Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 14, numéro 1, mai 2024
Dans ce numéro de veille scientifique de l’équipe tabagisme de l’INSPQ :
- Utilisation des services de soins de santé attribuables à l’usage de la cigarette électronique et coûts associés
- Analyse de la contribution des produits du tabac aux ventes enregistrées dans les dépanneurs en Grande-Bretagne entre 2016 et 2019
- De la cytisinicline (cytisine) pour cesser de fumer : un essai clinique randomisé
- Facteurs associés au renoncement au tabac chez les 10-24 ans : une revue systématique des études qualitatives
- Encadrement des pochettes de nicotine dans différents pays
- Politiques publiques visant à réduire le vapotage chez les jeunes
Dans cette veille, l’équipe tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.
Utilisation des services de soins de santé attribuables à l’usage de la cigarette électronique et coûts associés
Contexte
Bien que les effets sur la santé liés à l’usage de la cigarette électronique ne soient pas aussi bien connus que ceux du tabagisme en raison de la récence du produit, un corpus grandissant de littérature identifie des risques associés au vapotage en matière de santé respiratoire, cardiovasculaire et buccodentaire. Une des conséquences de ces risques est l’augmentation du recours aux soins de santé et des coûts y étant associés. Alors que des études se sont déjà intéressées à la détermination des coûts de soins de santé liés au tabagisme, le même type de calcul n’a pas encore été conduit par rapport au vapotage.
Objectif
L’étude visait à estimer l’utilisation des services de soins de santé en lien avec l’usage de la cigarette électronique et les coûts y étant associés chez les adultes de 18 ans et plus aux États‑Unis en 2018. Étant donné que plusieurs adultes faisant usage de la cigarette électronique consomment également des produits du tabac, les estimations des coûts de soins de santé attribuables au vapotage font la distinction entre l’usage exclusif de la cigarette électronique et l’usage combiné de cigarette électronique et de produits du tabac.
Un modèle économétrique structurel consistant en deux équations a été développé afin d’estimer l’effet du vapotage sur l’utilisation des services de soins de santé. La première équation a servi à quantifier la relation entre le vapotage et l’état de santé, et la deuxième permettait de quantifier la relation entre l’état de santé et l’utilisation des services de soins de santé.
Les données du National Health Interview Survey (NHIS) de 2015 à 2018 ont été employées (n = 109 133) afin de déterminer la prévalence de l’usage exclusif de la cigarette électronique et de l’usage combiné de la cigarette électronique et de produits du tabac. Les données du Medical Expenditure Panel Survey (MEPS) de 2018 ont été utilisées pour obtenir des estimations représentatives à l’échelle nationale de l’utilisation des services de soins de santé et des coûts associés.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- L’usage exclusif de la cigarette électronique (0,2 %) et l’usage combiné de la cigarette électronique et de produits du tabac (3,5 %) en 2015-2018 étaient associés à de plus fortes probabilités de rapporter un mauvais état de santé, comparativement aux non‑utilisateurs de produits du tabac ou de vapotage.
- Un mauvais état de santé était associé à de plus fortes probabilités d’utilisation des services de soins de santé et à un plus grand nombre de visites à l’urgence ou chez le médecin.
- Les coûts annuels de soins de santé attribuables à l’usage de la cigarette électronique étaient de 15,1 milliards de dollars américains (USD) en 2018, soit 2 024 dollars par vapoteur, dont 1,3 milliard de dollars attribuables à l’usage exclusif de la cigarette électronique (1 796 dollars par vapoteur) et 13,8 milliards de dollars attribuables à l’usage combiné de la cigarette électronique et de produits du tabac (2 050 dollars par vapoteur).
Ces résultats indiquent que l’usage exclusif de la cigarette électronique a généré un effet notable sur l’utilisation des services de soins de santé et les coûts associés en 2018 aux États‑Unis, quoique la majorité des coûts sont liés à l’usage combiné de la cigarette électronique et de produits du tabac.
Considérant que la prévalence du vapotage est beaucoup plus importante chez les adolescents et les jeunes adultes que chez les adultes plus âgés, il existe un important risque que les coûts de santé s’accroissent de manière considérable au cours des prochaines décennies s’ils poursuivent l’usage de la cigarette électronique au cours de leur vie adulte. Ceci laisse suggérer que l’investissement dans les stratégies de prévention du vapotage pourrait s’avérer très bénéfique à long terme par rapport aux coûts de santé, particulièrement si ces stratégies sont supportées par des mesures législatives visant à restreindre l’usage de la cigarette électronique.
Des limites à l’interprétation des résultats sont toutefois relevées dans l’article. Notons principalement que les auteurs de l’étude n’ont pas été en mesure de tenir compte de certains types de service de soins de santé, notamment les soins donnés dans les maisons de retraite ou les cliniques dentaires, de même que les médicaments obtenus en pharmacie. Il est donc possible que les estimations de coûts représentent des sous-estimations. Mentionnons également que les anciens utilisateurs de cigarette électronique n’ont pas été inclus dans les estimations, parce que les données employées ne permettaient pas de distinguer les utilisateurs expérimentaux (ayant déjà essayé de vapoter une ou deux fois dans leur vie) des anciens utilisateurs qui vapotaient régulièrement avant de cesser. Cela pourrait aussi contribuer à une sous-estimation de l’utilisation des services de soins de santé et des coûts associés.
Wang Y, Sung H-Y, Lightwood J, Yao T, Max WB. Healthcare utilisation and expenditures attributable to current e-cigarette use among US adults. Tob Control 2023;32(6):723-728.
Analyse de la contribution des produits du tabac aux ventes enregistrées dans les dépanneurs en Grande-Bretagne entre 2016 et 2019
Contexte
Pour les autorités de santé publique de plusieurs pays, la réduction de la disponibilité des produits du tabac par l’augmentation des taxes et la diminution du nombre de points de vente fait partie des priorités en matière de réglementation visant à réduire la prévalence du tabagisme. L’industrie du tabac prétend toutefois que les produits du tabac jouent un rôle central sur l’achalandage et les ventes enregistrées dans les petits commerces, et que la restriction de l’accès au tabac mettrait en péril leur viabilité. Bien que des études se soient déjà intéressées à l’achalandage généré par l’achat de produits du tabac, peu d’entre elles ont considéré la variation réelle de ces achats en comparant les milieux urbains et ruraux et en tenant compte de la défavorisation des quartiers.
Objectifs
L’étude vise à calculer, et à comparer entre 2016 et 2019 : 1) la proportion des achats qui incluent des produits du tabac; 2) la valeur des achats de produits du tabac lors d’une transaction; 3) la part du chiffre d’affaires du dépanneur liée à la vente du tabac; et 4) l’écart de ventes entre les commerces situés en zone urbaine ou rurale, dans un secteur favorisé ou défavorisé. Pour ce faire, l’étude utilise des données d’achat à la caisse, enregistrées par lecture des code-barres sur les articles, à raison d’une semaine par trimestre entre 2016 et 2019. L’échantillon inclut 1 253 dépanneurs situés en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, dont le code postal permet de déterminer s’ils se retrouvent en zone urbaine ou rurale et de les lier à l’indice de défavorisation du quartier où ils se trouvent.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- Parmi tous les types de produits achetés en dépanneur, ce sont les produits du tabac qui ont connu la plus grande baisse de ventes. Ils se retrouvaient dans 24 % des transactions en 2016, comparativement à 15 % en 2019.
- Le coût moyen des achats a augmenté entre 2016 et 2019 pour tous les types de transactions, variant d’une hausse de 21 % pour les transactions excluant les produits du tabac à 63 % pour celles portant uniquement sur ces produits.
- Le chiffre d’affaires hebdomadaire par magasin s’est maintenu de 2016 à 2019 : en comparant le cumul des quatre semaines de référence pour chaque année, il est passé de 54,1 à 53,5 millions de livres sterling, soit une baisse d’environ 1 %.
- Entre 2016 et 2019, la proportion du chiffre d’affaires hebdomadaire lié à la vente de produits du tabac (achat exclusif ou combiné avec d’autres produits) est passée de 47 % à 39 %. Cette diminution est plus importante dans les secteurs défavorisés (9 points de pourcentage) que dans les secteurs favorisés (6 points de pourcentage).
Selon les auteurs, les résultats démontrent que l’attractivité et la viabilité économique des dépanneurs passent de moins en moins par la vente des produits du tabac, au contraire de ce que soutient l’industrie. Ces produits sont achetés moins souvent, ce qui pourrait s’expliquer par l’entrée en vigueur de changements à la réglementation de la vente de tabac en mai 2017 (imposition de l’emballage neutre, modification du nombre de cigarettes pouvant minimalement être contenues dans un paquet).
L’étude comporte certaines limites, premièrement du fait qu’elle ne tient pas compte des produits vendus sans code-barre ou sans description permettant de classer l’article adéquatement. Notons également que le fait de considérer le chiffre d’affaires global plutôt que la marge de profits des commerces, qui est une mesure pertinente de leur viabilité économique, limite la portée des conclusions pouvant être tirées de l’étude. Il doit aussi être précisé que les totaux de ventes calculés ne sont pas exprimés en livres sterling constantes et ne tiennent donc pas compte de l’inflation. Cette limite ne contrevient pas à la conclusion des auteurs, au sens où l’utilisation de la livre constante aurait entraîné l’observation d’une baisse encore plus forte des ventes. Mentionnons finalement que l’échantillon de commerces employé est un échantillon de convenance, ce qui signifie qu’il pourrait ne pas être représentatif des ventes totales à travers la Grande-Bretagne.
Tunstall H, Shortt NK, Kong AY, Pearce J. Is tobacco a driver of footfall among small retailers? A geographical analysis of tobacco purchasing using electronic point of sale data. Tob Control 2023;32(6):747-756.
De la cytisinicline (cytisine) pour cesser de fumer : un essai clinique randomisé
Contexte
La cytisinicline, aussi connue sous le nom de cytisine, est un alcaloïde naturel d’origine végétale. Dans l’organisme, la cytisine, tout comme la varénicline, imite les effets de la nicotine en se fixant sur certains récepteurs nicotiniques, ce qui explique son usage comme aide pharmacologique pour le renoncement au tabac. Elle est utilisée depuis des décennies comme produit de santé naturel en Europe centrale et orientale, mais n’a été approuvée au Canada qu’en 2017. Comme l’utilisation de ce produit dans une optique de renoncement au tabac est récente, il est possible que le schéma posologique employé et la durée du traitement ne soient pas optimaux. Si la cytisine est démontrée efficace et sûre, elle pourrait s’avérer utile lorsque les autres options pharmacologiques sont soit contre-indiquées, soit inaccessibles au fumeur.
Objectif
Cette étude clinique randomisée, en double aveugle, a pour objectif d’évaluer l’efficacité et la tolérabilité de la cytisine lorsqu’elle est administrée dans le cadre d’un nouveau schéma posologique (3 mg, 3 fois par jour) pendant 6 ou 12 semaines par rapport au placebo.
L’étude a été menée sur 17 sites largement répartis aux États-Unis, d’octobre 2020 à décembre 2021. Elle inclut 810 fumeurs quotidiens souhaitant renoncer au tabac. Les participants ont été randomisés en trois groupes : 1) 12 semaines de cytisine (n = 270); 2) 6 semaines de cytisine, suivies de 6 semaines de placebo (n = 269); et 3) 12 semaines de placebo (n = 271). Tous les participants ont également reçu du counseling comportemental bref.
L’abstinence tabagique continue vérifiée biochimiquement (CO expiré) a été mesurée au cours des 4 dernières semaines du traitement (résultat primaire) et à la fin du traitement à 24 semaines (résultat secondaire).
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- Parmi les 810 participants (âge moyen 52,5 ans, 55 % de femmes, moyenne de 19,4 cigarettes par jour), 618 (76 %) ont complété l’étude.
- L’abstinence tabagique continue pendant les 4 dernières semaines de traitement (résultat primaire) était significativement plus élevée pour la cytisine (6 et 12 semaines de traitement) que pour le placebo. Similairement, l’abstinence continue depuis les 4 dernières semaines d’intervention jusqu’à 24 semaines (résultat secondaire) était aussi significativement plus élevée pour les deux durées d’administration de cytisine par rapport au placebo.
- Plus précisément, pour l’intervention de 6 semaines de cytisine par rapport au placebo, les taux d’abstinence continue étaient de 25 % contre 4 % au cours des semaines 3 à 6 (OR : 8,0, IC 95 % 3,9-16,3 ; p < 0,001) et de 9 % contre 3 % pendant les semaines 3 à 24 (OR : 3,7, IC 95 % 1,5-10,2 ; p = 0,002).
- Pour l’intervention de 12 semaines de cytisine par rapport au placebo, les taux d’abstinence continue étaient de 33 % contre 7 % pour les semaines 9 à 12 (OR : 6,3, IC 95 % 3,7-11,6 ; p < 0,001) et de 21 % contre 5 % pendant les semaines 9 à 24 (OR : 5,3, IC 95 % 2,8-11,1 ; p < 0,001).
- Des événements indésirables ont été signalés par 68 % des participants du groupe cytisine 12 semaines, 64 % du groupe cytisine 6 semaines et 61,5 % du groupe placebo. Dans les trois groupes, les nausées, les maux de tête, les rêves anormaux et l’insomnie étaient les effets les plus fréquemment mentionnés (> 5 %). Les rêves anormaux et l’insomnie étaient significativement plus présents dans les groupes cytisine que dans le groupe placebo.
- L’arrêt de l’intervention en raison d’événements indésirables est survenu chez 16 participants des groupes cytisine (3 %) et quatre participants du groupe placebo (1,5 %). Aucun événement indésirable grave lié à la cytisine n’a été enregistré.
Cette étude démontre que l’usage de cytisine (3 mg, 3 fois par jour) pour une durée de 6 ou 12 semaines, combiné avec du counseling comportemental, pourrait être efficace en matière de renoncement au tabac et présenterait des effets secondaires tolérables. Notons toutefois que l’échantillon de l’étude était majoritairement composé de fumeurs de race blanche et excluait les individus ayant reçu certains diagnostics de santé (ex. : troubles de santé mentale graves), ce qui limite les possibilités de généralisation des résultats.
Rigotti NA, Benowitz NL, Prochaska J, Leischow S, Nides M, Blumenstein B, et al. Cytisinicline for smoking cessation : A randomized clinical trial. JAMA 2023;330(2):152-160.
Facteurs associés au renoncement au tabac chez les 10-24 ans : une revue systématique des études qualitatives
Contexte
L’initiation au tabagisme se produit généralement à l’adolescence, une phase développementale particulièrement vulnérable à l’expérimentation de comportements à risque. Afin de prévenir des décennies de dépendance à la nicotine et ultimement des complications liées au tabagisme, les interventions de renoncement au tabac doivent être adaptées spécifiquement aux besoins des jeunes fumeurs, et développées sur la base de preuves solides et cohérentes.
Les revues de la littérature sur les facteurs associés à la réussite du renoncement au tabac chez les jeunes ont jusqu’à présent été limitées aux études quantitatives. Contrairement à leur pendant qualitatif, les études quantitatives ne tiennent pas toujours compte des facteurs sociaux, culturels et environnementaux plus larges qui peuvent influencer le comportement tabagique et les efforts de renoncement au tabac.
Objectif
L’objectif de la revue systématique est de résumer les résultats d’études qualitatives sur les facteurs associés à l’abandon du tabac chez les adolescents et les jeunes adultes.
Les auteurs ont effectué une recherche dans six bases de données afin de repérer des articles évalués par des pairs, rédigés en anglais ou en français, et publiés entre le 1er janvier 2000 et le 18 novembre 2020.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Sur 1 724 documents identifiés, les auteurs ont retenu 39 études utilisant des méthodes qualitatives (n = 37) ou mixtes (n = 2), ciblant les personnes âgées de 10 à 24 ans et visant à identifier les facteurs associés à l’arrêt ou à la réduction du tabagisme. Dix-sept articles retenus (44 %) décrivent des études menées aux États-Unis, et 23 articles (59 %) ont été publiés entre 2000 et 2010.
Les auteurs ont identifié plusieurs facteurs conceptuellement distincts associés au renoncement au tabac, qu’ils ont regroupé en deux (2) catégories : a) les facteurs environnementaux et b) les attributs individuels. Chacune des catégories comprend des sous-catégories et des exemples de barrières (-) et facilitateurs (+) rattachés, comme décrit ci-dessous.
- Les facteurs environnementaux
- Politiques de lutte antitabac. Ex. : politiques sans fumée à l’école (+)
- Normes pro-tabac. Ex. : vivre dans un environnement où fumer est considéré comme normal (-)
- Services et interventions de renoncement au tabac. Ex. : soutien de personnes ayant arrêté de fumer (+), prise en compte et compréhension des besoins des jeunes par les intervenants (+)
- Influence des amis et de la famille. Ex. : pression des pairs qui fument (-), vivre avec des personnes qui fument (-)
- Les attributs individuels
- Caractéristiques psychologiques. Ex. : motivation (+), volonté (+), auto-efficacité (+), ennui (-), stress (-)
- Attitudes. Ex. : sentiment de gêne à l’idée d’utiliser les services de renoncement au tabac (-)
- Comportements facilitant l’abandon du tabac. Ex. : éviter les individus qui fument (+), s’occuper en faisant autre chose (+)
- Symptômes de dépendance à la nicotine. Ex. : incapacité à contrôler l’envie de fumer (-), symptômes de sevrage (-)
- Consommation d’autres substances. Ex. : consommation d’alcool (-)
Les études qualitatives recensées dans la présente revue systématique offrent de nouvelles perspectives sur des facteurs qui ne sont pas toujours pris en compte dans la recherche quantitative sur le renoncement au tabac. Par exemple, les résultats soutiennent le renforcement de l’estime de soi des jeunes comme facteur favorisant la réussite de leur démarche de renoncement, et soulignent l’importance de lutter contre l’ennui en travaillant avec eux sur la manière d’utiliser leur temps libre de façon constructive.
Les études suggèrent également qu’il importe de proposer des interventions favorisant un environnement soutenant qui ne contribue pas au sentiment de gêne des jeunes. En ce sens, l’attitude bienveillante des intervenants et le soutien de personnes ayant arrêté de fumer et comprenant le processus de renoncement (ex. : pairs) peuvent jouer un rôle primordial sur le succès de la démarche. Enfin, il apparaît que les politiques sans fumée sont propices à l’abandon du tabac du fait qu’elles remettent en question la perception du tabagisme comme socialement acceptable et visent à faire du comportement non-fumeur la norme.
Bitar S, Collonnaz M, O’Loughlin J, Kestens Y, Ricci L, Martini H, et al. A systematic review of qualitative studies on factors associated with smoking cessation among adolescents and young adults. Nicotine Tob Res 2024;26(1):2-11.
Encadrement des pochettes de nicotine dans différents pays
Contexte
Une pochette de nicotine est un petit sachet contenant de la poudre de nicotine, qu’on place dans la bouche entre la gencive et la lèvre pour laisser agir pendant plusieurs minutes. La nicotine, absorbée par les muqueuses buccales, peut provenir de la feuille de tabac ou être d’origine synthétique. Selon la firme Euromonitor International, les ventes globales de pochettes de nicotine seraient passées de 292 millions d’unités vendues en 2018 à 6,8 milliards d’unités en 2021. Ces produits sont manufacturés par les grandes multinationales de tabac. L’intérêt des pochettes est d’offrir aux fumeurs une source de nicotine sans combustion ni tabac, qui n’est pas absorbée par les poumons. Toutefois, les effets sur la santé des pochettes de nicotine ne sont pas bien documentés, notamment en raison des concentrations de nicotine très variables et des effets peu connus de la nicotine synthétique.
Objectif
Cette étude vise à identifier les pays où des pochettes de nicotine sont disponibles sur le marché et à décrire l’encadrement de ces produits dans divers pays.
À partir de l’été 2021, des questions sur les pochettes de nicotine ont été ajoutées à la recension biannuelle sur la réglementation des produits du tabac du John Hopkins Institute for Global Tobacco Control. Ces questions portaient sur la présence de pochettes de nicotine dans une juridiction, la classification de ces produits (tabac, drogue, médicament, etc.) et si la classification variait selon la source de nicotine (dérivée du tabac, synthétique). Des personnes-ressources provenant de 97 pays membres de l’OMS ont été sollicitées et des informations ont pu être recueillies au sujet de 67 pays, provenant de tous les continents.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Au moment de la collecte de données, parmi les 67 pays ayant fourni de l’information :
- Des pochettes de nicotine étaient vendues dans 33 pays, dont 20 faisaient état de modalités d’encadrement (ex. : Danemark, Finlande, France) et 13 n’en rapportaient aucune (ex. : Allemagne, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni);
- 32 pays ne rapportaient pas de vente de pochettes de nicotine; 14 pays déclaraient que la réglementation en vigueur fournit un encadrement pour ces produits (ex. : Australie, Canada 1); 12 pays affirmaient que ces produits ne sont pas encadrés par la réglementation en vigueur (ex. : Égypte, Uruguay);
- Parmi les 34 pays rapportant un encadrement des pochettes, la majorité (20) réglementait autant les produits dont la nicotine était dérivée du tabac que d’origine synthétique;
- À titre d’exemple parmi les pays réglementant différemment les produits selon la source de nicotine, l’Australie interdisait la vente de pochettes dont la nicotine est dérivée du tabac, mais permettait celles dont la nicotine est d’origine synthétique, à condition d’être obtenue sur ordonnance;
- Dans certains pays, l’encadrement (des produits du tabac, des médicaments ou des drogues) existant avant l’arrivée des pochettes s’appliquait, tandis que d’autres devaient étendre la portée de la réglementation pour inclure les pochettes, ou créer de nouvelles catégories de produits;
- Parmi les 67 pays ayant participé à la collecte de données, six n’ont pas fourni d’information par rapport à la présence ou l’encadrement des pochettes. Il n’a pas été non plus possible de confirmer si des pochettes de nicotine étaient vendues en Mongolie et aux Îles Cook;
- Les modalités d’encadrement les plus fréquentes concernent les restrictions quant à la publicité, les mises en garde, et l’âge légal pour se procurer des pochettes de nicotine.
Ces résultats démontrent la variabilité de la réglementation des pochettes de nicotine à travers le monde. Les résultats ne tiennent pas compte de la réglementation régionale ou provinciale, et leur portée est limitée par l’évolution rapide de la situation depuis 2021.
Duren M, Atella L, Welding K, Kennedy RD. Nicotine pouches: a summary of regulatory approaches across 67 countries. Tob Control 2024;33:e32-e40.
1 Au Canada, au moment de la collecte de données, aucune marque de pochettes de nicotine n’était homologuée. Une marque de pochettes de nicotine a été homologuée par Santé Canada en juillet 2023 : la marque Zonnic, offerte en cinq saveurs, et commercialisée par une filiale de British American Tobacco comme thérapie de remplacement de la nicotine. Au Canada, les produits de nicotine sans tabac contenant moins de 4 mg de nicotine par portion sont assujettis à la loi sur les produits de santé naturels. Au Québec, les pochettes sont vendues dans les pharmacies, au comptoir des ordonnances.
Politiques publiques visant à réduire le vapotage chez les jeunes
Contexte
La cigarette électronique est un produit dont la consommation chez les jeunes est préoccupante. Plusieurs politiques publiques peuvent être mises en œuvre afin de réduire ou prévenir l’usage de ce produit. La taxation, l’interdiction de saveurs et la hausse de l’âge minimum pour l’achat de produits de vapotage en sont des exemples. Toutefois, à ce jour, peu d’études ont analysé de manière systématique les effets de ces politiques sur la prévalence du vapotage chez les jeunes.
Objectif
Cette étude consiste en une recension systématique des écrits scientifiques dont l’objectif est de présenter les preuves de l’efficacité de différentes politiques publiques visant à prévenir ou à réduire l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes.
Les études analysées comprennent 30 études primaires réalisées dans des pays à revenu élevé, documentant les effets des politiques chez des jeunes âgés de 12 à 21 ans.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Les analyses révèlent que :
- Parmi les 16 études ayant porté sur les effets de restrictions liées à l’âge, sept démontrent qu’il s’agit d’une mesure associée à une diminution de la prévalence du vapotage;
- Trois études sur quatre concluent que l’interdiction des saveurs dans les produits de vapotage est associée à une diminution de la prévalence d’usage;
- Les deux études ayant porté sur l’imposition d’un permis de vente aux détaillants suggèrent que cette mesure contribue à diminuer le vapotage;
- Les deux études considérant les effets de la taxation ou la hausse de prix des cigarettes électroniques indiquent que cette mesure permet de réduire le vapotage chez les jeunes;
- Les deux études qualitatives traitant de l’effet de la présence de mises en garde sanitaires sur les produits de vapotage indiquent qu’elles contribuent à réduire l’intention de vapoter;
- L’étude ayant porté sur les effets d’une politique visant à restreindre le nombre de lieux où le vapotage est autorisé indique que la mesure n’a pas entraîné de baisse de l’usage de la cigarette électronique.
Les auteurs concluent que l’interdiction des saveurs, les permis de vente aux détaillants, les mises en garde et les taxes contribuent à réduire le vapotage chez les jeunes. Les résultats mitigés concernant les restrictions liées à l’âge pourraient s’expliquer par des problèmes d’application de la mesure, soit la difficulté à faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs. Les auteurs indiquent que l’évaluation de la qualité des études soulève la présence de risques modérés à élevés de biais, ce qui n’est pas surprenant dans le cas d’études portant sur des politiques publiques, en raison de la difficulté à isoler l’effet d’une politique des autres facteurs confondants. Ils rappellent que certaines politiques — dont la taxation, l’interdiction de saveurs et l’apposition de mises en garde sanitaires — ont démontré leur efficacité quant à réduire l’usage des produits du tabac.
Par ailleurs, les auteurs sont d’avis que cette recension systématique ne permet pas de conclure que l’implantation d’une seule mesure contribuerait à réduire la prévalence du vapotage chez les jeunes. Ils considèrent qu’une combinaison de politiques permettant d’agir sur l’attractivité des produits (c.-à-d. : interdiction de saveurs, mises en garde sanitaires), l’accessibilité économique et la facilité d’accès aux produits s’avère une avenue davantage appropriée.
Reiter A, Hébert-Losier A, Mylocopos G, Filion KB, Windle SB, O’Loughlin JL, et al. Regulatory strategies for preventing and reducing nicotine vaping among youth: a systematic review. Am J Prev Med 2024;66(1):169-181.
Rédacteurs
Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Marianne Dubé, assistante de recherche professionnelle
Patrick Luyindula, conseiller scientifique spécialisé
Marie-Josée Harbec, conseillère scientifique spécialisée
Annie Montreuil, conseillère scientifique spécialisée
Jacinthe Brisson,conseillère scientifique
Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés
Coordonnateur
Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Direction du développement des individus et des communautés
Réviseur
Olivier Bellefleur, chef d’unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés
Révision linguistique
Sarah Mei Lapierre, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés
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