13 février 2012

Intoxications aux insecticides utilisés pour le contrôle des punaises de lit : l’expérience américaine

Brèves d'actualité

La recrudescence des punaises de lit est un problème international et le Québec n’y échappe pas. Même si ces insectes ne sont pas considérés comme des vecteurs de maladies, ils peuvent affecter la qualité de vie des personnes aux prises avec ce problème, en causant notamment de l’anxiété, de l’inconfort et de l’insomnie chez les personnes aux prises avec ce problème. Le contrôle de ces insectes nuisibles implique généralement l’utilisation d’insecticides. Si ces produits sont habituellement efficaces, leur utilisation accrue est à l’origine de l’apparition d’un phénomène de résistance qui, additionné à d’autres facteurs comme l’augmentation des voyages nationaux et internationaux, favorise l’accroissement rapide du problème. De plus, les utilisations excessives ou ne respectant pas les prescriptions d’utilisation peuvent être à l’origine de problèmes de santé chez l’humain.

Dans le but de documenter l’importance des problèmes liés à l’utilisation d’insecticides visant à contrôler les punaises de lit, des chercheurs des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont étudié les cas déclarés d’intoxication dans 7 États américains entre 2003 et 2010. Les fichiers du Sentinel Event Notification System for Occupational Risk (SENSOR)-Pesticides Program et ceux du New York Department of Health and Mental Hygiene (NYC DOHMH) ont servi à documenter les cas. Pour être recensé, un problème de santé aigu devait répondre à la définition suivante, soit : deux effets nocifs ou plus, apparus à la suite d’une exposition à des insecticides utilisés spécifiquement pour le contrôle des punaises de lit. Chacun des cas a par ailleurs été catégorisé comme confirmé, probable, possible ou suspect et ce, sur la base de critères tels que la certitude de l’exposition, les signes ou les symptômes rapportés et la relation causale connue entre les effets et la toxicité du pesticide.

Les auteurs ont identifié 111 cas d’intoxication associés à une exposition à des insecticides utilisés précisément pour le contrôle des punaises de lit. La majorité des cas identifiés par les centres antipoison étaient cependant d’un faible niveau de gravité (81 %) bien qu’un décès soit survenu au cours de la période étudiée. Dans la plupart des cas, des insecticides de la famille des pyréthrinoïdes, des pyrèthres ou d’un mélange des deux étaient en cause (89 %). Les cas ont majoritairement été enregistrés entre 2008 et 2010 (73 %) et pour une grande proportion dans la ville de New York (58 %). Même si des évènements ont été répertoriés chez les jeunes de moins de 15 ans (13 %) ou entre 15 et 24 ans (10 %), la plus grande proportion concernait des personnes de plus de 25 ans (67 %).

Différents effets nocifs ont été observés dont des symptômes neurologiques (40 %), respiratoires (40 %) et gastro-intestinaux (33 %). Par ailleurs, 93 % des cas sont survenus dans des résidences privées dont plusieurs étaient des habitations à logements multiples (40 %). Plusieurs catégories de travailleurs ont aussi été affectées dont des travailleurs hôteliers, des ambulanciers et des applicateurs de pesticides.

Sans surprise, l’application abusive d’insecticides et le fait de ne pas avoir lavé ou changé la literie traitée avec ces produits ont été identifiés comme les facteurs de risque ayant le plus contribué à la survenue des cas répertoriés. La transmission d’informations inappropriées lors des applications, notamment en ce qui concerne les délais sécuritaires de retour sur le site traité, a aussi été relevée. Il faut savoir que 39 % des applications ont été effectuées par les occupants des résidences eux-mêmes et que ceux-ci n’étaient pas formés pour utiliser des pesticides.

Bref aperçu de la situation au Québec

Bien que cette étude possède certaines limites méthodologiques, notamment en ce qui a trait à la définition, à la classification et à la déclaration des cas, elle met en lumière certains risques d’atteintes à la santé lors de l’utilisation de pesticides pour contrer les infestations de punaise des lits. Aucune étude de ce type n’est disponible pour le Québec, mais les risques y sont tout aussi présents, car des cas réels d’intoxication y ont déjà été rapportés. Par ailleurs, de plus en plus de villes québécoises sont aux prises avec la présence indésirable de punaises de lit et les pesticides utilisés sont généralement les mêmes que chez nos voisins du sud.

Quelques conseils à suivre en présence de punaises

Les risques sanitaires de l’utilisation d’insecticides identifiés dans cette étude remettent en perspective la nécessité de respecter certaines mesures préventives lorsqu’on est confronté à la présence de punaises de lit dans une habitation. En tout premier lieu, il faut briser les tabous entourant ces insectes piqueurs. Dans un contexte où, par exemple, les voyages sont de plus en plus accessibles, personne n’est à l’abri d’un tel problème. Il ne faut jamais retarder une intervention en raison d’un sentiment de gêne, le problème n’en sera que plus difficile à régler. Par ailleurs, lorsque l’infestation survient dans une habitation à logements multiples, le propriétaire ou le locataire devrait prendre l’initiative d’avertir les autres occupants de l’immeuble de façon à limiter le risque d’infestation des autres logements.

Parfois, des gens tentent de remédier à la situation eux-mêmes en utilisant des insecticides qui ne sont pas toujours obtenus de façon légale. L’utilisation d’insecticides nécessite des connaissances particulières et il est fortement déconseillé d’utiliser ces produits sans avoir reçu une formation appropriée. La gestion parasitaire efficace de ces insectes piqueurs dépasse la simple utilisation de pesticides et cette tâche devrait toujours être faite par un spécialiste certifié en contrôle antiparasitaire. Le citoyen peut tout de même effectuer d’autres tâches pour prévenir le risque d’infestation, par exemple passer régulièrement l'aspirateur dans toutes les pièces du logement, garder son logement propre, éviter de s’encombrer, protéger le matelas par une housse antiacariens/antipunaises, etc.

Le choix d’un professionnel en gestion parasitaire est très important. Certains de ceux-ci utilisent des techniques de contrôle ne faisant pas systématiquement appel aux insecticides pour limiter la propagation des punaises. Lorsqu’elles sont utilisées dans une approche de gestion intégrée des parasites, les techniques de contrôle permettent de diminuer grandement le recours aux insecticides et par extension les risques associés. Par exemple, des méthodes ayant recours à l’utilisation de la vapeur chaude ou à une chambre de chaleur permettent souvent de contrôler l’infestation plus rapidement tout en limitant l’utilisation de pesticides. Par ailleurs, un professionnel compétent assurera toujours un suivi de ses interventions afin de s’assurer de son efficacité.

Les professionnels de la gestion parasitaire et la formation

Au Québec, il faut actuellement obtenir une certification pour effectuer des traitements d’extermination avec des insecticides. Les professionnels du contrôle antiparasitaire demeurent donc les personnes les plus aptes pour intervenir lors d’une infestation. Cependant, comme la problématique des punaises de lit est relativement nouvelle, le programme de formation obligatoire pour les professionnels de la gestion parasitaire ne tient pas nécessairement compte des particularités du contrôle antiparasitaire de ces insectes. Dans un contexte où les problèmes d’infestation sont de plus en plus importants au Québec et considérant la complexité du contrôle de ces insectes piqueurs, il apparaît de plus en plus nécessaire de miser sur le développement rapide d’une formation spécialisée pour les professionnels de la gestion parasitaire.

Une approche concertée

Il est de plus en plus évident que le combat visant à limiter la propagation des punaises de lit doit faire appel à la participation active de nombreux acteurs dont les propriétaires et les locataires, les professionnels de la gestion parasitaire, les intervenants de la santé publique, etc. À ce titre, plusieurs organismes de santé publique ont publié des guides contenant des informations très pertinentes pour aider les citoyens aux prises avec des problèmes de punaises de lit. Ces outils contiennent généralement de nombreux conseils visant à réduire les utilisations non sécuritaires des insecticides souvent responsables des intoxications.

Source : Center for Disease Control and Prevention (CDC). Acute Illnesses Associated With Insecticides Used to Control Bed Bugs – Seven States, 2003-2010. Morbidity and Mortality Report. Weekly/Vol.60/No.37/ September 23, 2011.

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