9 juin 2014

Une vision intégratrice et stratégique de l’environnement bâti

Article
Auteur(s)
Elisabeth Masson
B. Sc. Responsable de la coordination professionnelle, Direction de santé publique de la Montérégie
Vicky Huppé
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

L’environnement bâti, défini comme tout élément de l’environnement physique construit par l’intervention humaine (Bergeron et Reyburn, 2010), est un déterminant de la santé reconnu. Que ce soit les conditions des logements, l’organisation spatiale des infrastructures de transport ou les caractéristiques d’aménagement des quartiers, l’environnement bâti influence les environnements physiques intérieurs et extérieurs, de même que les environnements sociaux et, de façon subséquente, la santé et la qualité de vie (Champagne, 2004). Il joue par ailleurs un rôle important dans les inégalités de santé, les individus en situation de vulnérabilité occupant plus fréquemment des logements en moins bonnes conditions et situés dans des quartiers plus dégradés, ayant potentiellement des effets néfastes sur la santé (Hutch et al., 2011; Miller et al., 2011; Rauh et al., 2008; Bernard et al., 2007).

Jusqu’à récemment, la recherche et les interventions en lien avec l’environnement bâti étaient abordées de manière sectorielle et portaient sur des problématiques spécifiques (qualité de l’air intérieur, salubrité, sécurité du logement, îlots de chaleur, bruit environnemental, sécurité des quartiers, accessibilité géographique aux services de proximité, risques technologiques, etc.), ciblant des enjeux de santé particuliers (asthme, traumatismes, sédentarité, maladies chroniques, sécurité perçue, etc.) ou des groupes plus vulnérables de la population (enfants, ainés, familles monoparentales, etc.).

Cependant, en présence des liens nombreux et complexes entre les différents déterminants de l’environnement bâti, un constat est de plus en plus partagé : la nécessité d’adopter une vision intégrée (multifactorielle) et un maillage plus serré entre les intervenants du réseau (multisectoriel) dans le but d’intervenir plus efficacement, et ce, malgré les difficultés organisationnelles que cela peut présenter.

En effet, la mise en œuvre d’interventions pour réduire les impacts sur la santé liés à l’environnement bâti nécessite des actions intersectorielles à tous les niveaux (local, régional et national) entre les secteurs publics et privés (Kent et Thompson, 2012; Miller et al., 2011; Northridge et Freeman, 2011; Srinivasan et al., 2003). Par exemple, les municipalités locales et régionales sont appelées à jouer un rôle important dans l’amélioration des conditions de l’environnement bâti, de par leurs responsabilités notamment à l’égard de l’aménagement du territoire et des infrastructures de services publics. Sous l’angle de la responsabilité populationnelle, elles sont des partenaires de premier plan dans l’amélioration de la santé de leur population, notamment en participant à la mise en place d’environnements favorables à la santé.

Dans une perspective de réduction des effets et des iniquités de santé associés à l’environnement bâti, les planificateurs du territoire, les élus et autres partenaires du réseau sont sensibilisés et invités par les intervenants de santé publique à planifier leurs actions sur ce déterminant en considérant ses nombreux impacts sur la santé (positifs ou négatifs). Ces actions s’inscrivent, par exemple, dans les démarches de revitalisation urbaine intégrée (RUI) ou d’approche territoriale intégrée (ATI), dans la revitalisation des quartiers centraux ou des noyaux villageois ou encore, lors de la révision d’un schéma d’aménagement, de la planification stratégique d’une conférence régionale des élus (CRÉ).

Les interventions du réseau de la santé publique s’appuient sur une littérature de plus en plus riche sur ce déterminant de la santé. L’utilisation d’outils et de données telles que les indicateurs est souhaitée, permettant un diagnostic (et un argumentaire) des conditions de l’environnement bâti et de leurs effets potentiels sur la santé. Toutefois, l’utilisation de ces informations par les intervenants du réseau est conditionnelle à la disponibilité, à l’accessibilité et à la qualité des données. Par ailleurs, certaines organisations du réseau et partenaires, telles des municipalités de petites et moyennes tailles, ont peu de ressources pour analyser et interpréter ces informations, notamment celles issues des indicateurs. Enfin, pour diverses raisons, le transfert et l’application des connaissances, en matière d’environnement bâti et de réduction des iniquités de santé, sont variables d’une organisation à une autre.

Ces dernières années, diverses démarches utilisant une approche plus intégratrice ont vu le jour au Québec. Elles poursuivent des objectifs semblables, soit de documenter, d’informer et de soutenir la prise de décisions d’organisations locales et régionales autour d’enjeux de santé associés à l’environnement bâti. Trois d’entre elles sont présentées dans ce numéro du BISE, dont deux se veulent des exemples d’utilisation d’outils diagnostiques, d’indicateurs et de transfert de connaissances : le projet pilote d’enquête « Mon habitat : plus qu’un simple toit » réalisé par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur le territoire de la municipalité de Baie-Saint-Paul et le Projet Habitat, une initiative de la Direction de santé publique de la Montérégie, qui a donné lieu à la mise en ligne d’un outil d’analyse de l’environnement bâti en milieu urbain défavorisé. D’autre part, l’intérêt de l’INSPQ à harmoniser ses interventions dans ce champ d’expertise a donné lieu à une réflexion sur le développement d’un Observatoire sur la santé et l’environnement bâti. Bien qu’en développement, sa programmation laisse présager de l’utilité que trouveront les partenaires du réseau dans un tel Observatoire.

Références

  1. Bernard P, Charafeddine R, Frohlich KL, Daniel M, Kestens Y, Potvin L. (2007). Health inequalities and place: a theoretical conception of neighbourhood. Soc Sci Med 65:1839-1852.
  2. Bergeron P, Reyburn S. (2010). L’impact de l’environnement bâti sur l’activité physique, l’alimentation et le poids. Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). 81 pages + annexes.
  3. Champagne P. (2004). Environnement bâti, santé et obésité - Synthèse. Ministère des Affaires municipales, Régions et Occupation du territoire (MAMROT). 3 p.
  4. Hutch DJ, Bouye KE, Skillen E, Lee C, Whitehead L, Rashid JR. (2011). Potential strategies to eliminate built environment disparities for disadvantaged and vulnerable communities. Am J Public Health 101:587-595.
  5. Kent J, Thompson S. (2012). Health and the built environment: exploring foundations for a new interdisciplinary profession. J Environ Public Health. 2012:1-10.
  6. Miller WD, Pollack CE, Williams DR. (2011). Healthy homes and communities: putting the pieces together. Am J Prev Med. 40:S48-S57.
  7. Northridge ME, Freeman L. (2011). Urban planning and health equity. J Urban Health. 88:582-597.
  8. Rauh VA, Landrigan PJ, Claudio L. (2008). Housing and health: intersection of poverty and environmental exposures. Ann N Y Acad Sci. 1136:276-288.
  9. Srinivasan S, O’Fallon Lr, Dearry A. (2003). Creating healthy communities, healthy homes, healthy people: initiating a research agenda on the built environment and public health. Am J Public Health. 93:1446-1450.
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