22 avril 2005

Insalubrité, syndrome de Diogène et santé publique

Article
Auteur(s)
Reine Roy
M.Sc., B.Sc.A., Direction de santé publique de la Capitale nationale
Pierre Auger
M.D. FRCPC, Direction de santé publique de la Capitale-Nationale

De nombreux cas d’insalubrité résidentielle majeure, concernant le plus souvent des individus éventuellement atteints de ce qui est communément appelé le syndrome de Diogène, ont été signalés ces dernières années, notamment par les services d’inspection municipale ou encore par les CLSC, aux professionnels de santé publique de la région de Québec. D’un point de vue de santé publique, il s’avère souvent difficile de déterminer avec précision les impacts à la santé de telles situations et de fournir un avis éclairé en la matière. De plus, les rôles et mandats respectifs des partenaires impliqués, tels que les municipalités, les CLSC, les organismes communautaires et la direction de santé publique ne sont pas toujours clairement établis. Pour leur part, les professionnels de santé environnementale sont interpellés lors de ces signalements dû au fait que ce type de comportement entraîne une situation constituant une nuisance environnementale voire même un risque à la santé et à la sécurité pour les visiteurs (membres de la famille, intervenants, etc.) et pour les personnes habitant les logements avoisinants.

Cet article vise à faire le point sur l’insalubrité morbide, atteinte pouvant se définir comme étant « un état anormal d’insalubrité majeure causée par un dérèglement psychologique ». Pour ce faire, nous débuterons l’article en présentant les notions de salubrité et de syndrome de Diogène, pour ensuite décrire les effets à la santé, sous l’angle des risques biologiques et chimiques, des odeurs et des conséquences psychosociales.

Salubrité

La salubrité peut se définir comme la « qualité de ce qui est salubre ou sain, caractérisée par l’absence de maladies et de risques de maladie, assurée et maintenue grâce à des exigences relatives à l’hygiène des personnes, des animaux et des choses » et l’insalubrité comme « le caractère ou l’état de ce qui est nuisible à la santé »1. L’article 25 du Règlement sur la salubrité et l’entretien des logements de la ville de Montréal2, stipule qu’« un bâtiment ou un logement ne doit pas porter atteinte à la santé ou à la sécurité des résidants ou du public en raison de l’utilisation qui en est faite ou de l’état dans lequel il se trouve ». Cet article énumère ce qui est prohibé et ce qui doit être supprimé, dont entre autres: la malpropreté, la détérioration ou l’encombrement d’un logement; la présence d’animaux morts; l’entreposage de produits ou de matières qui dégagent une odeur nauséabonde ou des vapeurs toxiques; le dépôt d’ordures ménagères, de déchets ou de matières recyclables ailleurs que dans des récipients prévus à cette fin; l’encombrement d’un moyen d’évacuation; l’amas de débris, de matériaux, de matières gâtées ou putrides, d'excréments ou d' autres états de malpropreté; la présence de vermine, de rongeurs, d’insectes ou de moisissures visibles, ainsi que les conditions qui en favorisent la prolifération.

Cette énumération reprend un certain nombre de facteurs énoncés à la section 1 du Guide d’intervention intersectorielle sur la qualité de l’air intérieur et la salubrité dans l’habitation québécoise3, facteurs ayant fait l’objet d’un consensus parmi les organismes publics membres du groupe de travail qui a mené à l’élaboration de ce guide.

Nous tenons à citer la définition fournie par la Loi sur la santé publique du Manitoba, qui introduit la notion de condition potentielle pouvant mener à un état d’insalubrité, démontrant ainsi clairement l’intention préventive de cette législation :

  • un état ou une situation qui est nuisible;
  • est, peut être ou pourrait devenir préjudiciable à la santé;
  • empêche ou retarde l’élimination de la maladie;
  • contamine ou pollue, ou peut contaminer ou polluer la nourriture, l’air ou l’eau;
  • peut rendre la nourriture, l’air ou l’eau préjudiciables à la santé d’une personne4.

Cette définition relie étroitement la notion de salubrité à la santé. Bien que le Québec ne dispose actuellement d’aucune définition légale de l’insalubrité, une revue des documents municipaux, nationaux ou internationaux a permis de constater que le sujet est relativement bien documenté et que les facteurs et conditions permettant de définir un état d’insalubrité sont passablement uniformes5,6. Ainsi, d’un point de vue de santé publique, nous reconnaissons la portée préventive de la définition mentionnée dans la Loi sur la santé publique du Manitoba. De ce fait, tout facteur d’insalubrité, tel qu’énuméré dans le Guide d’intervention intersectorielle sur la qualité de l’air intérieur et la salubrité dans l’habitation québécoise, devrait entraîner une intervention visant à les éliminer ou les réduire et ce, sans avoir à démontrer ou à attendre la maladie chez les personnes exposées.

Syndrome de Diogène

Au cours des dernières années, les professionnels de santé publique de la région de Québec ont reçu de nombreux signalements concernant des individus qui accumulent de façon excessive des objets hétéroclites menant à des conditions de vie insalubres dans leur domicile. Ce comportement a souvent été associé au syndrome de Diogène. Quoique ce comportement soit rapporté et bien documenté dans la littérature scientifique, il n’existe aucun diagnostic psychiatrique portant l’appellation de syndrome de Diogène dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV).

Compte tenu de l’absence de diagnostic psychiatrique clair concernant ce syndrome, que ce terme demeure imprécis et restrictif lorsqu’il est utilisé comme base d’intervention en santé, et qu’il est difficile d’établir rapidement s’il s’agit bien de ce syndrome lors de situations d’insalubrité majeure, nous avons convenu d’utiliser, pour désigner la situation abordée dans le présent article, le terme plus général d’insalubrité morbide, qui constitue en fait l’une des conséquences de ce syndrome(a). Cependant, nous tenons tout de même à décrire brièvement le syndrome de Diogène, puisqu’il demeure étroitement lié à la notion d’insalubrité morbide.

Le syndrome de Diogène affecte, la plupart du temps, des personnes âgées, malades, dépourvues d’hygiène, bien qu’il puisse également toucher des personnes plus jeunes. Les personnes atteintes manifestent un besoin maladif d’accumuler et de mettre en réserve des objets ou déchets (syllogomanie). En fait, la dénomination de ce syndrome est impropre car Diogène, ce philosophe grec du quatrième siècle avant Jésus-Christ, préconisait l’autosuffisance avec un minimum de ressources. Or, à l’inverse, les personnes atteintes se caractérisent par une négligence personnelle extrême à laquelle s’associent l’insalubrité de leur domicile, le retrait social, une attitude paranoïaque, un sans-gêne de leur condition inexplicable et un refus systématique de se faire aider. Certains auteurs suggèrent de dénommer cette atteinte « syndrome de l’auto négligence sévère du vieillard (The Self-neglect Elderly) ».

Ainsi, ce trouble du comportement peut effectivement conduire rapidement à un état d’insalubrité majeure du domicile et entraîner des risques à la santé et à la sécurité pour la personne atteinte, les voisins, les proches et les intervenants. Ces risques dépendent notamment de la nature des objets entassés dans le domicile comme, dans le meilleur des cas, des objets propres (piles de vêtements neufs, de journaux et de magazines, cartons, boîtes de conserve, vaisselle, ustensiles) et dans le pire des cas, des aliments avariés en état de décomposition, des ordures, des excréments humains, des carcasses ou excréments d’animaux (rats, chats, oiseaux, etc.). Enfin, l’énumération des termes utilisés dans la littérature pour décrire le milieu de vie des personnes atteintes permet de compléter le tableau, et même de prévoir facilement les impacts possibles à la santé sans avoir à en faire une démonstration très élaborée7,8,9:

  • saleté extrême, odeur fétide ou nauséabonde, défaut d’hygiène corporelle et environnementale, se couche sur des immondices;
  • présence d’animaux, de vermine, de toiles d’araignées en quantité inimaginable due à la réserve d’insectes attirés par les immondices;
  • accumulation d’objets divers usagés, de nourriture avariée, de détritus, d’ordures, de bouteilles ou de cannettes, de produits de nettoyage en nombre incalculable;
  • encombrement presque total des lieux, amoncellement d’objets divers, amassement pathologique, obstruction complète des pièces suite à l’encombrement, objets hétéroclites entassés de façon désordonnée, nombre excessif d’objets de toutes sortes, etc.

L’insalubrité morbide peut aussi affecter des personnes plus jeunes et être associée à d’autres maladies mentales ou troubles du comportement, tels que la schizophrénie, la déficience mentale, la dépression majeure, la paranoïa, la démence, l’alcoolisme, l’anxiété généralisée et les troubles obsessifs-compulsifs (TOC). Dans certains cas, cette marotte, qui auparavant était probablement en partie maîtrisable, devient soudainement incontrôlable à la suite d’événements ponctuels, tels l’apparition d’une maladie débilitante ou l’aggravation de l’isolement à l’occasion de la retraite ou du décès d’un conjoint10. Une autre cause d’insalubrité morbide s’apparentant fortement au syndrome de Diogène est le « syndrome de l’hébergement d’innombrables animaux », traduction libre de Animal Hoarding. Ce dernier est caractérisé par l’habitude maladive de vivre avec un nombre exagéré d’animaux, habituellement des chats mais aussi des chiens, des oiseaux ou des reptiles. Le domicile de ces individus se démarque souvent par un fouillis indescriptible et des installations sanitaires défaillantes. Les appareils ménagers et la plomberie sont souvent hors d’usage et le logis se retrouve fréquemment jonché d’excréments d’animaux, rendant ce dernier impropre à l’occupation humaine11.

Effets à la santé

La présente section vise à présenter les risques à la santé que peut constituer une personne vivant dans un tel environnement, tant pour elle-même que pour les autres occupants de sa résidence, ses proches et son voisinage immédiat. Cet état d’insalubrité majeure peut également représenter un risque pour les professionnels intervenants (CLSC, inspecteurs municipaux, pompiers), le propriétaire et les bénévoles qui auront à se rendre sur place et, dans bien des cas, à procéder au nettoyage des lieux. On peut classer ces risques en quatre catégories, soit les risques biologiques, les risques chimiques, les odeurs et les consé­quences psychosociales.

Risques biologiques

L’accumulation de papier, de carton, de matériaux contenant de la cellulose et autres résidus biologiques, dont des aliments, jumelée à de l’infiltration d’eau, un dégât d’eau ou encore à de l’humidité excessive, peut entraîner la prolifération de micro-organismes (moisissures, mycobactéries, bactéries, acariens) dont les effets à la santé sont bien connus12,13. Il faut aussi souligner que la présence d’animaux domestiques ou de vermine en très grande quantité dans un logement risque d’entraîner la présence accrue d’endotoxines14 (protéines contenues dans la membrane cellulosique des bactéries Gram négatif), reconnues comme facteur aggravant de l’asthme et pouvant aussi occasionner un syndrome d’intoxication se présentant comme une gastroentérite ou une irritation des voies pulmonaires.

Insectes

Plusieurs types d’insectes peuvent proliférer et se répandre à l’intérieur d’un domicile encombré de déchets et de matières de toutes natures15. Les impacts à la santé en lien avec une telle situation peuvent être regroupés en trois grandes catégories, soit les piqûres, les allergies et les infections.

Piqûres

Plusieurs types d’insectes pourront s’attaquer à l’être humain et provoquer des lésions cutanées souvent prurigineuses et très incommodantes. Ce problème semble actuellement en résurgence au Québec et en Angleterre et il s’accompagne d’une résistance accrue aux pesticides, comme c’est le cas pour la punaise de lit (Cimex lactularius L)16,17,18. Cette dernière peut se propager d’une habitation à une autre, par contact direct avec la personne infestée ou en provenance d’un appartement voisin, lors d'un déménagement ou d’entreposage de meubles ou de vêtements infestés. Elle s’attaque aux humains surtout la nuit et peut provoquer une maladie cutanée semblable à la gale humaine. Les puces d’animaux, et particulièrement celles du chat (Ctenophalides felis), sont tout aussi problématiques, puisqu’elles peuvent survivre plusieurs mois sans nourriture et en l’absence de l’animal hôte dans un environnement facilitant, tel un tapis, pour ensuite se nourrir de sang humain, causant ainsi à ce dernier une dermatite particulièrement incommodante. Certaines espèces de mites, ectoparasites et endoparasites d’animaux (chats, chiens, rats, pigeons, poulets, reptiles), peuvent proliférer dans la nourriture végétale avariée et provoquer une dermatite prurigineuse19. Enfin, mentionnons également les insectes piqueurs tels les guêpes, frelons, abeilles, attirés par la nourriture ou autres détritus biologiques, dont la piqûre peut provoquer une réaction inflammatoire importante.

Allergies

Une des allergies connues depuis fort longtemps, et qui peut occasionner l’asthme chez l’enfant, est celle provoquée par le contact avec des excréments de blattes (insectes aussi appelés coquerelles) (Blattella germanica)20. La blatte se nourrit d’aliments humains et souil­le la nourriture de ses excréments. Elle répand une sécrétion malodorante qui s’écoule de son appareil buccal et altère le goût des aliments cuits dans de la vaisselle ainsi souillée. La blatte peut également transmettre certaines bactéries, dont celle responsable de la salmonellose.

En ce qui concerne les autres insectes, on retrouve peu de renseignements dans les études consultées. Les auteurs d’une étude australienne21 ont isolé une protéine allergène commune à six espèces de mouches (Musca domestica), mites et autres insectes tels les blattes, les anthragènes de tapis (Anthrenus verbasci) et les lépismes argentés, permettant de croire que le potentiel allergisant de ces insectes est plus important que ce que l’on croyait auparavant. Les puces d’animaux, plus particulièrement celles des chats (Ctenophalides felis), possèdent quant à elles un fort potentiel allergène, pouvant aboutir à des dermatites urticariennes chez l’humain22. Finalement, certains insectes piqueurs peuvent entraîner des réactions allergiques graves, de type anaphylactique, pouvant être mortelles chez certaines personnes sensibilisées23. Il demeure important de considérer l’existence des allergies croisées entre les différentes espèces d’insectes. Ainsi, un individu sensibilisé à la guêpe pourra réagir ultérieurement à la piqûre d’une autre espèce d’insectes, tel le frelon, par exemple.

Infections

Plusieurs insectes, dont la mouche domestique24, qui se nourrit de matières organiques en décomposition (animaux morts, excréments d’animaux et d’humains, déchets domestiques, fruits et légumes pourris), peuvent devenir un vecteur de maladies infectieuses. Plus de cent micro-organismes pathogènes ont été identifiés sur la mouche24 qui, compte tenu de son nombre important dans nos milieux de vie, peut contaminer nourriture et ustensiles et causer des infections du tube digestif.

D’autres maladies infectieuses sont transmises ou suspectées l’être par les insectes : la bartonelose25 ou maladie de la griffure de chat, la péliose bacillaire angiomateuse transmise par les puces (surtout chez les sidéens), l’infection au virus du Nil occidental transmise par un moustique (Culex sp.) et l’hépatite B par la punaise de lit, insecte suceur de sang. De plus, les lésions de grattage, résultat des démangeaisons causées par le prurit généré par les piqûres de ces insectes, peuvent constituer une porte d’entrée pour plusieurs agents microbiologiques, causant ainsi de multiples infections secondaires.

Animaux et vermine

Les animaux domestiques, tout comme plusieurs animaux sauvages, peuvent être porteurs de parasites et de maladies transmissibles à l’humain, telles l’ankylostome et autres maladies parasitaires26. Citons aussi la bartonelose (maladie de la griffure du chat) ou la péliose bacillaire angiomateuse chez le sidéen ainsi que l’ornithose provenant des oiseaux, plus particulièrement du pigeon27. Leurs excréments et parfois même leurs cadavres peuvent contaminer les lieux. De plus, lorsque négligés et en grand nombre, ces animaux peuvent adopter un comportement agressif, attaquer et mordre les humains. Par ailleurs, les rongeurs peuvent constituer un vecteur de maladies infectieuses telles la leptospirose (rat de Norvège), certaines maladies pulmonaires au virus de Hanta (souris sylvestre), etc. Tous ces animaux colportent aussi des protéines allergènes pouvant causer ou aggraver un état allergique.

Transmission de personne à personne

La transmission de maladie, comme la gale humaine ou le pou humain, par un individu négligé et dépourvu d’hygiène corporelle, nécessite habituellement un contact étroit. Ces maladies peuvent se transmettre, par exemple, lors d’utilisation conjointe d’un matelas ou de literie avec une personne infestée. Par ailleurs, on dénombre encore des épidémies chez le personnel soignant en contact constant avec des personnes atteintes28.

Risques chimiques

En toxicologie environnementale, les voies habituelles de pénétration d’un agent toxique sont les poumons, la peau et l’appareil digestif. L’exposition peut donc tout autant se faire par voie aérienne, que par contact avec le sol, l’eau de consommation, la nourriture, etc. Le plus souvent, les lieux affectés par un état d’insalubrité morbide ou par l’accumulation démesurée de résidus sont des logements, bien que cette situation ait aussi été observée dans des maisons de type unifamilial.

Dans de tels cas, il est possible de retrouver, accumulés en grande quantité, tout les produits domestiques d’usage courant (produits de nettoyage ou d’entretien, colles, peintures, solvants) ou tout autre produit imaginable pouvant contenir des substances chimiques (piles, plastiques). Certaines de ces substances peuvent être dangereuses en elles-mêmes, par leur simple présence, ou le devenir par leur nombre excessif, la possibilité d’interactions avec des substances voisines incompatibles ou encore, dû au risque de déversement. De plus, les risques d’incendie demeurent bien présents. Or, les incendies d’immeubles à logements et de maisons unifamiliales, en plus de causer des pertes de vie, des brûlures sévères et autres blessures, peuvent générer dans l’air ambiant de nombreuses substances toxiques respirables29. Dans la perspective d’un incendie survenant dans un logement abritant un individu atteint, tout porte à croire que ces risques seraient multipliés pour les pompiers et la population avoisinante. Enfin, il est possible de retrouver chez les personnes souffrant du « syndrome d’hébergement d’innombrables animaux », des taux particulièrement élevés d’ammoniac en suspension dans l’air provenant de l’urine des animaux.

Odeurs30

L’accumulation de résidus entraîne la production d’odeurs nauséabondes, souvent très incommodantes pour le voisinage, provenant soit de la décomposition de matières organiques, soit de la volatilisation de produits chimiques. Cette problématique a été et est encore fréquemment abordée sous l’angle «de nuisance ou de perte de confort ». Or, plusieurs études, dont la plupart ont été menées en milieu agricole, démontrent que des odeurs environnementales désagréables, tant intérieures qu’extérieures, peuvent engendrer des effets variés de nature psychologique se manifestant par des atteintes de l’humeur, de l’anxiété, des troubles du sommeil, des réactions émotives avec plusieurs types d’altération de la performance intellectuelle31. Enfin, des personnes souffrant de maladies chroniques pulmonaires ou cardiaques, d’allergies ou de perte de tolérance aux produits chimiques, verront leur état s’aggraver par la présence de tels effluves, générés par de multiples composés organiques volatils et des bioaérosols. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins qu’en milieu résidentiel, ces odeurs affectent de façon inacceptable la qualité de vie des voisins exposés involontairement.

Conséquences psychosociales

Nous n’avons recensé aucune étude portant sur l’impact de l’état d’insalubrité extrême générée par le comportement morbide d’un individu sur ses proches ou le voisinage. Nous pouvons toutefois en anticiper les conséquences. Les personnes atteintes sont souvent opiniâtres, têtues, n’hésitant pas à utiliser des moyens législatifs pour parvenir à leurs fins. On peut craindre que ces situations soient susceptibles d’altérer la santé et l’état mental des personnes vivant dans des logements adjacents ou devant côtoyer ou affronter de tels individus. Ceux-ci génèrent de l’anxiété dans leur voisinage pouvant résulter en un état de stress et d’insécurité face au comportement pour le moins étrange de ces individus, aux risques accrus d’incendies, aux odeurs nauséabondes et à la possibilité de contracter diverses maladies infectieuses.

Une telle situation peut grandement affecter les proches de la personne atteinte, qui auront souvent comme réaction de délaisser cette dernière devant l’état lamentable des lieux, l’ampleur des dégâts, la honte que cette situation génère chez eux et même la crainte d’être tenus responsables de la situation. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’importance de l’impact, aux points de vue émotif, social et économique, d’une telle dégradation des lieux sur le propriétaire bailleur qui aura souvent à gérer seul une telle situation et à remettre, souvent à grands frais, les lieux en état d’habitabilité. Devant l’absence de suivi de ces cas, l’expulsion apparaît souvent être la seule issue possible pour un propriétaire, ce qui ne fait toutefois que déplacer le problème.

Personnes vulnérables

Les effets d’une situation d’insalubrité morbide sur la santé varieront selon la nature des matières accumulées, le degré d’exposition et les personnes exposées. En effet, le terrain physiologique et psychologique sous-jacent des personnes exposées influera sur leur réponse et leur état de santé. Les populations les plus vulnérables demeurent de façon générale : les personnes ayant un statut physiologique précaire comme les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes ; les personnes souffrant de maladies physiques chroniques : maladies pulmonaires (asthme, emphysème), maladies cardiaques, perte de tolérance aux produits chimiques et odeurs, ou celles dont le système immunitaire est déficient comme les sidéens ou tout autre malade sous chimiothérapie immunosuppressive, etc.; les personnes souffrant de maladies psychiatriques : dépression, troubles d’anxiété généralisée, troubles de la personnalité et autres.

Conclusion

L’insalubrité morbide est un état anormal d’insalubrité majeure ayant fait l’objet de peu d’attention et de recherche en santé publique à ce jour. En plus de requérir les services des partenaires du réseau curatif de la santé (CLSC, services psychiatriques) et du secteur municipal (services d’inspection, d’incendie), les conditions d’insalubrité morbide dans les domiciles interpellent la santé publique, particulièrement lorsque les cas se manifestent dans les immeubles à logements. En effet, les impacts à la santé reliés à des conditions d’insalubrité majeure ne touchent pas uniquement les individus atteints, mais également le voisinage ainsi que toute personne ayant à les côtoyer plus ou moins étroitement. L’augmentation du nombre de signalements au cours des dernières années laisse présager un problème social et de santé publique en émergence, qui devra être suivi et documenté davantage.

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