à proximité de petits aéroports pouvait entraîner une augmentation de la plombémie chez les jeunes enfants. L’existence dans cet État d’un programme systématique de surveillance de la plombémie des jeunes enfants représentait un avantage appréciable, en raison de la très grande puissance statistique en découlant, pour réaliser une telle étude.

Méthodologie

Les chercheurs ont sélectionné six comtés de Caroline du Nord en fonction du nombre d’aéroports (entre 8 et 13) et d’enfants échantillonnés sur le territoire et de la disponibilité de données foncières sur l’âge des maisons habitées par les enfants échantillonnés (pour contrôler pour les facteurs de confusion sur la plombémie). À l’aide d’un système d’informations géographique (SIG), les auteurs ont pu identifier les lieux de résidences des 125 197 enfants âgés de 9 mois à 7 ans ayant fournis un échantillon sanguin dont les paramètres étaient répertoriés dans une base de données tenue par le programme de surveillance mentionné au paragraphe précédent. Pour chaque échantillon sanguin, ils ont utilisé le SIG pour évaluer la distance entre le lieu de résidence de l’enfant donneur et les aéroports. Finalement, ils ont appliqué un modèle de régression multiple entre la plombémie et la distance de résidence par rapport à un aéroport, soit moins de 500, 1000, 1500 et 2000 mètres. Cette dernière représente la plus grande distance pour laquelle les auteurs estimaient, sur la base d’autres études de la littérature, que les concentrations environnementales de plomb pouvaient être influencées par les émissions issues des petits avions opérant sur les aéroports voisins. Les régressions ont été réalisées en contrôlant pour les variables sociodémographiques, l’âge des résidences et la saison durant laquelle les échantillons sanguins furent prélevés, des facteurs connus comme pouvant influencer la plombémie des résidents.

Résultats de l’étude

Les résultats obtenus font état d’une corrélation inverse statistiquement significative entre la plombémie mesurée chez les enfants et la distance entre leur résidence et un aéroport. En particulier, la plombémie des enfants demeurant à moins de 500 ou 1000 mètres d’un aéroport était en moyenne respectivement 4,4 % ou 3,8 % plus élevée que celle des enfants résidant dans une zone dite « contrôle », soit située à plus de 2 km de l’aéroport.

Conclusion

Les auteurs ne statuent pas sur les risques sanitaires pouvant découler d’une telle différence, qui est vraisemblablement mise en évidence en raison de la puissance statistique très élevée de l’étude. En effet, la taille de l’échantillon investigués (plus de 125 000 sujets) permet de détecter des différences statistiquement significatives dont la signification clinique ou encore pour la pratique de la santé publique demeure très difficile à évaluer. Rappelant que le critère de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 10 µg/dl, Miranda et al. (2011) soulignent toutefois que la communauté scientifique s’entend de plus en plus sur le fait qu’il n’existe pas de seuil connu de toxicité pour le plomb et que des études précédentes suggéraient des impacts significatifs sur la performance scolaire des enfants à partir de plombémies aussi basses que 2 µg/dl. Par comparaison, Miranda et al. (2011) rapportent une plombémie moyenne de 3,88 µg/dl chez les 125 197 enfants investigués. Ils concluent en soulignant que cette étude contribue à alimenter le débat portant sur la pertinence de réglementer le contenu en plomb du carburant AVGAS aux États-Unis.

Référence

  1. Miranda, M.L., Anthopolos, R., Hastings, D. A. Geospatial analysis of the effects of aviation gasoline on childhood blood lead levels. (2011). Environmental Health Perspectives. 119(10) : 1513-16.