7 mars 2014

Mise à jour française de l’expertise relative aux radiofréquences : peu de preuves d’effets

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Mathieu Gauthier
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Institut national de santé publique du Québec
Denis Gauvin
M. Sc, conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

En octobre 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié une mise à jour de son expertise relative au rayonnement électromagnétique dans le domaine des radiofréquences (RF) (ANSES 2013). Ainsi, la France a mis à jour son expertise scientifique sur les RF (AFSSET 2009) dans un nouveau rapport qui traite des articles publiés entre avril 2009 et décembre 2012.

Le groupe de travail (GDT) de l’ANSES a mis à profit son expertise variée (biologistes, épidémiologistes, physiciens et sociologues) pour analyser les 308 articles portant sur les effets des RF qui ont été publiés au cours de la période ciblée. Les études sur les effets cancérogènes (tumeurs du cerveau, tumeur des glandes salivaires, leucémie, mélanome, et incidence et mortalité par cancer [tous types confondus]), de même que celles portant sur de nombreux autres effets (fonctions cognitives, sommeil, rythmes circadiens, fonctions auditives, maladies neurologiques, reproduction et développement, système immunitaire, système cardio-vasculaire, bien-être et santé déclarée, et santé globale [mortalité toutes causes]) ont été analysées par le GDT. Deux tiers de ces études se sont avérés de qualité suffisante pour contribuer à l’évaluation, ce qui est plus élevé que lors de l’évaluation précédente de l’ANSES, où moins de la moitié des 226 études répertoriées possédaient une qualité suffisante. Chacun des effets possibles sur la santé, qui a fait l’objet d’études, a été classé selon le niveau de preuves d’effets sur des modèles animaux ou cellulaires et chez l’humain. Par la suite, l’évaluation de l’ensemble des données disponibles a permis au GDT de classer les éléments de preuves supportant les effets potentiels chez l’humain dans 6 catégories : effet avéré, effet probable, effet possible, preuve insuffisante, absence de preuve et preuve d’absence d’effet.

Seulement 2 des 29 catégories d’effets n’avaient aucune étude de qualité suffisante pour être prise en compte dans l’évaluation. Dans l’ensemble, le GDT de l’ANSES a jugé que pour la plupart des autres effets étudiés, soit 26 des 29 catégories, les éléments de preuves étaient insuffisants pour conclure à la présence d’effets pathologiques sur la santé humaine. Le GDT a noté que de nombreuses études de bonne qualité n’ont pas montré d’effet, tandis que quelques-unes, qui ont montré des effets biologiques, portaient sur des sujets peu étudiés et que ces résultats devront être validés. Le GDT conclut que « la plupart des effets semblent transitoires ou correspondre à une simple variation biologique démontrant une capacité de réparation ou de rétablissement de l’homéostasie des systèmes biologiques. Il est donc impossible de conclure que les effets biologiques observés sont générateurs d’effets sanitaires. » (ANSES 2013). Enfin, des preuves d’effets possibles ont été identifiées pour seulement 1 des 29 catégories, de même que pour une sous-catégorie. Dans les 2 cas, soit l’augmentation possible du risque de neurinome du nerf vestibulo-acoustique et de gliome, 2 types de cancer, cette évaluation est basée sur des preuves jugées « limitées » chez l’humain. Le GDT souligne toutefois que pour le cas du gliome, les preuves disponibles ne permettent pas de conclure à la présence d’un effet pour une exposition environnementale aux RF (catégories « preuves insuffisantes »).

Somme toute, les résultats de cette expertise sont encourageants. En effet, le niveau « preuve insuffisante » ne doit pas être confondu avec le niveau « absence de preuve » ou le niveau « preuve d’absence d’effet ». Il est utilisé pour caractériser les catégories d’effets où des études valides sont disponibles, mais ne permettent pas de conclure à la présence d’un effet (études négatives dans l’ensemble), sans pour autant représenter des éléments de preuves suffisants permettant de prouver l’absence d’un effet pour tous les scénarios d’exposition possibles. Le groupe de travail de l’ANSES rappelle d’ailleurs qu’il « est très difficile de démontrer une absence d’effet » (ANSES 2013). Ainsi, les données disponibles, en général, donnent peu d’indications que l’exposition aux RF, à des niveaux en deçà des limites recommandées dans les normes, aurait une incidence sur la santé humaine.

Le GDT a émis plusieurs recommandations sur la recherche, notamment dans le but d’améliorer la qualité des études et de cibler certains sujets qui pourraient être explorés davantage. Notamment, le GDT cible les effets possibles sur le sommeil, où un effet sans incidence sur la santé humaine aurait été observé; les fonctions cognitives, où une amélioration suite à l’exposition a été observée chez les animaux de laboratoire (preuves limitées), et sur les effets pour lesquels peu d’études de qualité étaient disponibles. De plus, le GDT a fait quelques recommandations touchant l’exposition aux RF. Le GDT préconise de communiquer aux consommateurs le niveau d’exposition engendré par les appareils personnels émetteurs de RF, et de fournir des informations sur les moyens qui peuvent être pris par les personnes qui désireraient réduire leur exposition.

Le GDT de l’ANSES présente également les résultats de tests sur certains dispositifs « anti-ondes » pour les téléphones cellulaires. Il rapporte que la plupart des dispositifs évalués n’ont aucune efficacité à réduire l’exposition. De l’avis du GDT, les quelques dispositifs qui ont montré une certaine efficacité auraient nécessairement des effets négatifs sur les performances de réception et de transmission des téléphones cellulaires, ce qui risque d’avoir comme résultat d’augmenter inutilement le niveau d’exposition des utilisateurs.

RÉFÉRENCES

ANSES (2013), Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Radiofréquences et santé - Mise à jour de l’expertise collective, septembre 2013 (www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000692/index.shtml)

AFSSET (2009), Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, Mise à jour de l’expertise relative aux radiofréquences, octobre 2009 (www.anses.fr/fr/documents/AP2007et0007Ra.pdf)

LIEN D’INTÉRÊT

OMS - Les champs électromagnétiques : www.who.int/peh-emf/fr/index.html