13 novembre 2012

L’évaluation d’impact sur la santé en milieu municipal : l’expérience d’un développement domiciliaire

Article
Auteur(s)
Émile Tremblay
Direction de santé publique de la Montérégie

Introduction

Bien que l’évaluation d’impact sur la santé (EIS) ait fait ses preuves sur la scène internationale pour anticiper les effets potentiels d’une politique ou d’un projet sur la santé1 et pour influencer la prise de décision2, peu d’expériences en ont fait la démonstration à l’échelle québécoise3. À partir de la réalisation d’une EIS portant sur un projet d’aménagement de quartier domiciliaire à Acton Vale (Québec, Canada), cet article fera la démonstration que l’EIS collaborative peut être adaptée à la scène municipale québécoise.

Pour arriver à cette fin, nous présenterons un résumé des impacts potentiels du projet sur la santé et la qualité de vie, tel que mis en lumière par l’EIS. Ensuite, par le suivi des recommandations et l’appréciation de la démarche par les autorités municipales, nous explorerons la contribution apportée par l’EIS à ce projet domiciliaire. Enfin, nous discuterons de quelques retombées pour le réseau de la santé et des conditions de réussite se dégageant de cette expérience. D’abord, nous effectuerons une brève présentation de la démarche appliquée et nous décrirons le modèle conceptuel sur lequel l’EIS s’est basée pour expliciter les impacts potentiels anticipés sur la santé et la qualité de vie des citoyens.

Méthodologie de l’évaluation d’impact sur la santé

À la suite de l’offre du Centre de santé et de services sociaux Richelieu-Yamaska (CSSS) et de la Direction de santé publique de la Montérégie (DSP), la municipalité d’Acton Vale a décidé de participer à une EIS. Conformément à l’approche de l’EIS collaborative visant à soutenir la prise de décision4, des représentants municipaux et des professionnels de santé publique ont été mis à contribution. Des travaux non-intensifs s’échelonnant de mars 2011 à mars 2012 ont permis d’accomplir l’ensemble de la démarche, telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé5.

Figure 1 : Les étapes de l’EIS

Réalisée par un comité local de travail formé de représentants de la Municipalité et de la Santé publique (expression désignant à la fois le CSSS et la DSP), l’étape du dépistage a conduit à l’identification des principales caractéristiques du projet susceptibles d’influencer la santé et la qualité de vie des citoyens. Le cadrage a ensuite permis de valider les caractéristiques précédemment identifiées, de formuler des hypothèses de travail et de planifier les étapes subséquentes.

Soutenue par un comité scientifique, une revue de la littérature a ensuite été réalisée afin de documenter les caractéristiques identifiées et d’analyser leurs impacts potentiels sur la santé et la qualité de vie. En contextualisant les connaissances synthétisées, les différents experts sollicités ont pu formuler des recommandations visant essentiellement à maximiser les effets positifs et minimiser les effets négatifs du projet. Les résultats de l’analyse et les recommandations assorties furent ensuite présentés aux autorités municipales.

Enfin, trois mois après la remise du Rapport sur les impacts potentiels et recommandations6, les autorités municipales furent rencontrées une dernière fois afin d’évaluer leur appréciation du processus et discuter de leur utilisation des recommandations.

Conception écosystémique de la santé

En raison de sa pertinence avec le projet étudié et de sa proximité conceptuelle avec les partenaires municipaux, le modèle conceptuel de l’écosystème municipal de Barton et Grant7 fut utilisé. Ce modèle fut notamment employé pour concevoir et structurer les outils de travail utilisés (grille de dépistage, rapport de cadrage et rapport d’analyse) lors de l’EIS.

Figure 2 : Schématisation de l’écosystème municipal

Traduit et adapté de Barton & Grant (2006)

Ce modèle détaille les déterminants de la santé faisant partie de l’écosystème municipal et les regroupe en six catégories. Leur disposition reflète la multiplicité de leurs interrelations et leur proximité relative avec les citoyens. Le modèle suggère également que les actions sur les catégories structurantes de l’écosystème, c’est-à-dire les environnements naturels et bâtis et les services municipaux, peuvent avoir des effets sur les autres composantes du milieu de vie municipal, voire son économie locale, sa communauté et les habitudes de vie de ses citoyens. En mettant en relation les responsabilités traditionnelles des municipalités et leurs influences sur la santé et la qualité de vie, le modèle écosystémique municipal permet de situer le rôle des autorités municipales dans le processus de production de la santé.

En empruntant cette conception écosystémique de la santé, l’expérience réalisée a cherché à mettre en lumière l’influence du projet de développement domiciliaire sur son environnement immédiat et son impact potentiel sur la santé et la qualité de vie des citoyens.

Analyses des impacts potentiels et recommandations

En se basant sur le modèle écosystémique, le dépistage a permis d’identifier les principales caractéristiques du projet et de son environnement immédiat pouvant influencer la santé et la qualité de vie des résidents du futur quartier et des environs. La collaboration entre les autorités municipales et les professionnels de santé publique a alors permis d’identifier six caractéristiques du projet de développement domiciliaire ayant un potentiel d’influence. Ces caractéristiques sont la proximité d’un sentier de motoneige, l’aménagement des rues, l’aménagement des parcs et espaces verts, la présence d’une piste cyclable, la proximité d’une route régionale et le déplacement des écoliers vers les écoles de la municipalité.

Les travaux de cadrage suivant ont permis de relier les caractéristiques identifiées à quatre déterminants de la santé : le bruit communautaire, la sécurité, les déplacements actifs et le capital social. Ces déterminants sont reconnus pour leurs effets sur les traumatismes, les maladies cardiovasculaires et chroniques et la santé mentale. Le modèle logique ci-dessous illustre les caractéristiques identifiées et leurs relations avec les déterminants et la santé.

Figure 3 : Modèle logique des impacts potentiels du développement domiciliaire

Les analyses qui ont suivi ont mis en lumière, à partir de la littérature scientifique, les effets des déterminants sur la santé et ont permis d’estimer les impacts des caractéristiques du projet sur les déterminants leur étant associés. Pour chacune des caractéristiques, des recommandations tenant compte du contexte furent formulées puis remises aux autorités municipales. Voici un résumé de ce rapport.

Sentier de motoneige

L’analyse a pu mettre en lumière l’impact potentiel sur la santé, d’un sentier de motoneige situé sur une ancienne voie ferroviaire. Selon l’aménagement prévu, il a été relevé que la proximité du sentier avec certaines résidences risquait d’exposer leurs futurs résidents à un niveau de bruit supérieur au seuil de tolérance de 45 dB(A) (LAmax). Cette norme fait référence à la nature épisodique du bruit occasionnée par les passages de motoneiges. Aussi, il a été relevé que la configuration du site pouvait contribuer à augmenter le risque associé aux collisions entre les résidents et les motoneigistes. Ces deux aspects étant susceptibles d’engendrer une augmentation des traumatismes, une plus grande incidence des maladies cardiovasculaires et chroniques, et une fragilisation de la santé mentale d’une portion de la future population du quartier, des recommandations visant à accroître la sécurité et à diminuer le bruit entendu à l’intérieur des résidences furent formulées.

Aménagement des rues

La composante concernant l’aménagement des rues a mis en évidence l’importance d’éléments de design urbain - l’éclairage des rues, la présence de trottoirs et la connexité des rues - et a permis de démontrer qu’ils pouvaient engendrer des impacts notables sur la sécurité des usagers, l’adoption d’un mode de déplacement actif et la production du capital social. Afin de maximiser leurs effets positifs et minimiser leurs effets négatifs, il a été recommandé de maintenir une intensité et une couverture lumineuse minimale, de limiter les conflits d’usage de la route en privilégiant la construction de trottoirs sur certains segments de rues et d’augmenter la connexité des rues en favorisant la construction de passages piétonniers désenclavant ainsi des zones du futur quartier.

Aménagement des parcs et des espaces verts

La proximité d’un parc de grande superficie a été identifiée pour promouvoir l’activité physique et le capital social des futurs résidents du quartier. Pour en maximiser les effets positifs, il a été recommandé de favoriser son accès pour les piétons et les cyclistes. De plus, la configuration du quartier projeté s’y prêtant bien, il a été suggéré d’aménager en espaces verts les passages piétonniers et de rendre accessible un espace laissé vacant afin de maximiser les lieux de socialisation entre les résidents des environs.

Piste cyclable

La présence d’une piste cyclable récréotouristique, située sur la même voie ferrée désaffectée que celle servant au sentier de motoneige, a dès le départ été perçue comme un élément favorisant l’activité physique. Toutefois, le caractère ludique de la piste et son absence d’intégration avec le réseau routier municipal ont été identifiés pour être moins propices aux déplacements actifs. Afin de favoriser l’emploi de ce mode de transport et d’assurer la sécurité des cyclistes, certaines mesures ont été suggérées aux autorités municipales. Notamment, il a été proposé de revoir les infrastructures cyclables de la municipalité afin de rendre plus conviviaux et sécuritaires les déplacements à vélo, en plus d’améliorer l’accès aux principaux points de services fréquentés par les citoyens.

Route régionale 139

La route régionale 139 est apparue comme une composante importante à prendre en considération étant donné son important potentiel d’influence sur la sécurité et les déplacements actifs des résidents du futur quartier et des secteurs avoisinants. L’aspect de la sécurité a semblé important en raison du fort débit journalier moyen annuel (DJMA) sur la route régionale et de l’absence de mesure d’apaisement de la circulation à ses intersections avec les rues collectrices du futur quartier. En raison du risque lui étant associé, cette route a été identifiée comme étant susceptible de créer une barrière psychologique freinant l’utilisation de la marche et du vélo et limitant le recours aux déplacements actifs. Pour pallier à cette situation, il a été recommandé de sécuriser les intersections en aménageant des feux de signalisation et des traverses piétonnes, renforçant autant le sentiment de sécurité que la sécurité réelle des résidents des environs.

Transport vers l’école

En raison de la présence prévisible d’enfants dans le futur quartier, des considérations à l’égard de leurs déplacements vers les écoles de la municipalité furent prises en compte. En absence d’un transport scolaire organisé, la question du déplacement vers les écoles est apparue comme une préoccupation concernant autant la sécurité que les déplacements actifs des écoliers. Étant donné l’emplacement du futur quartier et les obstacles le séparant des écoles, la planification et la mise en place de corridors scolaires sécuritaires furent proposées afin d’amoindrir les risques à la sécurité des écoliers ainsi que pour promouvoir l’emploi de la marche et du vélo pour leurs déplacements.

Recommandations

La réalisation des analyses des impacts potentiels a conduit à la formulation de trente-trois recommandations visant à améliorer les effets des caractéristiques du projet sur la santé et la qualité de vie des citoyens. Les recommandations avaient pour objectif de maximiser les effets positifs et de minimiser les effets négatifs du projet sur la santé et de contribuer à la réduction des inégalités de santé chez les résidents du futur quartier et, à certains égards, chez l’ensemble de la population environnante.

Suivi et évaluation

Afin de porter à notre connaissance l’utilité réelle et perçue de l’EIS par les autorités municipales, un suivi des recommandations et une appréciation de la démarche furent réalisés. Le suivi effectué s’appuie sur les recommandations intégrées directement au plan d’aménagement du futur quartier ou utilisées ailleurs dans la municipalité dans les trois mois suivants le dépôt du rapport.

Conformément à une typologie fréquemment employée, l’utilisation des connaissances telle que définie ici fait référence à une utilisation directe des connaissances et recommandations (utilisation instrumentale) ou à une adaptation de celles-ci par les autorités municipales afin de les transposer à d’autres contextes (utilisation conceptuelle)8-9.

Tableau 1 : Résultats préliminaires de l’utilisation des recommandationsa

Caractéristiques du projet

Recommandations utilisées

Sentier de motoneige

Modification du plan d’urbanisme pour :

Exiger une distance minimale de 30 mètres entre les résidences et le sentier de motoneige.

Recommander une fenestration offrant une meilleure insonorisation des résidences.

Aménagement des rues

Révision de l’éclairage des rues, partout dans la municipalité.

Intégration de trottoirs et pistes cyclables.

Mise en place d’un passage piétonnier afin de désenclaver un cul-de-sac.

Aménagement des parcs et espaces verts

Aménagement d’une piste cyclable et d’un sentier piétonnier pour favoriser des déplacements actifs et sécuritaires et donner accès à un espace vert.

Rendre accessible un espace vert vacant.

Pistes cyclables

Déplacement et aménagement d’une piste cyclable en chaussée partagée.

Amélioration de l’accès à la piste cyclable de la Route verte.

Route régionale 139

Mise en place d’un service de brigadier scolaire pour sécuriser la traversée de la route régionale par les écoliers.

Déneigement des trottoirs.

Transport vers l’école

a Considérant que l’utilisation (instrumentale ou conceptuelle) des connaissances et des recommandations transmises dans le cadre de l’EIS peuvent demander une période de temps supérieure à trois mois, nous qualifions ces résultats de préliminaires.

À la lumière du suivi effectué auprès des autorités municipales, il apparaît clair que les recommandations transmises ont contribué à modifier et améliorer le projet de développement domiciliaire. Dans cette même perspective, la mesure de l’appréciation de la démarche par les autorités municipales nous permet de rendre compte de quatre facteurs ayant contribué à l’intégration de notions de santé dans leur processus décisionnel.

En premier lieu, la démarche de l’EIS collaborative est perçue positivement pour sa capacité à traiter les enjeux de santé publique à la hauteur du projet étudié. En intégrant des considérations de promotion/prévention à l’intérieur du projet défini par les autorités municipales, l’EIS contribue vraisemblablement à les situer dans leur contexte local et à justifier leur pertinence. De plus, en formulant des recommandations contextualisées, sans pour autant être prescriptives, l’EIS est en mesure d’offrir des solutions concrètes à des enjeux locaux.

En second lieu, l’EIS est perçue comme une démarche permettant d’identifier et d’expliciter les impacts potentiels du projet étudié sur la santé et la qualité de vie alors que, selon les autorités municipales, ceux-ci peuvent sembler abstraits avant l’EIS. À titre d’exemple, même s’il est de notoriété publique que le bruit puisse déranger, les liens entre celui-ci et la santé sont souvent sous-estimés et peuvent par conséquent limiter la prise en compte de ses impacts potentiels négatifs lorsqu’une situation problématique se présente.

De la même manière, l’EIS est décrite comme une démarche permettant de jeter un éclairage allant au-delà du projet analysé. Les connaissances acquises dans le cadre de l’EIS peuvent ainsi servir à comprendre et corriger des situations vécues ailleurs dans la municipalité. Qu’il s’agisse des décisions passées ou futures, l’EIS permet d’acquérir de nouvelles connaissances et d’intégrer celles-ci à d’autres activités et projets municipaux.

Enfin, la formule de l’EIS s’avère pertinente pour offrir aux autorités municipales les arguments nécessaires pour justifier les modifications apportées au projet étudié. De la perspective municipale, les argumentaires scientifiques soutenant chaque recommandation permettent aux décideurs municipaux de s’y référer pour justifier les modifications apportées et répondre à d’éventuels questionnements de leurs commettants. Ces connaissances transmises contribuent à attester de la pertinence scientifique des recommandations et à renforcer le sentiment de confiance des autorités municipales à l’endroit de leurs décisions découlant de celles-ci.

En somme, l’expérience de l’EIS collaborative est décrite par les partenaires municipaux comme étant une démarche permettant d’étendre leurs connaissances sur le projet et d’expliciter les impacts potentiels de leurs décisions sur la santé et la qualité de vie de leurs citoyens. En identifiant puis en documentant les impacts potentiels sur la santé, l’EIS permet aussi de justifier les recommandations transmises et d’offrir aux autorités municipales des arguments soutenant les améliorations à apporter.

Discussion

Comme nous l’avons vu jusqu’à présent, la pertinence de l’EIS pour la municipalité se traduit essentiellement par son utilisation des recommandations et son appréciation de la démarche. Du côté de la Santé publique, la pertinence à réaliser des EIS s’inscrit vraisemblablement dans la contribution qu’apporte cette démarche à la réalisation de son mandat de promotion de politiques publiques favorables à la santé et au bien-être.

À la lumière de cette constatation, nous proposons ici une première réflexion sur les retombées observées ou anticipées pour la Santé publique. À la suite de celle-ci, nous énoncerons certaines conditions de réussite ayant été identifiées pour leur contribution à cette EIS et pouvant s’avérer pertinentes pour les expériences subséquentes.

Les retombées pour la Santé publique

D’un point de vue de santé publique, la plus-value de cette expérience repose principalement sur son influence positive anticipée sur la santé et le bien-être de la population du futur quartier et des environs. En intervenant sur la scène municipale dans le cadre de ce projet de développement domiciliaire, la Santé publique a reçu la possibilité de soutenir les réflexions des autorités municipales et d’obtenir leur contribution directe dans les champs de la promotion de la santé et de la prévention des traumatismes. Cette opportunité s’est ultimement traduite par des modifications observables et des améliorations notables apportées au projet.

Du point de vue organisationnel, le défi occasionné par les analyses des impacts potentiels du projet de développement domiciliaire a entraîné des retombées positives au niveau des relations partenariales internes et externes. D’une part, la diversité des enjeux de santé publique traités a nécessité une collaboration soutenue entre professionnels et obligé une intégration de leur expertise afin de répondre aux objectifs de l’EIS et aux besoins de la Municipalité. D’autre part, la collaboration soutenue entre la Santé publique et la Municipalité a permis de renforcer la confiance entre les acteurs impliqués et de solidifier les assises à d’éventuelles collaborations.

En somme, il ressort de cette expérience que les diverses collaborations ont permis une meilleure intégration des enjeux traités en plus de favoriser un partage de connaissances entre les partenaires impliqués. En plus de ces contributions circonscrites ayant profité directement au projet, l’EIS a concouru à initier une culture de promotion de la santé chez les autorités municipales, facilitant ainsi la voie à d’autres collaborations. Enfin, il semble opportun de noter que puisque l’EIS collaborative s’inscrit dans un esprit de concertation intersectorielle, elle permet de soutenir la responsabilité populationnelle du réseau de la santé à l’égard des populations visées par les décisions municipales.

Les conditions de réussite

À la lumière de l’expérience d’Acton Vale, cinq conditions de réussite soutenant la démarche collaborative en EIS ont pu être identifiées. Dans cette perspective, celle-ci doit tendre à :

  • Favoriser un sentiment de confiance entre les partenaires;
  • Soutenir la complémentarité des savoirs entre les partenaires;
  • Respecter la complémentarité des rôles des partenaires ainsi que la souveraineté municipale;
  • Rechercher une compréhension commune de la politique ou du projet étudié afin d’identifier des enjeux locaux de santé publique;
  • Partager des connaissances et formuler des recommandations qui tiennent compte du contexte local et de ses limites.

Au regard de ces conditions de réussite favorisant l’utilisation des connaissances (analyses et recommandations), nous constatons qu’une dynamique d’interaction entre les professionnels de santé publique et les autorités municipales est nécessaire et doit faire partie intégrante de la démarche EIS. Conformément à cette perspective, la participation des autorités municipales dans un processus collaboratif s’avère d’une importance capitale pour procéder à un examen de la pertinence locale des caractéristiques à analyser. Associé à des professionnels de santé publique, cet exercice permet de considérer le volet de la pertinence scientifique des caractéristiques retenues pour l’analyse. Cette double sélection permet donc d’identifier et d’analyser des caractéristiques du projet qui soient scientifiquement pertinentes et localement utiles.

Conclusion

À la lumière de cette expérience, il semble important de noter que tous les partenaires ont manifesté leur satisfaction à l’égard de cette EIS. Pour la Municipalité, cette satisfaction repose sur la pertinence des recommandations, les argumentaires qui les soutiennent et leur faisabilité dans un contexte de réalisation locale. Pour la Santé publique, la satisfaction face à l’EIS s’appuie sur sa contribution au partage des connaissances avec le milieu municipal et son apport à la prise en compte des impacts potentiels dans les décisions municipales.

Malgré les retombées encourageantes mentionnées précédemment, il incombe de noter que la pratique des EIS à l’échelle locale et régionale demeure nouvelle et que cette expérience a suscité de nombreuses questions. Parmi celles-ci, l’efficience de l’EIS à influencer le développement d’une politique ou d’un projet, même si elle a été observée ici, gagnerait à être corroborée par d’autres expériences et à être documentée davantage. Également, les questions sur les changements apportés et les conditions organisationnelles requises pour la réalisation des EIS restent à être explorées davantage puisqu’elles seront sans conteste au cœur de l’expansion de cette pratique dans les prochaines années au Québec. Enfin, mentionnons que ces questions sont au cœur des préoccupations soulevées par le protocole d’évaluation de la pratique des EIS en Montérégie et pourront éventuellement enrichir la réflexion sur la pertinence et l’avenir des EIS en milieu municipal au Québec.

En dépit des nombreux apprentissages restant à tirer, nous sommes néanmoins en mesure d’affirmer à la lumière de cette expérience que l’EIS ne devrait pas être considérée seulement comme une démarche, mais également comme la rencontre entre les univers de la gestion municipale et de la santé publique. Dans cette perspective où les objectifs de santé publique rencontrent les contraintes de la réalité municipale, la collaboration préconisée dans le cadre de l’EIS prend tout son sens et s’impose vraisemblablement comme étant indispensable au succès de cette stratégie de promotion de politiques publiques favorables à la santé et au bien-être.

Bibliographie

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Pour en savoir plus sur le modèle collaboratif développé et utilisé en Montérégie, il est possible de consulter l’affiche L'approche collaborative en EIS : une démarche appuyant la responsabilité populationnelle en santé publique