25 avril 2003

Centrale nucléaire Gentilly-2 : Risques pour la santé et planification d’urgence

Article
Auteur(s)
Gilles W. Grenier
médecin-conseil, Direction de santé publique de la Mauricie et Centre-du-Québec et Institut national de santé publique du Québec

La centrale Gentilly-2

La centrale nucléaire Gentilly-2 est située à Bécancour, sur la rive sud du Saint-Laurent, à quelques kilomètres de Trois-Rivières. La centrale jouxte le Parc industriel et portuaire de Bécancour (PIPB) lequel comprend une trentaine d’établissements dont plusieurs industries chimiques et entreprises de service. Construite par Énergie atomique du Canada Ltée, une société d’État fédérale, elle est devenue par la suite propriété d’Hydro-Québec et a été mise en exploitation commerciale en 1983. Elle produit annuellement 675 mégawatts (mW) d’électricité, soit environ 3 % de la production totale du Québec. Cette production permet notamment de stabiliser le réseau d’Hydro-Québec dans la partie sud de la province. Gentilly-2 est la seule centrale nucléaire commerciale en opération au Québec.

Cet article décrit d'abord le fonctionnement de la centrale et ses dispositifs de sécurité. Il présente ensuite un survol des principaux effets potentiels sur la santé associés au nucléaire ainsi que des questions relatives à la planification des mesures d’urgence lors d’accidents impliquant une centrale nucléaire et ce, à travers l’expérience de Gentilly-2.

Aperçu du fonctionnement de la centrale

Un réacteur nucléaire utilise la chaleur produite par la fission de l’uranium-235 contenu dans l’uranium naturel pour produire de la vapeur, laquelle actionne un groupe turbo-alternateur et permet la production d’électricité. Le réacteur Candu (Canada Deuterium Uranium) de la centrale Gentilly-2 utilise l’uranium naturel (0,7 % d’uranium-235 fissile), alors que les réacteurs américains ou européens utilisent plutôt de l’uranium enrichi (3 % d’uranium-235) en raison de l’utilisation d’un modérateur différent. Dans un réacteur, le modérateur favorise la fission nucléaire (fragmentation des noyaux d’uranium-235 par le bombardement des neutrons), en ralentissant la vitesse des neutrons produits lors des fissions. L’eau lourde (atomes de deutérium ou hydrogène avec un neutron dans le noyau) est utilisée comme modérateur dans le réacteur CANDU. La figure 1 montre un schéma des principales composantes de la centrale Gentilly-2.

Figure 1. Composante de la centrale Gentilly-2

Source : Hydro-Québec (2002)

La vapeur produite sert à entraîner le groupe turbo-alternateur et produire l’électricité. Cette vapeur est par la suite condensée par un circuit de refroidissement utilisant l’eau du fleuve, elle-même retournée à ce dernier par le canal de rejets.

Une des caractéristiques du réacteur CANDU est sa capacité à permettre le chargement en continu des grappes de combustible sans devoir être mis à l’arrêt, ce qui le distingue des autres types de réacteurs. Les grappes de combustibles séjournent en moyenne une année dans le réacteur. Lors de son déchargement, le combustible usé, alors très chaud et radioactif, est acheminé dans une piscine où il séjournera pendant environ 6 ans afin d’y être refroidi. L’eau de la piscine (environ deux mètres d’épaisseur au-dessus des grappes) bloque totalement le rayonnement, permettant un travail sécuritaire du personnel affecté aux opérations entourant cette piscine. Par la suite, le combustible refroidi sera transféré dans des modules de béton situés à l’extérieur de la centrale (durée de vie de 50 ans) en attendant une solution permanente à la gestion des déchets nucléaires. Aucun mode de gestion permanente des déchets radioactifs n’a jusqu’à maintenant été retenu au Canada pour assurer la sécurité de la population et de l’environnement vis-à-vis ce risque qui persistera pendant des milliers d’années, en raison de la durée de vie des déchets radioactifs.

Mécanismes de contrôle et système de sûreté

À cause de la fission et de la réaction en chaîne contrôlée qui se produisent dans un réacteur nucléaire, des mécanismes automatisés permettant le contrôle de différents paramètres (taux de production des neutrons, chaleur, pression) sont mis en place pour assurer le fonctionnement du réacteur à l’intérieur de limites sécuritaires prédéfinies. Une surveillance en continue est effectuée en salle de commande, ce qui permet en tout temps de suivre la situation et de pouvoir intervenir en cas de besoin.

Si un dépassement majeur de l’un des paramètres de fonctionnement se produit et ne peut être corrigé par les systèmes de contrôle, des systèmes spéciaux de sûreté automatisés sont activés pour limiter les conséquences potentielles liées à une détérioration de la situation. Ces conséquences peuvent affecter l’intégrité des installations et porter atteinte à la sécurité des travailleurs ou de la population par une libération de matières radioactives. Il existe trois systèmes spéciaux de sûreté : les systèmes d’arrêt d’urgence, au nombre de deux, peuvent arrêter complètement la fission dans le réacteur à l’intérieur de deux secondes. L’arrêt du réacteur permet de diminuer considérablement la production de chaleur et de limiter la libération de matières radioactives (appelés produits de fission) en-dehors de celui-ci. Le système de refroidissement d’urgence du cœur permet de suppléer à des fuites de caloporteur (eau lourde) pouvant se produire par un bris de tuyau. Enfin, le système de confinement comprend différents mécanismes dont la fonction est de limiter les rejets à l’environnement à la suite d’un bris du circuit primaire.

Radioactivité et risques à la santé

Les conséquences potentielles pour la population d’un accident se produisant dans un réacteur nucléaire sont dues au rejet dans l’environnement de matières radioactives auxquelles la population peut être exposée. Dans le cas d’un tel accident, les rejets atmosphériques prendraient la forme d’un nuage pouvant contenir différents radio-isotopes dont les principaux seraient les gaz rares (krypton et xénon) et les radioiodes (iode-131 à 134).Une fois déposées au sol, les particules contaminées pourraient contenir de l’iode (durant les premières semaines), de même que d’autres éléments comme le strontium, le césium, le tellurium et le ruthénium, qu’il faudra considérer pour la protection de la chaîne alimentaire et de l’environnement.

L’activité radioactive est le nombre moyen de désintégrations radioactives par unité de temps. Les unités utilisées sont le Becquerel (Bq) qui équivaut à une désintégration par seconde ou le Curie qui équivaut à 37 milliards de Bq.

La dose correspond à l’énergie moyenne communiquée sous forme d’excitation et d’ionisation par unité de masse irradiée de l’organe ou du tissu. Selon les types de rayonnement alpha, bêta, ou gamma et le type d’effets sur la santé que ces rayonnements peuvent produire, on parlera de dose absorbée, de dose équivalente et de dose efficace. Le calcul des doses prend également en compte des facteurs liés à la capacité d’ionisation des cellules au passage de ces rayonnements (d’où l’appellation « rayonnements ionisants ») et de la susceptibilité des différents organes aux effets négatifs causés par cette ionisation (par exemple le développement d’un cancer en fonction d’une dose donnée). Les unités utilisées pour mesurer la radioactivité et les rayonnements ionisants sont résumées dans l’encadré qui suit.

L’ionisation du matériel génétique contenu dans les cellules est le mécanisme par lequel l’irradiation produit des effets néfastes sur la santé. Les deux voies d’exposition par lesquelles l’organisme peut être touché sont l’irradiation externe et la contamination. Dans le cas de l’irradiation externe, comme dans le cas d’une radiographie des poumons, l’organisme est touché par des rayonnements se déplaçant dans l’espace et qui sont émis par une source avec laquelle le corps n’est pas directement en contact. Lors d’un accident nucléaire, des rayons gamma peuvent être émis par le nuage radioactif ou par des dépôts au sol. Ils peuvent se projeter sur plusieurs centaines de mètres dans l’espace. Après avoir subi une irradiation externe, le corps ne devient généralement pas radioactif.

La contamination, pour sa part, peut être externe ou interne. Il s’agit de particules radioactives qui entrent en contact avec le corps et qui peuvent irradier les cellules environnantes par les rayons qu’elles émettent. La contamination peut être externe (sur la peau et les vêtements) ou interne (particules inhalées, ingérées ou qui ont pénétré la peau par des blessures) et se fixer dans différents organes, comme la thyroïde, par exemple, suivant l’inhalation d’air contaminé à l’iode radioactif, ou les os et le foie, à partir d’absorption digestive d’aliments contaminés par le strontium ou le césium.

Types d'effets sur la santé

Les effets sur la santé en lien avec l’exposition aux rayonnements ionisants sont de deux ordres : les effets déterministes (à seuil) et les effets stochastiques (sans seuil). Les effets déterministes peuvent survenir après une irradiation généralisée ou localisée à certains organes, causant la destruction d’une certaine quantité de cellules dont la fonction ne peut être compensée par l’organisme. Cette perte de cellules peut causer différents types d’effets sur la santé dont les manifestations apparaîtront à partir d’un certain seuil (variable selon les organes) et dont la gravité augmentera avec la dose (voir le tableau 1). Les effets déterministes surviennent souvent relativement tôt après une exposition de quelques heures à quelques semaines et entraînent morbidité et mortalité lorsque l’organe endommagé est vital. Le seuil des effets déterministes sévères est le niveau de dose où le risque de décès commence à apparaître, sans traitement médical, chez les groupes les plus à risque (ex. personnes déjà affectées par une maladie avec atteinte importante de l’état général, comme le cancer ou d’autres maladies graves). La moelle osseuse est l’organe ayant le seuil d’effet sévère le plus sensible, lequel se situe à 1 Sv (100 rem) pour une irradiation de l’organisme entier.

Les effets stochastiques sont le résultat de dommages causés à l’acide désoxyribonucléique (ADN) contenu dans le noyau des cellules. Selon le type de dommage, les cellules peuvent être réparées complètement ou se transformer en cellules viables, mais modifiées. La reproduction d’une cellule somatique modifiée peut provoquer un cancer après une période de latence prolongée et variable, selon les organes touchés. Si l’on considère les accidents les plus plausibles pouvant se produire dans une centrale nucléaire, le risque de cancer est sans aucun doute la principale préoccupation en radioprotection. Les principaux cancers observés chez les populations exposées aux radiations comprennent la leucémie ainsi que les cancers de la thyroïde, du poumon, du sein et des os2.

Tableau 1. Effets déterministes en fonction de l’irradiation des différents organes

* DL 50/60 : dose létale pour 50 % des personnes exposées dans les 60 jours suivant l’exposition.
Sources : adapté de l’ICRP, 1991 et de l’UNSCEAR, 1993

Des effets héréditaires peuvent également se produire lors de l’exposition aux rayonnements ionisants par modification du matériel génétique des cellules de la reproduction et se manifester chez les générations subséquentes. « Les effets héréditaires dus au rayonnement ont été observés chez les animaux de laboratoire, mais leur apparition chez des populations humaines n’a pas été prouvée directement. »4. Cependant, d’un point de vue radioprotection, ces effets sont considérés potentiels et des facteurs de risque sont définis par la CIPR pour les deux catégories d’effets stochastiques.

Pour la population générale, le facteur de risque pour les cancers mortels totaux est de 5 cas par 100 personnes exposées par Sv. En ce qui concerne les cancers non-mortels et les effets héréditaires sévères, en tenant compte des années de vies perdues, il est de 1 cas par 100 personnes exposées par Sv, pour les cancers non-mortels et de 133 cas par 100 personnes exposées à 1 Sv pour les effets héréditaires.

Cas particulier de la glande thyroïde

Le cas de la glande thyroïde est discuté ici pour trois raisons précises. Premièrement, lors d’un accident avec rejets radioactifs, l’un des principaux radio-isotopes émis est constitué par les radioiodes (isotopes radioactifs de l’iode). Cela a pu être vérifié lors de l’accident de Tchernobyl, survenu en Ukraine en 1986, où des quantités importantes d’iode radioactif ont été relâchées dans l’environnement, exposant ainsi les populations environnantes. Deuxièmement, étant donné que la glande thyroïde fixe l’iode, l’exposition de l’organisme à des particules d’iode radioactif, par voie d’inhalation ou d’ingestion, peut occasionner une contamination de celle-ci et ainsi entraîner un risque accru de cancer, surtout chez les enfants. Les études épidémiologiques menées en Russie chez les populations exposées aux retombées de Tchernobyl ont en effet montré une augmentation des cancers de la thyroïde chez les enfants qui étaient âgés de 0 à 15 ans lors de l’accident. Cette augmentation a été mise en évidence pour des doses à la thyroïde de 50 mSv (5 rem) ou plus3,5. Finalement, il existe des mesures pour protéger la population par rapport à ce risque. D’une part, l’évacuation ainsi que la mise à l’abri peuvent réduire en tout ou en partie l’exposition de la population à un nuage radioactif6. D’autre part, il existe un moyen très efficace et spécifique pour réduire la dose à la thyroïde : il s’agit de la prophylaxie à l’iode stable. Cette mesure consiste à saturer de la thyroïde par l’ingestion rapide d’un comprimé d’iodure de potassium (iode stable) qui empêchera l’iode radioactif de se fixer sur la glande et permettra à l’organisme de l’éliminer rapidement. L’efficacité du blocage est fonction du délai entre la prise du comprimé et l’exposition à l’iode radioactif : elle est maximale (environ 90 %) si le comprimé est pris une heure avant l’exposition et diminue à environ 50 % si le comprimé est ingéré 4 à 6 heures après.

Plan des mesures d’urgence externe

Malgré les mécanismes de contrôle et de sûreté de la centrale, des accidents demeurent possibles. Les partenaires de l’Organisation régionale de la sécurité civile de la Mauricie et du Centre-du-Québec, de concert avec les représentants des municipalités et d’Hydro-Québec (Gentilly-2), travaillent depuis plusieurs années à l’élaboration d’un plan d’urgence pour la protection de la population en cas d’accident. Les deux premières phases de cette planification ont permis d'en définir les bases (scénarios d’accidents, mesures de protection et niveaux d’intervention) et d’élaborer le plan directeur définissant la structure organisationnelle ainsi que les rôles et responsabilités des partenaires. La phase 2 qui vient de se terminer a eu comme extrant les plans opérationnels des différents partenaires. La phase 3 qui couvre la période de 2003 à 2005 permettra de compléter l’implantation des plans opérationnels dans les différentes organisations; les activités principales de cette phase sont l’achat d’équipement et la formation des intervenants d’urgence, la réalisation des premières activités du programme d’information préventive à la population et la prédistribution des comprimés d’iode.

La direction de santé publique (DSP) de la Mauricie et du Centre-du-Québec a produit des lignes directrices qui définissent les bases de la planification du plan d’urgence, c'est-à-dire les accidents considérés pour la planification, les niveaux d’intervention pour les mesures de protection ainsi que la zone de planification d’urgence7.

RÔLES DES PRINCIPAUX ORGANISMES

Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA): émet des recommandations pour la planification d’urgence et gère les ententes pour l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire

Commission internationale de protection radiologique (CIPR): émet des recommandations pour la radioprotection, dont la planification d’urgence et sur la radioprotection en général.

Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN ): réglemente le fonctionnement des centrales nucléaires canadiennes.

Énergie atomique du Canada limitée (EACL): société d’état qui développe, construit et met en marché le réacteur CANDU.

Les accidents potentiels à Gentilly-2

Deux catégories d’accident peuvent se produire dans une centrale nucléaire : les accidents de dimensionnement (de l’anglais « design basis accident ») et les accidents sévères. Les accidents de dimensionnement correspondent aux scénarios plausibles de l’analyse des risques technologiques8, et impliquent une défaillance d’un système de sûreté (système d’arrêt d’urgence, de refroidissement d’urgence du réacteur ou système de confinement) en plus du bris initial (par exemple, une fuite de caloporteur à la suite d’un bris de tuyau).Les accidents sévères, qui se rapprochent davantage du concept de « scénario normalisé » de l’analyse des risques technologiques résultent de la défaillance d’au moins deux systèmes de sûreté. Pour ce qui est des conséquences d’actes terroristes potentiels, comme l’écrasement d’avion de ligne sur les centrales de type CANDU, la CCSN mentionne que les ouvrages de confinement sont extrêmement résistants puisqu'ils sont conçus pour résister à des séismes, des tornades, etc. Toutefois, on n’exige pas des centrales nucléaires, à titre d’infrastructures publiques, qu’elles puissent résister à l’écrasement d’un aéronef9. Les conséquences de tels actes ne sont pas précisées, mais il est à mentionner que les centrales nucléaires ont des plans d’urgence en cas d’intrusion, en partenariat avec la Sûreté du Québec, lesquels font l’objet d’exercices périodiques.

Avant l’accident de Tchernobyl, la planification d’urgence était principalement basée sur les accidents de dimensionnement. Depuis, l' AIEA a émis de nouvelles recommandations pour le type d’accident à considérer dans la planification d’urgence10 et demande, tout comme la CCSN11, de considérer les accidents sévères dans la définition de la zone de planification d’urgence.

Cinétique des accidents et planification d’urgence

Un élément important à considérer dans la planification d’urgence est la cinétique des accidents, celle-ci se définissant comme le délai entre le début de l’accident et les rejets à l’environnement. Les accidents à cinétique rapide, pour les accidents de dimensionnement, sont majoritairement ceux qui vont nécessiter l’application des mesures de protection. Ces accidents nécessitent la mise en place de systèmes d’alerte rapide, la mise à l’abri devenant la mesure la plus efficace pour la protection en l’absence des délais nécessaires à l’évacuation. La prédistribution des comprimés d’iode en vue d’une administration rapide devient également une modalité à planifier pour assurer l’efficacité de cette mesure.

Niveaux d’intervention pour les mesures de protection

Les mesures de protection de la phase nuage (début de l’accident, jusqu’à l’arrêt des rejets, après contrôle de l’accident) sont la mise à l’abri, l’évacuation et la prise d’iode stable. Le contrôle de la chaîne alimentaire et la décontamination sont des mesures complémentaires qui sont ensuite mises en place pour se protéger des conséquences des retombées radioactives.

Comme pour les autres risques technologiques, des niveaux d’intervention sont définis pour l’application des mesures de protection. Des niveaux d’intervention sont recommandés par les organismes internationaux (AIEA, CIPR, OMS) ou nationaux (CCSN, Santé Canada). La plupart du temps, ces recommandations sont basées sur des aspects coûts-bénéfices difficiles à justifier dans une perspective de santé publique au Québec. La DSP a défini les niveaux d’intervention du Plan des mesures d'urgence nucléaire externe à la centrale Gentilly-2 sur une base risque-bénéfices à la santé expliquée dans les lignes directrices12.

Zone de planification d’urgence pour le panache

En mettant en parallèle les conséquences des deux catégories d’accidents et leurs critères de planification respectifs, nous avons défini une zone de planification d’urgence pour le panache d’un rayon minimal de 8 km autour de la centrale Gentilly-2. Cette zone touche, sur la rive sud, à la municipalité de Bécancour (secteur Gentilly, secteur Bécancour et le PIPB) et sur la rive nord, aux municipalités de Champlain et de Trois-Rivières (secteur Ste-Marthe-du-Cap). La population totale de cette zone est d’environ 10 000 personnes.

La prophylaxie à l’iode stable

Comme nous l’avons mentionné, la prophylaxie à l’iode stable est une mesure de protection importante à planifier pour protéger la population (particulièrement les enfants) et les travailleurs d’urgence qui pourraient être exposés à l’iode radioactif lors d’un accident à Gentilly-2.

La prédistribution

Après avoir examiné plusieurs scénarios concernant le mode de distribution des comprimés d’iode qui permettraient d’augmenter l’efficacité de ce type de mesure lors d’accidents à cinétique rapide, la direction de santé publique a proposé une prédistribution à la population ce qui permet de raccourcir le délai entre l’exposition et la prise de comprimés7. Nous avons pu vérifier l’applicabilité de cette modalité et en préciser les conditions de succès lors d’une mission en Europe à l’automne 200113. Parmi les conditions de succès identifiées, une information concertée à la population en est sûrement l’une des plus importantes. De concert avec la Régie régionale, les municipalités ainsi que les partenaires de l’Organisation Régionale de Sécurité Civile, le Directeur de santé publique a décidé d’aller de l’avant, avec une campagne de mise à disposition des comprimés d’iode à l’automne 2003, incluant la prédistribution, conjointement avec un programme d’information préventive à la population. La prédistribution s’adressera à l’ensemble de la population de la zone de planification d’urgence, y compris les écoles et les lieux publics (arénas, centres commerciaux, etc.).

Conclusion

La présence de la centrale Gentilly-2 sur notre territoire a conduit la DSP à une implication constante au niveau de la planification d’urgence. D’une part, il a fallu développer une connaissance du risque particulier associé à ce type de technologie ; cela nous a permis d’acquérir une meilleure compréhension de la problématique et de développer une certaine autonomie face à l’information en provenance de la centrale, en situation normale ou accidentelle. Pour ce qui est des bases de planification d’urgence, les recommandations internationales ont été adaptées à la situation particulière de Gentilly-2 et aux principes défendus par la santé publique; ainsi, la définition des niveaux d’intervention sur une base risques-bénéfices à la santé est une application originale et concrète tant au niveau canadien qu'international. Tout en reconnaissant le caractère original de cette approche, les partenaires fédéraux et ceux des autres provinces impliqués dans la planification d’urgence nucléaire n’ont soulevé aucun élément substantiel allant à l’encontre de cette position.

Le travail de plus d’une dizaine d’années avec les partenaires de l’ORSC, de Gentilly-2 et des municipalités est l’élément fondamental qui permettra, nous l’espérons, d’assurer une protection adéquate de la population en cas d’accident nucléaire, dans le respect des responsabilités de chacun. La culture organisationnelle de ces différents partenaires a cependant demandé de la part de chacun des efforts soutenus de compréhension et d’adaptation qui devraient aboutir, nous le souhaitons, à un plan d’urgence cohérent et harmonisé. Mentionnons finalement que la prédistribution des comprimés d’iode, sur une aussi grande échelle, constitue une première canadienne.

Références

  1. Hydro-Québec, Centrale nucléaire de Gentilly-2 [en ligne]. Disponible sur : www.hydro.qc.ca/production/classiques/nucleaire/gentilly_2/index.html.
  2. International Commission on Radiological Protection (1991), 1990 Recommendations of the International Commission on Radiological Protection. ICRP Publication 60.
  3. United Nation Scientific Committee on the effects of atomic radiations (UNSCEAR), 2000. Sources and effects of ionizing radiations, Volume II, New York.
  4. Santé Canada et Commission de contrôle de l’énergie atomique, 1998. Évaluation et gestion des risques de cancer associés aux rayonnements ionisants et aux agents chimi­ques,Travaux publics et Services gouvernementaux, Canada.
  5. World Health Organization ,1999. Guidelines for iodine prophylaxis following nuclear accidents, update 19099, Geneva.
  6. Dionne, L. et S. Sebez, 2003. La mise à l’abri… une véritable mesure de protection ?, Bulletin d’information en santé environnementale, vol.13 (6) : 1-5.
  7. Grenier, G. W., 2002a. Lignes directrices pour l’utilisation des comprimés d’iode stable en cas d’accident à la centrale nucléaire Gentilly 2. Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Direction de la santé publique, Trois-Rivières. Disponible sur : www.rrsss04.gouv.qc.ca/NosProduits/LesPublications.html.
  8. Lefebvre, L., 2001. Lignes directrices pour la réalisation des évaluations de conséquences sur la santé des accidents industriels majeurs et leur communication au public. Direction de santé publique, Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre (Document de travail).
  9. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2002, [en ligne].Disponible sur : www.suretenucleaire.gc.ca/fr/media/speeches/faq.cfm#5.
  10. International Atomic Energy Agency, 1997. Method for the development of emer­gency response preparedness for nuclear or radiological accidents (IAEA TECDOC-953), Vienna.
  11. International Safety Research, 2002. Consultant report on General guidelines for off-site nuclear and radiological emergency preparedness and response, Nuclear. ISR-R-1083-1. Prepared for The Canadian Nuclear Safety Commission.
  12. Grenier, G. W., 2002b. Bases de planification du PMUNE-G2 en matière de scénarios d’accident, de niveaux d’intervention pour les mesures de protection et de zone de planification d’urgence pour l’exposition au panache (ZPUI-P). Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Direction de la santé publique, Trois-Rivières. Disponible sur : www.rrsss04.gouv.qc.ca/NosProduits/LesPublications.html.
  13. RRSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2002. Mission québécoise sur la prédistribution des comprimés d’iode et les mesures de protection du personnel d’urgence et de la population autour des centrales nucléaires françaises du 11 au 24 septembre 2001. Rapport de mission. MSSS, Ministère de la Sécurité. Disponible sur : www.rrsss04.gouv.qc.ca/NosProduits/LesPublications.html.