13 décembre 2012

Nouvelle évaluation du risque cancérigène associé à l’exposition au radon au Canada

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Patrick Poulin
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec

Le texte suivant présente un résumé d’une étude réalisée par Chen et collaborateurs publiée dans la revu Radiation Protection Dosimetry en 2012. Amorcée en 2009, cette étude propose une réévaluation du risque cancérigène associé à l’exposition au radon basé sur une nouvelle série de mesures en milieux résidentiels obtenues sur l’ensemble du territoire canadien. Cette étude découle du Programme national sur le radon de Santé Canada initié en 2007.

Introduction

L'exposition au radon en milieu intérieur est reconnue comme la deuxième cause de cancer du poumon après le tabagisme. Le cancer du poumon est d’ailleurs la principale cause de décès par cancer tant chez les hommes que chez les femmes. Le radon est un gaz radioactif produit par la désintégration de l'uranium naturellement présent dans les substrats géologiques de la croûte terrestre. Chen et collaborateur rapportent que le risque de mortalité (calculé pour la durée d’une vie entière) par cancer du poumon pour la population canadienne à la suite de l’exposition au radon à été évalué en 2005, sur la base des données de dépistage effectuées dans les années 1970 dans les résidences de 19 villes. À l’époque, la concentration de radon mesurée dans 14 000 foyers montrait une distribution de type log-normal avec une moyenne géométrique (MG) de 11,2 Becquerel par mètre cube (Bq/m3) et un écart-type géométrique (ETG) de 3,9 Bq/m3. À partir des données de cette enquête, il avait été estimé qu’environ 10 % des décès induit par le cancer du poumon recensés au Canada étaient liés à une exposition au radon dans l’air intérieur.

Risque sanitaire associé à l’exposition au radon

Cette nouvelle enquête, menée sur une période de deux ans (hiver 2009/2011 et hiver 2010/2011) découle de mesures à long terme (3 mois) effectuées dans près de 14 000 foyers répartie dans 121 régions du Canada. L’enquête menée par Chen et collaborateurs a permis de mettre en lumière des concentrations de radon moyennes plus élevées que celles observées lors de la précédente évaluation (distribution de concentrations log-normale avec une MG de 41,9 Bq/m3 et un ETG de 2,8 Bq/m3). Appuyé sur des données de distribution plus représentatives que celles obtenues lors de la précédente enquête, le risque cancérigène lié à l’exposition au radon pour la population canadienne à été réévalué à la hausse à 16 %.

Pour effectuer le calcul du risque pour la vie entière, Chen et collaborateurs ont utilisé des coefficients de risque pour le radon développés par l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA). Ce calcul du risque est influencé par la structure populationnelle (âge, sexe, taux de mortalité global, prévalence du tabagisme, etc.) ainsi que par la distribution des données de concentration de radon dans l’air intérieur. Ainsi, la fraction du nombre de cancer du poumon strictement attribuable au radon observée chez les hommes fumeur serait de 15,3 % et de 29,4 % chez les non fumeurs. Chez les femmes, cette fraction varie entre 14,3 % et 27,8 %, respectivement. Ce risque populationnel associé à l’exposition aux rayonnements ionisants engendré par le radon et ses produits de désintégration constituerait un bon indice de la proportion des décès dû au cancer du poumon qui pourrait théoriquement être évités en réduisant les concentrations de radon dans l’air intérieur.

Estimation du nombre de décès attribuable au radon

En 2011, la Société canadienne du cancer évaluait à 20 600 le nombre de décès survenus suite au cancer du poumon au Canada (11 300 chez les hommes et 9 300 chez les femmes). À l’instar des travaux menés par le BEIR VI (Advisory Committee on the Biological Effects of Ionizing Radiations), Chen et collaborateurs ont estimé que 95 % des décès par cancer du poumon sont survenus chez les hommes fumeurs alors que cette proportion atteint 90% chez les femmes fumeuses. Considérant que 11 300 décès sont survenus chez les hommes des suites du cancer du poumon en 2011, ceux-ci ont calculé que 1805 décès sont directement attribuables à l'exposition au radon. Cette évaluation combine les décès survenu chez les fumeurs (1639 = 11 300 × 0,95 × 0,1527) et chez les non fumeurs (166 = 11 300 × 0,05 × 0,2945). Chez les femmes, on estime ce nombre à 1456 (soit 1198 chez les fumeuses et 258 chez les non-fumeuses).

Mesure de l’effet de l'atténuation du radon

Chen et collaborateurs ont élaboré des scénarios afin d’évaluer le nombre de vies pouvant être théoriquement préservées si des travaux d’atténuation (visant à réduire les concentrations de radon en milieu intérieur) étaient entrepris dans l’ensemble des résidences ayant des teneurs supérieures à différentes concentrations seuils en vue de les abaisser à la concentration observée dans l’air extérieur. Lorsque les auteurs ont appliqué ce scénario à l’ensemble des résidences ayant des concentrations de radon supérieures à 800 Bq/m3 (soit l’ancienne ligne directrice fédérale en vigueur avant 2007), il a été estimé que le nombre de vie pouvant être théoriquement préservées atteindrait 90 par an, en raison de la très faible proportion de résidences ayant une concentration supérieure a ce niveau. D’autre part, lorsque les auteurs ont appliqués ce scénario à l’ensemble des résidences ayant des concentrations de radon supérieures à la ligne directrice fédérale (LDF ; soit 200 Bq/m3) le nombre de vies sauvées atteindrait 927 par année. Bien que Chen et collaborateurs aient également appliqué ce scénario théorique à des valeurs de concentration inférieure à la LDF, ils soutiennent que l’application de mesures d’assainissement ne se traduirait nécessairement pas par des gains sanitaires substantiels, notamment en raison de difficultés d’ordre technique qui peuvent être rencontrées lors de la mise en œuvre de tels travaux. Selon eux, ces difficultés augmenteraient les coûts de telles interventions au delà du seuil jugé acceptable au regard des bénéfices observés. La LDF a d’ailleurs été établie à la lumière de telles analyses coûts bénéfices.

Conclusion

En conclusion, Chen et collaborateurs mentionnent que l’ensemble des résultats de cette étude confirme la pertinence du Programme canadien contre le radon et la nécessité d’y investir des efforts additionnels. Selon les auteurs, ces efforts devraient être soutenus par l’ensemble des partenaires publics et privés impliqués dans cette problématique. Parmi les axes d’intervention à préconiser, la planification d’activités d’éducation et de sensibilisation visant à encourager les Canadiens à prendre des mesures pour réduire leur exposition au radon constitueraient une priorité pour le gouvernement canadien.

Chen, J., Moir, D. & Whyte, J. (2012) Canadian population risk of radon induced lung-cancer: a reassessment based on the recent cross-canadian radon survey. Radiation Protection Dosimetry.10.1093/rpd/ncs147