28 mai 2013

La protection solaire dans le sport de compétition : pistes d’interventions

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Marie-Christine Gervais
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Certaines clientèles présentent des risques importants de développer un cancer de la peau au cours de leur vie. C’est le cas des personnes qui pratiquent un sport extérieur qu’ils soient athlètes professionnels ou amateurs. Dans cette revue de littérature, intitulée : « Ultraviolet radiation and the athlete : risk, sun safety, and barriers to implementation of protective strategies » (Jinna S et BB Adams, Sports Med. Apr 9,2013), on s’intéresse spécifiquement à l’athlète de compétition bien que plusieurs des constats émis peuvent s’appliquer au sport en général.

Cette revue brosse le portrait général d’une diversité de thématiques liant le sport de compétition à la protection solaire en se basant sur les études répertoriées entre 1982 et 2012, pour un total de 56 études retenues. Les faits saillants de cette revue sont présentés ici.

Les auteurs ont cherché à documenter les trois thématiques suivantes :

  1. les facteurs de risque d’exposition aux rayons ultraviolets (UV) spécifiques au sport de compétition et les données épidémiologiques portant sur l’association entre l’exposition aux rayons UV et le cancer de la peau chez les athlètes,
  2. les mesures de protection utilisées par ces derniers et les barrières à l’utilisation de ces mesures;
  3. les programmes de prévention existants et les actions préventives suggérées.

Facteurs de risque spécifiques au sport et épidémiologie

Une étude menée auprès d’athlètes de niveau collégial a montré que sur 13 disciplines sportives, l’entraînement moyen était de 4 heures par jour à l’extérieur, pendant en moyenne 10 mois par année, ce qui équivaut à 1000 heures d’exposition par année liée à la seule pratique du sport. Outre le risque lié à la durée d’exposition au soleil, d’autres facteurs de risque associés au cancer de la peau ont été identifiés par les auteurs:

  • les heures passées au soleil pendant les périodes de forte intensité de rayonnement UV lors des séances d’entraînement et des compétitions sportives;
  • la production de sueur qui augmente la photosensibilité de la peau aux rayons UV;
  • les sports pratiqués en altitude (skieurs, escalade) où se combinent deux facteurs de risque : soit une une exposition du soleil plus intense et la réflexion des rayons UV sur la neige;
  • la faible utilisation de la crème solaire par les athlètes;
  • la peau qui n’est pas couverte adéquatement par les vêtements.

Quant aux données épidémiologiques colligées, les auteurs font référence à quatre études dont deux qui sont de type cas-témoins. La première, menée auprès de 283 guides de montagne, montre une prévalence de lésions précancéreuses et cancéreuses significativement plus élevée chez ces derniers que chez le groupe témoin du même âge. La deuxième étude a montré une augmentation marginalement significative de carcinomes basocellualires* (chez les athlètes en général) de même qu’une association significative entre le carcinome bassocellulaire et la pratique de certains sports aquatiques (natation, surf, bateau et voile). L’information rapportée par les auteurs sur ces études est toutefois très parcellaire. Finalement, les auteurs citent quelques études qui rapportent une fréquence élevée de coups de soleil chez les athlètes. Par contre, ces derniers n’effectuent pas de comparaisons avec d’autres groupes, ce qui peut constituer une limite de cette revue de littérature.

Mesures de protection et barrières à leur utilisation

Une faible utilisation de crème solaire et de vêtements protecteurs est constatée chez les athlètes. Ces derniers portent significativement moins de chandails à manches longues (27,9 % vs 39,8 %) et de pantalons (38,8 % vs 63 %) que les non-athlètes selon une étude réalisée auprès d’athlètes du collégial. Dans une autre étude, menée cette fois-ci auprès d’un groupe de marathoniens, il est rapporté que 96,7 % portent des shorts et 98,6 % portent des chandails qui ne couvrent pas entièrement leur dos ou leurs membres.

Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer le peu de respect des mesures de protection recommandées, en particulier celles associées à l’utilisation de crème solaire. En fait, le manque d’accessibilité de la crème solaire sur les lieux de l’entraînement, l’oubli de l’appliquer, la diminution de la performance, le fait qu’elle rende les mains glissantes ou graisseuses, qu’elle brûle les yeux de même que le temps considérable associé à son application, sont cités comme des barrières à son utilisation. Une étude a aussi montré que l’application de crème solaire est réduite lorsque la météo n’est pas clémente ou lorsque l’Indice UV est faible. En ce qui concerne le port de vêtements protecteurs, certaines ligues sportives ne permettent pas le port de chapeaux et de lunettes de soleil alors que dans d’autres cas, l’uniforme imposé ne couvre que très partiellement le corps.

Dans un autre ordre d’idées, des enjeux de communication sont aussi évoqués dans cette revue et pourraient expliquer le faible recours aux mesures de protection solaire chez les athlètes : soit la circulation de messages erronés ou tout simplement, le manque d’information reçue au sujet de la protection solaire.

Programmes de prévention existants et suggestions d’actions préventives

Les auteurs indiquent que les principales interventions décrites dans la littérature portent sur la sensibilisation des entraîneurs sportifs. Dans les publications revues, les entraîneurs suivent une formation afin qu’ils puissent véhiculer l’information sur les comportements sécuritaires au soleil auprès des athlètes. Les entraîneurs ayant suivi de telles formations seraient davantage enclins à recommander l’utilisation de mesures de protection à leurs athlètes.

Outre la sensibilisation des entraîneurs, l’adoption de politiques de protection solaire par les organisations sportives nationales est aussi une stratégie d’intervention démontrée efficace. De telles politiques devraient par exemple faire en sorte que l’uniforme sportif permette une ventilation adéquate tout en couvrant le corps adéquatement. Il est également proposé de rendre la crème solaire accessible sur les lieux de pratique, notamment dans les vestiaires et sur le terrain de jeu et de prévoir des façons de rappeler aux athlètes la nécessité de son application. Le dépistage du cancer de la peau est aussi soulevé parmi les actions préventives. Toutefois, aucune étude n’est citée pour supporter cette stratégie d’intervention.

Conclusion

La revue de littérature proposée par Jinna et Adams (2013) ne constitue pas une revue critique de la littérature disponible. Elle est plutôt une revue descriptive des principales études sur le sujet et plus spécifiquement, sur le type d’interventions susceptibles de réduire les risques de développer un cancer de la peau chez cette clientèle. À ce titre, les auteurs réitèrent l’idée d’encourager les entraîneurs à être des modèles en termes de protection solaire en présence des athlètes. Ils soulèvent également la pertinence de développer des règles de protection solaire spécifiques à chaque discipline sportive. Ces règles devraient par exemple insister sur la planification des séances d’entraînement et des compétitions sportives dans des plages horaires qui ne se situent pas entre 10h et 16h et sur l’aménagement de zones d’ombre pour les périodes de temps où les athlètes sont au repos. Il est également suggéré de poursuivre la recherche afin de développer des crèmes solaires sensibles aux besoins des athlètes.

* L’un des types de cancer de la peau les plus répandus au Canada, mais aussi le moins dangereux. Il faut toutefois le traiter rapidement, car sinon il continuera à se propager en envahissant et en détruisant la peau environnante (Association canadienne de dermatologie, site web : www.dermatology.ca, consulté le 23 mai 2013.

Complément d’information

  • Harrison SC et WF Bergfeld (2009). Ultraviolet Light and Skin Cancer in Athletes. Sports Health; 1(4) : 335-40.
  • Moehrle M (2008). Outdoor sports and skin cancer. Clin Dermatol; 26(1): 12-5.
  • Wiggs WP (2007). Playing it safe in the sun: Primary prevention of skin cancer for sun-exposed athletes. Dermatology Nursing; 19(6): 555-60.
  • Wysong A, Gladstone H, Kim D, Lingala B, Copeland J et JY Tang (2012). Sunscreen use in NCAA collgiate athletes: identifying targets for intervention and barriers to use. Prev Med; 55(5): 493-6