5 avril 2004

En cas d’urgence nucléaire à Gentilly-2, la population sait maintenant quoi faire!

Article
Auteur(s)
Marc Nolin
Direction de santé publique de la Mauricie et du Centre-du-Québec
Nadine Tremblay
Direction de santé publique de la Mauricie et du Centre-du-Québec

« La gestion des risques par la santé publique doit favoriser le renforcement de la capacité des individus et des collectivités à prendre des décisions éclairées quant aux risques qui les concernent. » Poulin M. et coll., La gestion des risques en santé publique, cadre de référence québécois, BISE vol. 14, nos 3-4, mai-août 2003.

À l’automne 2003 s’amorçait le programme d’information préventive « En cas d’urgence nucléaire, je sais quoi faire ! ». Ce projet comprenait plusieurs activités de communication à l’intention de la population concernée par le risque que représente la centrale nucléaire de Gentilly-2. En préparation depuis plusieurs mois, cette campagne d’une durée de cinq ans vise à offrir une information complète sur le risque nucléaire et les mesures d’urgence qui seraient appliquées dans le cas d’un accident survenant à la centrale. La première phase de la campagne avait aussi pour but de rendre disponible à la population vivant à proximité de la centrale des comprimés d’iode stable, l’une des mesures de protection préconisées par le plan d’urgence. Rappelons que ces comprimés, une fois ingérés, ont pour but de protéger la glande thyroïde en cas d’accident entraînant une exposition potentielle à l’iode radioactif.

L’équipe de travail responsable de la préparation et de la mise en œuvre du programme d’information préventive est formée de professionnels de la communication issus de l’Agence de santé et de services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec et des directions régionales de la Mauricie et du Centre-du-Québec de Communication-Québec et de la sécurité civile. La coordination est assurée par la direction régionale de Communication-Québec. Plusieurs autres partenaires ont collaboré de près à la campagne : les municipalités et CLSC dans un rayon de 8 km autour de la centrale (Bécancour, Champlain, Trois-Rivières), le ministère de l’Environnement du Québec, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, la Sûreté du Québec, le ministère des Transports du Québec et Hydro-Québec Gentilly-2.

Faire connaître l’existence du plan d’urgence

Au début octobre 2003, l’Organisation régionale de la sécurité civile (ORSC) a fait le point, au moyen d’une conférence de presse, sur l’état d’avancement des travaux de révision du plan des mesures d’urgence nucléaire externes à Gentilly-2. Cette conférence de presse était précédée d’un exposé technique par la direction régionale de santé publique, dans le but de permettre aux journalistes de se familiariser avec le vocabulaire et les concepts de base afférents au risque nucléaire.

Cette première activité de communication publique visait à informer la population de l’existence d’un plan de mesures d’urgence nucléaire. L’activité voulait aussi souligner la collaboration de l’ensemble des ministères et organismes publics qui ont un rôle à jouer en situation d’urgence. Les porte-parole d’une dizaine de ministères et d’organismes ont été formés afin d’être en mesure de répondre adéquatement aux questions des médias et ce, dans le respect de l’expertise et du mandat des autres institutions participantes.

Informer la population

En novembre 2003, près de 290 000 brochures « En cas d’urgence nucléaire, je sais quoi faire » ont été distribuées par la poste à tous les résidants des municipalités situées à moins de 70 km de la centrale, une zone comptant plus de 605 000 personnes réparties dans sept régions administratives (Centre-du-Québec, Mauricie, Capitale nationale, Chaudière-Appalaches, Estrie, Lanaudière, Montérégie).

La brochure aborde l’ensemble des éléments nécessaires à la compréhension du risque associé à un accident nucléaire. On y trouve également les mesures de protection pour les gens qui résident dans un rayon de 70 km autour de la centrale, susceptibles de faire face à un risque de contamination de la chaîne alimentaire si un accident de ce genre survenait. La brochure présente enfin des mesures plus spécifiques, dont la prise de comprimés d’iode, s’adressant à la population qui réside à moins de 8 km de la centrale, plus susceptible d’être exposée au nuage radioactif en cas d’accident. Cette brochure a été développée à l’aide de consultations menées auprès de citoyens visés par la campagne, au moyen de groupes de discussion (« focus group ») tenus à l’été 2003.

La distribution d’un tel document a exigé que les deux grands systèmes de relais d’information grand public que sont Communication-Québec et Info-Santé CLSC soient préalablement et adéquatement préparés pour répondre à toutes les demandes de renseignements que pourrait susciter une telle campagne d’information. Par ailleurs, toutes les municipalités, les MRC, les directions régionales de sécurité civile et les régies régionales (directions de santé publique et coordinations des mesures d’urgence) comprises dans la zone de 70 km autour de la centrale de Gentilly-2 ont aussi été informées de la tenue de cette activité de distribution massive.

Échanger avec les citoyens

L’événement majeur de cette campagne d’automne a été sans contredit la tenue de quatre journées d’information, du 16 novembre au 6 décembre. L’objectif de ces journées était de permettre à la population concernée de venir rencontrer les responsables du plan des mesures d’urgence nucléaire, tout en recevant leur réserve de comprimés d’iode. La population de Champlain, celle d’une partie de Sainte-Marthe-du-Cap à Trois-Rivières et celles du secteur Gentilly et d’une partie du secteur Bécancour, à Bécancour, ont donc été invitées par la poste, par leur maire respectif, à participer à la journée d’information organisée par et dans leur municipalité.

Ces activités ont regroupé les représentants des ministères et organismes impliqués dans le cadre du plan des mesures d’urgence soit les représentants de la municipalité, de la sécurité civile, du CLSC, de la santé publique, de la Sûreté du Québec, du ministère de l’Environnement, du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, de Communication-Québec, du ministère des Transports et d’Hydro-Québec.

Dès l’entrée, les visiteurs recevaient des mains de leurs représentants municipaux leur réserve de comprimés d’iode. Puis, tout au long du parcours, on leur distribuait un dépliant précisant pourquoi, quand et comment prendre les comprimés d’iode. On leur remettait également un support mural à installer à domicile, comprenant une fiche aide-mémoire rappelant les directives à suivre en cas d’accident nucléaire et un dépliant expliquant le plan de contrôle des aliments si un nuage radioactif survenait en région.

L’événement a connu un franc succès, plus de 1 700 personnes s’étant déplacées et ayant participé à l’activité. Cinquante-et-un pourcent (51 %) des résidences visées ont ainsi été rejointes.

Afin de distribuer les comprimés d’iode et le matériel d’information à ceux et celles qui n’ont pu se déplacer lors des activités précédentes, les intervenants municipaux (pompiers ou policiers) ont fait du porte-à-porte. L'ensemble de la population résidant dans un rayon de 8 km autour de la centrale a donc été rejointe par l’un ou l’autre des modes de distribution et a reçu des comprimés d’iode de façon personnalisée.

Parallèlement à ces activités à l’intention de la population, les autorités ont procédé à une distribution des comprimés d’iode dans les commerces, industries, établissements et organismes publics de la zone du 8 km. Ainsi, les centres de la petite enfance et les écoles ont été les premiers endroits à recevoir leur réserve de comprimés d’iode, par l’intermédiaire des infirmières des CLSC concernés.

Outiller les professionnels et le réseau régional de la santé

Les professionnels de la santé pouvant être interpellés dans le cadre de cette campagne d’information, des activités d’information ont été planifiées spécifiquement pour eux. L’ensemble des pharmaciens du Québec ont reçu à domicile, par l’entremise de l’Ordre des pharmaciens du Québec, une lettre du directeur national de santé publique, le Dr Alain Poirier, ainsi qu’une fiche technique portant sur les comprimés d’iode. Les médecins ont été sensibilisés par des articles parus dans les revues Le Médecin du Québec et L’actualité médicale ainsi que dans le bulletin régional Santé contagieuse. Enfin, les médecins et pharmaciens pratiquant à moins de 30 km de la centrale ont aussi reçu un supplément d’information de la direction de santé publique, par la poste et par téléphone.

Par ailleurs, une page Internet (www.rrsss04.gouv.qc.ca/professionnelsante.html) s’adressant spécifiquement aux professionnels de la santé a été créée sur le site de la l’Agence de santé  afin de rendre disponible une série de documents scientifiques et médicaux pertinents.

La participation de plusieurs établissements du réseau régional de la santé et des services sociaux a également contribué de manière importante au succès de la campagne d’automne. Des activités d’information ont été offertes aux responsables des mesures d’urgence des établissements de la région ainsi qu’aux coordonnateurs Info-santé CLSC.

Évaluer les résultats

Une évaluation à caractère scientifique sera réalisée dans les prochains mois pour permettre d’apprécier l’appropriation par la population des informations transmises. Ainsi, il sera intéressant de vérifier si les gens ont bel et bien suivi les directives proposées lors de la campagne d’information. Cette évaluation sera reprise à nouveau dans quelques années afin de mieux connaître le degré de rétention de l’information portant sur le risque nucléaire chez la population.

Conclusion

La mise en œuvre de la campagne d’information sur le risque nucléaire est le fruit d’un travail de plusieurs années qui a permis à l’ensemble des partenaires de développer une confiance réciproque pour « oser » entreprendre une campagne de communication publique du risque nucléaire. En informant les citoyens sur les risques d’accidents et les gestes adéquats à poser en cas d’urgence, on reconnaît ainsi leur capacité de s’approprier l’information et à se protéger eux-mêmes adéquatement en situation d’urgence. D’autres activités sont prévues au cours des prochains mois et des prochaines années pour aider les citoyens et certains milieux de vie comme les écoles et les centres de la petite enfance à se préparer.

Tous ont pu constater qu’une communication du risque technologique, même sur un sujet aussi controversé que le risque nucléaire, est possible et même souhaitable lorsqu’elle est préparée adéquatement. Le site Internet de la campagne peut être consulté au www. urgencenucleaire.qc.ca.