Mémoire présenté à la commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux
La révision de l'organisation et du financement des services de santé et des services sociaux est devenue une démarche nécessaire à la préservation d'un système juste, efficace et abordable. La tâche est cependant complexe et les modifications à apporter à notre système de santé gagneraient à être définies et évaluées à l'aide d'un cadre d'analyse global comme celui développé par l'OMS dans son Rapport sur la santé 2000.
Dans ce cadre, le système de santé comprend non seulement les services personnels offerts aux malades mais aussi les interventions collectives, généralement de nature préventive, qui jouent un rôle important dans l'état de santé d'une population. Les systèmes de santé y sont évalués en fonction des nombreux objectifs qu'ils poursuivent : améliorer la santé de la population, réduire les écarts de santé, répondre aux attentes légitimes de la population et ce sans discrimination envers les groupes plus vulnérables et enfin répartir équitablement le financement. Le niveau de financement n'est pas un objectif du système mais un choix politique et social. Pour un niveau de ressources donné, un système de santé est d'autant plus performant qu'il réussit à bien atteindre les multiples objectifs fixés. Les premières estimations de l'OMS suggèrent que la performance du système de santé canadien pourrait être meilleure, c'est-à-dire qu'on pourrait mieux atteindre les objectifs avec les ressources que nous investissons en santé. La structure de la prestation de services et celle du financement, les deux questions examinées par la commission, sont identifiées comme deux déterminants fondamentaux de la performance d'un système de santé.
Dans son analyse, l'OMS insiste sur l'importance de bien choisir les services qui sont offerts par le système de santé. Les ressources étant limitées et les capacités d'intervention s'accroissant constamment, faire des choix est devenu inévitable. Ces choix doivent viser à maximiser les effets sur la santé qui peuvent être obtenus des ressources disponibles mais aussi prendre en compte les objectifs d'équité et les priorités que la société se donne. Optimiser la performance du système de santé demande d'opérer une priorisation “ sociale ” des services offerts par le système de santé. Ce type de régulation, expérimentée dans quelques pays, fait défaut dans notre système de santé caractérisé par un contrôle passif des dépenses globales. Une telle priorisation devrait s'appliquer tant aux services personnels offerts par les prestataires de soins qu'aux interventions collectives de prévention. La priorisation des services n'est pas la désassurance. Elle s'en distingue par l'application de critères de décision plus larges, la prise en compte explicite des valeurs sociales et une plus grande souplesse dans l'application des décisions. La priorisation exigerait une meilleure information que celle dont nous disposons actuellement et surtout une plus grande implication de la population dans les choix.
Les interventions collectives de prévention de même que les pratiques préventives intégrées à la pratique clinique sont souvent des approches efficaces et rentables. Des interventions contre les risques infectieux, environnementaux et occupationnels ainsi que des interventions pour modifier des habitudes de vie ou des conditions de vie nuisibles à la santé peuvent contribuer directement à l'amélioration de l'état de santé moyen et à la réduction des écarts de cet état de santé. Les changements apportés à l'organisation et au financement du système doivent favoriser leur intégration dans la prestation des services.
L'analyse de l'OMS identifie le gouvernement comme responsable de la performance d'ensemble du système de santé. Il doit en assumer le pilotage, incluant la conduite des actions intersectorielles, et assurer la viabilité du système de santé. Cette viabilité tient pour beaucoup à sa légitimité auprès de la population. À cet égard, il apparaît nécessaire qu'au-delà d'une prestation des services plus sensible aux attentes de la population, les processus centraux pour les décisions touchant les orientations nationales, l'allocation des ressources, l'évaluation et la gestion d'ensemble accordent plus de place et plus de poids aux préoccupations et aux valeurs de la population.
Au-delà des options soulevées par la Commission et des modalités éventuellement retenues, c'est la capacité d'enclencher et de gérer des changements qui sera déterminante. Le processus de changement est tout aussi important et tout aussi complexe que le processus actuel de formulation des changements visés. L'expérience des grandes réformes québécoises en santé et services sociaux illustre la complexité de ces processus de changement et les limites des approches administratives et planifiées. Pour le prochain épisode, on pourrait adopter une stratégie visant à enclencher le changement plutôt qu'à le définir en détail à l'avance. Dans une telle stratégie, il s'agit d'introduire un nombre limité de modifications qui soient susceptibles de faire évoluer l'ensemble du système vers les objectifs énoncés précédemment. Des modifications visant à accroître les responsabilités des groupes assurant les services de base ainsi que la capacité des citoyens à participer aux décisions centrales auraient une grande portée.
Finalement, l'Institut national de santé publique du Québec s'engage à favoriser l'implication de la population dans les choix. Il le fera à travers la production et la mise à profit des connaissances scientifiques dans le champ de la santé publique. Il participera à l'évaluation d'interventions préventives et collaborera à l'évaluation des technologies et des modes d'interventions en santé. Sa contribution se fera également en relation avec les stratégies d'ensemble touchant la promotion de la santé et du bien-être. Elle prendra la forme d'analyses prospectives sur l'état de santé de la population et sur des risques particuliers ainsi que d'évaluations de l'impact sur la santé des changements dans les services personnels et les interventions préventives. En plus, l'INSPQ pourra soutenir l'implantation des changements à travers son mandat de formation des intervenants en santé publique et celui d'information de la population.