22 avril 2005

Le projet INTOX – Une ressource internationale en toxicologie médicale et en santé environnementale

Article
Auteur(s)
Albert J. Nantel
M.D., M. Sc., ABMT, Institut national de santé publique du Québec

Le programme INTOX IPCS (pour International Programme on Chemical Safety) est une initiative globale de promotion de la sécurité chimique qui se traduit par la mise en place et le renforcement des centres anti-poison ainsi que par l’accès universel à de l’information sur les produits chimiques, les circonstances d’exposition et les outils de gestion disponibles.

L’histoire du projet INTOX offre un aperçu intéressant du développement d’un programme de collaboration internationale qui se construit peu à peu, à travers l’implication progressive de professionnels en toxicologie médicale et de santé environnementale. En1978 d’abord, une réunion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la Fédération mondiale des centres de toxicologie clinique et des centres anti-poison officialise la collaboration entre ces deux organismes. Par la suite, une enquête réalisée par la Fédération mondiale, l’IPCS et la Commission des communautés européennes sur les centres anti-poison et les centres de toxicologie médicale rapportait que seulement 11 pays en développement disposaient d’un centre anti-poison, démontrant un besoin criant dans ce domaine.

La même année, le Centre de recherche en développement international du Canada (CRDI) accorde au Sri Lanka du support financier pour la création d’un centre anti-poison, avec la participation du Centre de toxicologie du Québec (CTQ), qui agit alors en tant qu’évaluateur scientifique. C’est à l’occasion du Congrès mondial des centres anti-poison de Bruxelles que les premières assises d’une collaboration entre l’IPCS, le CRDI et le CTQ se précisent. Cette rencontre conduit à l’élaboration d’un projet de recherche conjoint qui vise l’amélioration de l’accès aux compétences dans le domaine, en collaboration avec d’autres partenaires, dont le Centre canadien d’hygiène et de sécurité du travail (CCHST), le Centre anti-poison de Londres et celui de Montevideo.

Le projet présenté lors d’une réunion organisée par l’IPCS à Londres en 1987 permet d’en jeter les bases, d’identifier les principaux collaborateurs internationaux, et d’élaborer le contenu du système d’information à développer. Un comité directeur est créé afin de piloter le projet financé par le CRDI pour une durée de trois ans, puis reconduit pour deux années supplémentaires. Par la suite, des rencontres de travail réunissant des participants de pays en développement (50) et industrialisés (15) se déroulent entre 1987 et 1991. Lors de ces réunions, divers groupes de travail sont constitués afin de produire les composantes du projet. Par exemple, un groupe de travail a la responsabilité d’établir la liste des substances toxiques prioritaires pour lesquelles des monographies détaillées sont requises, alors qu’un autre groupe développe une terminologie harmonisée pour le logiciel et les autres documents en français, en anglais et en espagnol. Un groupe travaille, en collaboration avec le Kew Garden de Londres, à l’identification et à la description des propriétés des plantes toxiques. Le groupe informatique, quant à lui, élabore un logiciel original afin de permettre aux centres anti-poison de construire leurs propres banques de données sur la composition des produits commerciaux nationaux et la compilation statistique annuelle de leurs consultations téléphoniques. Enfin, le groupe analytique établit une compilation des principales méthodes d’identification et de dosage des substances toxiques requises par les centres anti-poison, incluant des méthodes simples accessibles aux pays ne disposant pas de moyens techniques élaborés. En dehors de ces réunions, un immense travail scientifique et de partage d’information se déroule. À cet effet, un nombre important de groupes de discussion sur différents sujets spécialisés sont créés par le CCHST qui agit comme webmestre (par ex.: intox-definitions, intox-natural-toxin; intox-plants ; intox-treatment; intox-veterinary). Ce réseau Internet international demeure encore aujourd’hui très actif, principalement celui appelé intox-général qui permet de rejoindre rapidement l’ensemble des centres anti-poison et des centres de toxicologie concernant des problèmes d’identification de produits étrangers, de diagnostics ou de traitements complexes.

Complément indispensable au développement du projet INTOX, la formation du personnel des centres anti-poison sur les différents aspects du progiciel a été rapidement considérée. Une session d’enseignement s’est tenue pour la première fois à Montevideo en mars 1991,réunissant 41 participants de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, de la Colombie, de Costa Rica, du Paraguay et de l’Uruguay. Plusieurs autres sessions de formation ont eu lieu au cours des années suivantes et aux quatre coins du globe.

L’année 1998 marque la fin officielle du projet subventionné par le CRDI. À ce moment, les principaux produits du projet consistaient en un système informatique (IPCS INTOX System) et un CD-ROM (IPCS INTOX CD-ROM), suffisamment développés pour leur mise en marché. La gestion du projet passe alors sous l’égide de l'IPCS et du CCHST.

Tout au long de ces vingt ans de développement et d’utilisation du système INTOX, des centaines de médecins, pharmaciens et autres professionnels de la santé œuvrant dans les centres anti-poison, les centres de toxicologie, les départements de santé publique impliqués en santé environnementale ou en mesures d’urgence, ont appris à se connaître et à travailler ensemble. Plusieurs projets de collaboration internationale ont vu le jour à la suite de ces rencontres.

Le projet IPCS INTOX, tel qu’on le connaît aujourd’hui, regroupe 75 pays et plus de 100 centres anti-poison collaborateurs. En plus de rendre disponible des données validées sur la prévention, le diagnostic et la gestion des intoxications, le projet contribue à l’harmonisation des données d’observation des intoxications et crée un espace d’échanges entre les professionnels de la santé à travers le monde.

Le projet se divise en deux grandes composantes complémentaires et indépendantes soit le « INTOX Data Management System» et le « INTOX Databank » (www.intox.org/databank/index.htm). Dans ce dernier cas, il s’agit d’une banque de données qui fournit des renseignements complets sur l’identification d’un poison, quel qu'en soit la nature (chimique, végétal, etc.) et sa toxicité, sur les effets cliniques et le traitement le plus adapté. À l’intérieur de cette même banque de données, il est aussi possible d’accéder à d’autres banques de données essentielles. Un système de recherche permet de récupérer les renseignements désirés. L’accès à cette banque de données est universel et gratuit (www.intox.org).

INTOX Databank : Principales banques de données disponibles